Permettez-moi tout d'abord de me féliciter de cet exercice, car le Parlement se saisit trop rarement des questions d'exécution budgétaire, qui sont pourtant fondamentales. J'ai l'honneur d'être rapporteure pour avis, au nom de cette commission, des crédits de l'enseignement scolaire dans le dernier projet de loi de finances. Dans le cadre de ce Printemps de l'évaluation, j'ai choisi de dresser un premier bilan des récentes Unités d'enseignement élémentaire autisme (UEEA) déployées à la rentrée 2018, et dont les crédits figurent, pour l'essentiel, dans le programme 230, « vie de l'élève ». Les UEEA s'inscrivent dans la continuité des Unités d'enseignement en maternelle Autisme (UEMA), instaurées en 2014, et répondent à la même logique d'inclusion scolaire et de diversification des modalités d'accueil des enfants présentant un trouble du spectre autistique (TSA).
À titre liminaire, je tiens à saluer les premiers résultats de cette initiative, si porteuse d'espoir et d'humanité. C'est la première fois qu'un dispositif d'inclusion de cette ampleur est mis en oeuvre à l'âge de l'école élémentaire, où seuls 40 % des enfants atteints d'autisme sont scolarisés en milieu ordinaire. La scolarisation des enfants présentant un TSA est d'ailleurs un enjeu majeur de la stratégie nationale sur l'autisme et du projet de construction d'une école pleinement inclusive.
À la suite d'une instruction interministérielle du 1er août 2018, cinq UEEA ont été créées, à titre expérimental, à la rentrée 2018, à Amiens, Dieppe, Toulouse, Vaulx-en-Velin et Versailles. J'ai eu l'honneur de les visiter. Leurs modalités de fonctionnement et leur cahier des charges évolueront dès la rentrée prochaine, en vue de leur extension à l'ensemble du territoire. 45 UEEA au total sont prévues d'ici la fin de la législature, réparties selon une base démographique. Il est donc trop tôt, certes, pour mener une évaluation complète de ces classes, mais il est d'ores et déjà possible de tirer des enseignements de ces premiers mois, et de relever quelques points d'attention en vue de l'extension prévue de ce dispositif.
Les enfants accueillis en UEEA sont de la classe d'âge de l'école élémentaire, soit de 6 à 11 ans. Ils sont accueillis en effectif réduit puisque chaque classe compte au maximum dix élèves. L'objectif de ces unités est, à terme, d'aboutir à une scolarisation et une inclusion en milieu scolaire. Il ne s'agit pas du tout de créer une filière spécifique mais bien d'amener autant que possible les élèves autistes à suivre la même scolarité que leurs camarades. C'est ainsi que sur les 147 élèves qui ont bénéficié d'un enseignement en UEMA, 72 % ont poursuivi leur scolarité en milieu ordinaire, ce qui témoigne de l'ambition véritablement inclusive de ces classes.
J'ai eu l'occasion de visiter plusieurs de ces UEEA, dont celle de l'école Louise Michel à Amiens et celle de l'école Louis-de-Broglie à Dieppe. J'y ai constaté que la réussite de ce dispositif repose sur l'étroite collaboration entre les professionnels médico-sociaux, les personnels de l'Éducation nationale et les familles. Ces deux unités sont portées par l'Association pour adultes et jeunes handicapés et résultent d'un partenariat entre la commune, l'Éducation nationale, l'Agence régionale de santé, le Centre de ressources autisme et la Maison départementale des personnes handicapées.
Les UEEA d'Amiens et de Dieppe encadrent chacune sept élèves présentant un TSA. Il s'agit notamment d'enfants pour lesquels l'accompagnement par des unités localisées pour l'insertion scolaire (ULIS) est largement insuffisant. Ces jeunes sont encadrés par une équipe de quatre professionnels, composée d'une enseignante spécialisée, d'une éducatrice spécialisée, d'une accompagnante éducative et sociale et d'une accompagnante d'élèves en situation de handicap. Les élèves scolarisés au sein de l'UEEA sont présents à l'école, aux mêmes horaires que leurs camarades, et bénéficient, sur une unité de lieu et de temps, d'interventions pédagogiques et éducatives adaptées. J'ai également constaté que les UEEA disposent a minima d'une deuxième salle, prioritairement destinée aux interventions individuelles. Cette salle doit nécessairement se trouver dans les locaux scolaires, de préférence à proximité immédiate de la classe.
Les troubles autistiques regroupant des situations cliniques diverses et des réalités plurielles, les UEEA constituent une réponse adaptée pour accompagner la grande diversité des profils des enfants qui en sont atteints. Elles sont le chaînon qui manquait pour accompagner et scolariser des jeunes ayant besoin d'un étayage éducatif et d'un suivi plus approfondis qu'en ULIS, mais qui ne relèvent pas pour autant de l'institut médico-éducatif. Leur développement doit permettre d'offrir aux enfants autistes une large palette d'offres de scolarisation, aux côtés des dispositifs existants.
Le premier bilan de ces classes est extrêmement positif. Elles constituent une solution innovante pour accueillir et éduquer chaque élève dans sa différence, sans le séparer des autres. Je tiens à saluer d'ailleurs le grand professionnalisme et l'immense humanité dont font preuve l'ensemble des acteurs, qui ont le souci permanent d'apporter une réponse éducative adaptée à chaque enfant, tout en favorisant le vivre-ensemble.
Néanmoins, des questions demeurent concernant notamment le financement de ces unités. Ma première observation porte sur la problématique des transports, qui sont insuffisants, la deuxième sur la restauration collective, qui n'est pas toujours ouverte aux élèves des UEEA. Enfin, le budget des UEEA est en moyenne de 100 000 euros, alors qu'il est de 450 000 euros pour les UEMA. C'est donc beaucoup moins. Un réel effort budgétaire doit donc être encore consenti pour les classes élémentaires. Ce dispositif mobilise quasiment un adulte pour un enfant, ce qui est coûteux, mais il fonctionne merveilleusement bien.
Pour conclure ce bref point d'étape, je dirais que les UEEA sont des initiatives extrêmement enthousiasmantes qui encouragent le vivre-ensemble et favorisent le lien social, au bénéfice des enfants atteints d'autisme. Mais il conviendra de veiller dans le prochain budget à ce qu'elles disposent des moyens financiers suffisants pour assurer une scolarité adaptée et digne de ce nom à des enfants dont la différence constitue, il faut le rappeler constamment, une richesse pour notre société.