Dix-huit mois après les Assises nationales de la mobilité, le projet de loi d'orientation des mobilités arrive enfin à l'Assemblée nationale. Ces Assises consacrées prioritairement aux transports du quotidien avaient fait émerger beaucoup de réflexions et de propositions. Elles avaient également suscité beaucoup d'attentes dans différents domaines : mobilité partagée, douce, inclusive ; mobilité connectée ; gouvernance ; sécurité des modes de transport et sûreté dans les transports ; mobilités plus propres ; logistique mieux partagée et mieux intégrée dans les villes.
Cette démarche a été complétée par la remise d'un rapport du Conseil d'orientation des infrastructures établissant les grandes priorités en matière de programmation des investissements pour les vingt prochaines années, et précisant les ressources nécessaires pour accompagner ce programme. Bref, tout était prêt pour une loi d'orientation des mobilités ambitieuse et aboutie, trente-cinq ans après la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.
Le Sénat, saisi du projet de loi avant l'Assemblée nationale, ne s'y est pas trompé : il a voulu faire de ce texte une loi ambitieuse ramenant en début de projet de loi la programmation financière et opérationnelle des investissements de l'État dans les transports pour la période 2019-2037. Le texte adopté par le Sénat, dont la commission du développement durable de l'Assemblée nationale a commencé l'examen il y a dix jours, a fait l'objet de plus de cinquante heures de débats et de près de 3 000 amendements, démontrant ainsi l'importance du sujet et la qualité de nos débats – j'en profite pour remercier Mme Barbara Pompili, la présidente de la commission.
Ces chiffres démontrent aussi que nous avons affaire à un texte partiellement abouti tant il est vrai que de multiples sujets ont été renvoyés au débat en séance publique, malgré votre présence en commission, madame la ministre, et tant le nombre d'amendements déposés par nos collègues de la majorité laissait penser que le texte ne les satisfaisait pas.
Aussi, l'examen en séance que nous entamons aujourd'hui laisse présager de nombreux débats avec l'examen de 3 400 amendements au cours de discussions organisées, en application de la règle du temps programmé, sur cinquante heures.
Parce que mon temps de parole est limité, je privilégierai les sujets d'inquiétude ou de désaccord qui subsistent dans ce texte assez technique dont l'ambition politique reste en deçà de nos priorités.
En effet, l'ambition politique passe par une ambition budgétaire nécessaire pour aider nos concitoyens et nos entreprises à financer leur propre transition écologique. Le résultat des élections européennes vient de nous le rappeler. Cette ambition est aussi nécessaire pour aider les collectivités à financer de nouvelles mobilités sur tous les territoires, même les plus enclavés. Elle est également nécessaire pour que l'État lui-même investisse dans la régénération, la modernisation et le renouvellement des infrastructures de transport, et qu'il réponde prioritairement aux besoins de mobilité du quotidien, en veillant à un aménagement équilibré du territoire. Le débat sur le maintien des petites lignes en est un bon exemple. Or, le compte n'y est pas.
Cette ambition budgétaire n'est pas au rendez-vous. Le projet de loi ne donne pas à l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, des moyens suffisants pour atteindre les priorités fixées par le Président de la République lui-même. Le Conseil d'orientation des infrastructures l'observe lui-même. C'est un comble !
En fait, l'AFITF, qui, notons-le, sert uniquement de boîtes aux lettres pour financer les politiques de transport élaborées par le directeur du ministère des transports, coûte, en frais de fonctionnement, près de 700 000 euros par an…