Pour répondre à votre question, monsieur le rapporteur, je dirai que ce sont les transformateurs et les abatteurs qui refusent de jouer le jeu ; nous devrons faire sauter cette opposition parce que c'est ce que prévoit la loi.
Lors de la constitution de la première filière « Viande nationale » avec le groupe Auchan, il n'y avait en France qu'une cinquantaine de boucheries bio. Moi-même et d'autres étions passés au bio, et nous ne trouvions pas de marché à un prix correct pour nos animaux.
Cela a durablement marqué nos relations avec la grande distribution ; nous étions demandeurs, mais jamais à n'importe quel prix. Aussi, dès 1995 nos prix étaient fixés en fonction des coûts de production des bovins autant que des ovins puisque c'est la filière « Viande rouge » que nous avions montée. En 1999, le groupe Carrefour a créé la filière « Porc » sur la même base de coûts de production.
C'est peut-être pourquoi nos relations avec la grande distribution sont différentes, parce que nous avons toujours refusé de dire « Nous produisons, vous achetez ». Car, lorsque le prix constitue la seule marge de négociation, cela ne peut que déboucher sur ces catastrophes. Nous avons toujours revendiqué de faire de la qualité ; cette qualité a un prix, et c'est à ce prix nous la vendons.
L'époque était autre, et le groupe Auchan pouvait ainsi se singulariser par rapport à Carrefour, qui a été pris de vitesse et subit l'épisode de la vache folle, etc. Le bio est ensuite devenu stratégique en termes d'image avant de devenir aujourd'hui stratégique en termes de volume. Toutes les enseignes de grande distribution sont en difficulté, car leur modèle est en train d'exploser ; de ce fait, toutes voient dans le bio une solution pour se maintenir.
Elles sont donc prêtes à faire des efforts pour maintenir des filières de qualité sur des bases durables. En effet, la conversion au bio nécessite deux ou trois années, si on casse le producteur et qu'il cesse son activité, on ne retrouve pas tout de suite du volume de production. Les crises de production survenues au cours des dernières années ont fait prendre conscience à la grande distribution qu'il ne suffisait pas de faire du bio sans sécuriser les filières jusqu'aux producteurs.
Dans la mesure où les consommateurs français aspirent toujours plus aux circuits courts, au plus proche de leur village ou, à tout le moins en France, la relocalisation sur une production française est devenue incontournable pour les GMS.
De notre côté, nous pouvons déplorer la signature du CETA – acronyme de l'anglais Comprehensive Economic and Trade Agreement –, car monter en gamme en France sans se mettre à l'abri d'une production internationale vendue à bas prix ne serait pas une bonne chose. Il faut donc que les politiques soient cohérents… Pour notre part, nous agissons dans le marché, et souhaitons vendre une production de qualité qui a un prix, ce qui est de l'intérêt de tous les échelons des filières, et les producteurs bio sérieux s'en rendent d'ailleurs compte.