Les pratiques que je dénonce sont subtiles. Elles s'immiscent, non sans tabou, dans la négociation entre les producteurs ou les OP et les distributeurs.
À titre d'exemple, un distributeur peut expliquer à un fournisseur – producteur ou OP – que ses ventes doubleront ou tripleront si ses produits sont placés en « tête de gondole ». Aussi ce producteur doit-il diminuer ses prix. Indirectement, le fournisseur paie l'équivalent de 5 000 euros pour une mise en valeur d'un mois en tête de gondole. Cette somme est décomptée de ses factures.
Le droit à référencement, en revanche, prend la forme d'un paiement direct de la part du producteur ou de l'OP. Il y a trente ou quarante ans, le marché comptait une multitude d'intermédiaires. Face aux centrales d'achat, seuls restent aujourd'hui les agriculteurs, les OP, les coopératives ou les expéditeurs privés auxquels s'en remettent les agriculteurs. La négociation portant sur le référencement se déroule soit avec le producteur s'il traite en direct, soit avec l'OP, soit avec l'expéditeur privé. Elle n'est pas assortie d'une garantie d'achat. Une fois référencés, les producteurs sont mis en concurrence les uns avec les autres. Certains vendent davantage parce qu'ils ont abaissé leurs prix. Dans tous les cas, il me paraît parfaitement anormal de devoir payer pour être inscrit sur une liste.
La grande distribution recourt à la contestation de produits essentiellement lorsque nous livrons loin de la région de production. Elle sait que sinon, nous nous rendrons sur place pour rétablir la vérité. Nous apprenons par email que le semi-remorque qui vient d'arriver en Alsace comporte trois palettes défectueuses, et que nous avons jusqu'au lendemain pour venir en faire le constat. Depuis mon exploitation du Sud-Ouest, cela demande dix heures de voiture ! Il m'arrive, exceptionnellement, de faire le déplacement. Encore faut-il que les produits ne soient pas rapidement périssables. Nous ignorons ce qu'il advient des denrées soi-disant non conformes. La grande distribution affirme qu'elle les jette, mais il y a fort à parier qu'elle les revende. Pour nous, c'est incontrôlable. Pourtant, les conséquences financières en sont considérables.
Le MODEF est favorable à ce qu'une loi tente de peser sur la grande distribution pour restituer une part de la valeur aux producteurs. Pour autant, nous n'avons jamais pensé que des enseignes accepteraient de vendre les produits plus chers et de réduire leurs marges afin de rémunérer davantage les paysans.
Michel-Édouard Leclerc lui-même n'y a pas cru et l'a dit haut et fort. Il savait qu'il n'amoindrirait pas ses marges. Le résultat est sans équivoque : les prix ont crû de 4 %, mais les revenus des paysans ont baissé de 0,4 %. Seules des contraintes fortes et réelles sur la grande distribution peuvent faire évoluer la situation. L'efficacité d'une telle loi reste donc à prouver.
Monsieur Daniel, les intermédiaires d'hier – grossistes, demi-grossistes… – ont disparu. La négociation s'effectue directement entre le producteur ou son représentant et la centrale d'achat. Il est donc facile de suivre l'évolution du prix jusqu'à la grande distribution.