Le mouvement social qui a bouleversé notre pays ces derniers mois trouve incontestablement en partie ses racines dans le sentiment qu'éprouvent nos concitoyens de vivre sur des territoires périphériques coupés des métropoles. La cherté des logements les exclut des métropoles dynamiques où se concentrent la création de richesses et la croissance économique. L'accès à l'emploi, à la formation et à la culture leur est de plus en plus compliqué. Nous devons, en somme, répondre à une fracture territoriale qui s'est aggravée ces dernières décennies.
Le projet de loi d'orientation des mobilités que le Gouvernement soumet à notre assemblée est l'une des réponses à ces fractures qui minent la cohésion des territoires. Il s'agit d'améliorer concrètement les déplacements du quotidien, pour tous nos concitoyens, sur tous les territoires. Nous nous félicitons de la qualité du travail de concertation qui a été conduit en amont de la présentation de ce texte à l'Assemblée et des débats constructifs qui se sont tenus en commission. Les Assises de la mobilité ont été un temps d'échange et de dialogue avec les acteurs des mobilités, rassemblant notamment les exploitants, les élus des territoires, les employeurs et les usagers.
Ce projet de loi engage une transformation profonde des mobilités, comme tous mes collègues rapporteurs ont pu l'exprimer en évoquant les titres sur lesquels ils ont compétence. Ce texte met en place des instruments dont les collectivités territoriales devront se saisir pour être à même de mieux gérer les mobilités de leurs administrés. Elle accompagne par ailleurs la transformation numérique à l'oeuvre dans le domaine des mobilités, qui a été plus rapide que les pouvoirs publics. L'idée de ce projet de loi est d'ouvrir, de simplifier la gestion des mobilités afin de permettre de créer de nouvelles opportunités pour les usagers selon leur territoire et en adéquation avec des attentes et des comportements en constante évolution.
Tout cela ne peut néanmoins se faire sans une prise en considération essentielle de l'enjeu de la transition écologique. Le développement de mobilités propres est en effet une exigence de nos concitoyens.
Plus spécifiquement, le titre V que je rapporte introduit des mesures diverses couvrant l'ensemble des mobilités, aussi bien celles des personnes que celles des marchandises, et portant sur les modes terrestre, ferroviaire, fluvial et maritime. Il met en avant plusieurs objectifs : le renforcement de la sécurité des mobilités et de la sûreté dans les réseaux de transports terrestres collectifs ; l'amélioration de la compétitivité du transport de fret maritime et fluvial ; la mise en place des outils de financement et de modernisation.
La sécurité des Français dans les mobilités du quotidien constitue une préoccupation majeure du projet de loi, notamment au travers de mesures visant à renforcer le dispositif de sanctions contre les infractions aux règles de la sécurité routière. D'autres mesures spécifiques visent à sécuriser les itinéraires des usagers de la route, notamment après des faits divers dramatiques en lien avec le franchissement des passages à niveau. Le rapport de notre collègue Laurence Gayte a alimenté un certain nombre de mesures en la matière ; je tenais à saluer la qualité de son travail.
Certaines des mesures de sécurité routière que nous aurons l'occasion d'examiner ensemble ont suscité des débats au Sénat. Nos collègues sénateurs ont souhaité voir quelques assouplissements, voire la suppression de nouveaux dispositifs. Néanmoins, en commission, la lutte contre l'alcool et la prise de stupéfiants a été réaffirmée comme une priorité de la sécurité routière, ce qui a conduit à rétablir des mesures de lutte efficace contre des comportements augmentant le risque d'accidents de la circulation.
Cela dit, agir en faveur de la sécurité de nos mobilités, c'est aussi agir en amont. Le texte met en place des conditions plus favorables pour le bon apprentissage de la conduite et l'accès au permis de conduire, notamment sur la base des recommandations du rapport de notre collègue Frédérique Dumas. La sécurité routière, c'est aussi, comme nous le proposons, le renforcement des dispositifs de prévention.
Au-delà de l'enjeu de la sécurité des mobilités, le titre V opère l'ouverture à la concurrence des réseaux de transport public urbain par autobus de la RATP, avec un volet social important. En application du droit européen, la mise en concurrence de l'exploitation des réseaux de la RATP est prévue à compter de la fin 2024 pour le mode bus, de la fin 2029 pour le mode tramway et de la fin 2039 pour les modes métro et RER.
Dans la perspective de l'ouverture à la concurrence des services de transport public par autobus dès le 1er janvier 2025, le projet de loi entend établir une convergence des conditions d'intervention des différents opérateurs du secteur. Cette mise en concurrence soulève les questions d'un nouveau cadre légal spécifique, des modalités du transfert des contrats de travail des salariés ainsi que de la portabilité de certains droits issus du statut. Il s'agit de mettre en oeuvre les conditions de la réussite de ce transfert afin qu'il se déroule dans les meilleures conditions, et de garantir la continuité du service public pour les usagers. Le projet de loi prévoit ainsi, en cas de changement d'opérateur, le transfert au nouvel employeur des contrats de travail des salariés. Par ailleurs, la poursuite des contrats s'accompagnera du transfert de garanties sociales de haut niveau.
Les travaux de la commission ont permis des avancées, notamment sur les points suivants : la détermination des conséquences du refus du transfert ; les modalités relatives à l'indemnité de licenciement versée en cas de refus de transfert ; la mise en place d'un dispositif de procédure de transfert automatique des contrats de travail en cas de changement d'exploitant, qui s'appliquera partout en France, notamment aux personnels d'OPTILE – l'Organisation professionnelle des transports d'Île-de-France – dans la grande couronne. Dans tous les cas, l'enjeu est de garantir la continuité du service public pour les usagers.
Avec l'ouverture à la concurrence des transports en Île-de-France, la sûreté est un enjeu pour la cohérence du dispositif. Il importe d'assurer un niveau élevé de sûreté des personnes et des biens. Avec le développement du Grand Paris, dont la RATP est gestionnaire d'infrastructures, quatre lignes, 200 kilomètres de voies et soixante nouvelles gares viendront s'ajouter au réseau francilien, déjà à forte densité. Le projet de loi propose de confier l'ensemble du réseau métropolitain à un service de sûreté unifié et harmonisé, le GPSR, Groupe de protection et de sécurité des réseaux. Le texte s'attache à fixer et assurer un haut niveau de sûreté pour les voyageurs, et à éviter les risques d'une fragmentation entre plusieurs acteurs de la gestion de la sûreté.
Concernant les mesures de simplification visant à améliorer la compétitivité du transport maritime, fluvial et ferroviaire, il s'agit de permettre aux acteurs du secteur, notamment aux grands ports maritimes, d'opérer dans un cadre juridique stable et de faire évoluer et moderniser un certain nombre de mesures liées à la navigation maritime et à la navigation fluviale, notamment en matière de sécurité. En outre, la circulation des marchandises s'intensifiant, le projet de loi promeut le recours à des modes de transports de marchandises plus respectueux de l'environnement, notamment en instituant une stratégie pour le développement du fret ferroviaire.
Vous l'aurez compris, ouvrir, simplifier et moderniser sont les maîtres mots du titre que j'ai l'honneur de rapporter, mais c'est aussi l'esprit général du projet de loi d'orientation des mobilités.