Pour cette deuxième édition du Printemps de l'évaluation, Mme Marie-Ange Magne, rapporteure spéciale pour le budget « Médias, livre et industries culturelles », avait choisi de faire porter sa recherche sur le CNC.
J'ai souhaité saisir pleinement de cette occasion du Printemps de l'évaluation pour regarder et approfondir la question des crédits d'impôt audiovisuels et cinéma. Le CNC administrant également ces crédits d'impôt, nos volontés se rejoignaient naturellement.
Comme vous le savez, le CNC a été créé en 1948, dans la France d'après-guerre pour répondre à la déferlante américaine consécutive à la libéralisation de la projection des films. Dès l'origine, le CNC est investi d'une double mission : industrialiser le secteur et soutenir la création cinématographique.
Avec la libéralisation des chaînes de télévision, un volet audiovisuel lui a été confié au milieu des années 1980.
Il y a une dizaine d'années, le CNC s'est vu doté d'un conseil d'administration qui a rendu sa gouvernance particulièrement originale. En effet, le CNC est tout à la fois une direction fonctionnelle du ministère de la Culture et un établissement public. Il est doté de larges pouvoirs : un pouvoir fiscal de recouvrement de taxes qui lui sont directement affectées, un pouvoir réglementaire sur le cinéma, un pouvoir de régulation sur les salles. C'est également un guichet de subvention pour le cinéma, l'audiovisuel, mais aussi pour le jeu vidéo et les vidéastes diffusant sur les plateformes. Enfin, c'est l'administrateur des crédits d'impôt de ces différents secteurs.
Le modèle original porté par le CNC a fait la preuve de son efficacité. Très envié à l'étranger, il a fait de la France un pays leader en matière de cinéma et, de plus en plus, en matière audiovisuelle.
Pour preuve, le marché français est le premier marché de l'Union européenne en termes d'entrées avec 201 millions d'entrées en 2018, et près de 40 % de ces entrées sont réalisées par des films français.
Notre production audiovisuelle est par ailleurs de plus en plus importante. Pour preuve, les ventes à l'international des programmes audiovisuels français ont doublé en dix ans, dépassant 200 millions d'euros ces dernières années.
C'est donc un modèle à protéger, en particulier dans un contexte mondial extrêmement concurrentiel. Mais protéger ne veut pas forcément dire figer. Le CNC est doté d'un budget annuel d'environ 680 millions d'euros, essentiellement issu des taxes qui lui sont affectées. Tous nos interlocuteurs s'accordent quant à la nécessité de mettre fin à l'asymétrie entre d'une part, les acteurs traditionnels et, d'autre part, les plateformes numériques, qui sont moins taxées.
Aujourd'hui, la place du CNC est telle que la moindre de ses décisions a des répercussions importantes sur les acteurs de la filière. Le CNC a été amené, au cours des dernières années, à multiplier les réformes afin de diminuer ses dépenses. Nous en saluons l'efficacité.
Cependant, des critiques se sont fait jour, qui portent essentiellement sur le manque de concertation avec l'ensemble de la chaîne économique. Si la concertation est à l'oeuvre au sein des commissions attribuant les aides, elle pourrait être renforcée en ce qui concerne la détermination de leurs critères d'attribution. Le délai des mises en oeuvre des décisions manque également de cohérence et de douceur. Il faudrait encourager un processus de décision plus transparent et plus respectueux des cycles de production, comme cela a été récemment le cas de la réforme des aides à l'audiovisuel : au lieu de faire porter l'économie sur une année, le CNC fera sa réforme sur deux ans, du fait d'une décision du ministre de la Culture. La procédure de concertation pourrait également être plus formelle.
Des critiques ont également été formulées quant à la place des acteurs de l'audiovisuel dans cette concertation. Au sein de la commission « Chavane », qui réunit justement l'ensemble de ces professionnels, le nombre de représentants de l'audiovisuel est nettement inférieur à celui des acteurs du cinéma. Les acteurs de l'audiovisuel, bien que plus unis dans leur représentation, vivent parfois assez mal ce manque d'égalité dans la représentation numérique.
Une question est revenue de façon récurrente au cours de nos auditions : le CNC est-il un État dans l'État ? Tout le monde s'accorde à employer ces termes en privé mais personne ne l'assume à l'extérieur. Mais « l'État dans l'État » a deux lectures.
Ce peut être un État dans l'État tellement efficace qu'il est capable d'arracher des victoires au plan européen. Cela peut aussi révéler un questionnement sur une forte autonomie, à concilier avec une bonne entente avec les directions du ministère pour le rendre complètement efficace.
J'en terminerai avec les crédits d'impôt. Vous savez que ceux-ci font l'objet de beaucoup d'attention. J'aimerais qu'on puisse penser l'articulation des dispositifs d'aide et des crédits d'impôt en nous posant une question : comment affiner un dispositif d'aide au cinéma, qui financerait peut-être moins de films, mais des films mieux dotés, mieux vus, mieux vendus, pour consolider notre soft power et tendre vers cet objectif de puissance culturelle ?