Intervention de élisabeth Borne

Séance en hémicycle du jeudi 6 juin 2019 à 21h30
Mobilités — Article 18

élisabeth Borne, ministre chargée des transports :

Je souhaite dire quelques mots pour expliquer l'état d'esprit dans lequel le Gouvernement aborde cet article.

Dans le principe, je suis favorable au développement des nouvelles solutions de mobilité, car nombre de nos concitoyens peinent à se déplacer et n'ont pas d'autre choix que l'usage individuel de la voiture. Que de nouvelles réponses leur soient proposées est donc une bonne chose, et je pense que les engins de déplacement personnel motorisés– EDPM – font partie des solutions neuves qui peuvent s'avérer intéressantes.

Toutefois, nous constatons que ces engins se développent de façon anarchique, ce qui pose des problèmes en matière de sécurité pour les utilisateurs, mais aussi pour les autres usagers de l'espace public. Tel est le sens du décret que j'ai récemment annoncé, qui fait actuellement l'objet d'une consultation et que j'espère voir entrer en vigueur à la rentrée.

Ce décret définira à la fois les critères à respecter, comme l'éclairage des engins ou leur équipement en avertisseurs sonores, et des règles d'usage, telles que l'interdiction de circuler sur les trottoirs, l'obligation d'emprunter les pistes cyclables ou la chaussée, ou la limitation de leur vitesse. Ces critères et ces règles relèvent du pouvoir réglementaire et seront encadrés par ce décret.

Deuxième sujet : l'occupation de l'espace public. Nous nous étions en effet demandé si l'on pouvait parler à propos des EDPM d'occupation du domaine public : nous sommes juridiquement dans ce cas, et cette occupation est même, de manière flagrante, envahissante.

Dès lors, nous devons donner aux collectivités les outils qui leur permettront d'encadrer cette utilisation du domaine public, par exemple en délimitant les zones dans lesquelles ces engins doivent stationner, afin qu'ils n'envahissent plus les trottoirs comme c'est le cas à Paris et, je crois, également à Bordeaux et à Lyon.

Pour empêcher cette invasion de l'espace public, il faut donner aux collectivités des leviers efficaces, mais aussi les aider à rédiger un cahier des charges que les opérateurs devront respecter. Ce cahier des charges indiquera quelles doivent être les performances environnementales des engins ; il fixera des objectifs contraignants concernant le bruit qu'ils produisent, leur durabilité, mais aussi les enjeux sociaux et sociétaux liés à leur déploiement.

L'article 18 prévoit que, dans cette situation d'occupation du domaine public, les engins peuvent être autorisés selon deux modalités : en recourant à la publicité en vue de sélectionner plusieurs opérateurs, ou en passant par une délégation de service public qui accorde des droits à un nombre limité d'opérateurs. Il est bien sûr entendu que, quelle que soit la procédure retenue, il faut s'assurer qu'elle soit transparente et non discriminatoire.

Ces deux voies seront possibles dans le cadre que dessine l'article 18. Il permet de réserver une partie de l'espace public qui, on le sait, a d'autres usages. Les terrasses, les kiosques et les trottinettes occupent certes cet espace public, mais il faut s'assurer que les piétons peuvent aussi y circuler.

On va donc réserver une certaine partie de l'espace et recourir à la publicité pour savoir s'il y a un ou deux opérateurs. Supposons qu'il y ait deux opérateurs, avec un nombre d'engins inférieur à l'espace que l'on est prêt à leur octroyer : on fixe le cahier des charges et les opérateurs le respectent.

Supposons maintenant que dix opérateurs soient prêts à se lancer, avec trois fois plus d'engins que l'espace public ne peut raisonnablement en accueillir : on peut dans ce cas passer à une procédure de sélection.

Tel est le dispositif qui est proposé par l'article 18.

Dans les réflexions en amont comme dans les concertations que nous avons menées, monsieur Orphelin, nous nous étions dit au départ qu'il s'agissait d'un outil de mobilité, d'un levier de mobilité, et qu'il était par conséquent important de donner aux autorités organisatrices de la mobilité la responsabilité de cette régulation.

Il est par la suite apparu qu'il s'agissait franchement, aujourd'hui, d'une occupation du domaine public d'une collectivité.

C'est pourquoi notre réflexion nous a finalement conduits à considérer qu'il fallait vraiment laisser cette capacité à gérer l'occupation du domaine public à la collectivité qui en était responsable – en souhaitant bien sûr une harmonisation sur le périmètre de l'autorité organisatrice, ce qui passera nécessairement par un avis de celle-ci, puis par la capacité à déléguer et à remonter la compétence à son niveau, le cas échéant, afin de permettre une approche plus harmonisée à l'échelle de l'autorité organisatrice.

Il me paraît important de mettre en oeuvre cette régulation, à la fois par le décret que j'ai évoqué, qui traitera des enjeux de sécurité, et par cette capacité de régulation offerte aux collectivités.

Je suis en effet convaincue que cela peut-être une bonne solution. Nous avons des opérateurs respectueux des enjeux de sécurité comme des enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux, et d'autres qui le sont moins.

C'est l'image de tous les opérateurs qui s'en trouve affectée, et l'activité elle-même peut être compromise si les élus finissent en définitive, par exaspération, par interdire le développement de ce type d'engins.

L'objet de cet article 18 est donc de créer les conditions pour un développement harmonieux et respectueux des autres usages comme des autres usagers de l'espace public.

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