Monsieur le Premier président, vous intervenez, ce matin, en diverses qualités, et je vous remercie pour cette présentation. Je remercie également l'ensemble des magistrats ici présents. Le nouveau rythme de travail que nous avons souhaité établir avec la Cour est un gage de l'efficacité de la politique publique que nous voulons mener. J'espère que tout cela va pouvoir se poursuivre, pour le plus grand bien du redressement de nos finances publiques.
Permettez-moi juste une remarque, monsieur le président, connaissant maintenant la sémantique de la Cour, je ne pense pas que le terme de sévérité soit tout à fait opportun pour décrire la teneur des documents que nous avons reçus. S'il y avait de la sévérité, je ne sais quelle terminologie pourrait être employée pour les rapports de ces dix dernières années.
J'aborderai trois sujets. Le premier est relatif à ce que vous avez appelé « votre deuxième message clé », à savoir le déficit de l'État.
Je l'ai déjà indiqué, lors de la présentation de la loi de règlement par le ministre de l'action et des comptes publics, le déficit public se réduit, mais celui de l'État augmente de manière significative, passant de 67,7 milliards d'euros à 76 milliards d'euros. Je souligne, dans l'ensemble de mes rapports, depuis que je suis rapporteur général, que l'État porte l'essentiel du déficit public, de sorte que vos propos, formulés dans ce deuxième message clé, me semblent importants. La situation est encore plus nette cette année, puisque le déficit de l'État est supérieur au déficit public.
Cette situation résulte du fait que l'État supporte seul l'essentiel des baisses des prélèvements obligatoires. De sorte que vous suggérez, dans votre rapport, de revoir la répartition des prélèvements obligatoires entre l'État et les autres catégories d'administrations publiques, et en particulier la sécurité sociale.
Monsieur le Premier président, pourriez-vous nous en dire plus sur vos préconisations en la matière, de façon à ce que cet élément important de l'analyse de nos déficits, qui parfois relève d'une sémantique qui confine à la confusion, puisse être à la fois précis et efficace pour l'affichage de nos politiques publiques ?
Mes questions suivantes sont relatives aux dépenses fiscales, sur lesquelles la Cour a énormément travaillé. Une bonne dépense fiscale est une dépense efficiente qui atteint un objectif qui est justifié, pour un coût proportionné. Pour apprécier l'efficience et les marges de manoeuvre, il nous faut disposer d'évaluations exhaustives et des données qui soient extrêmement précises. Or vous le savez, nous disposons de données qui sont parfois lacunaires, et je reste poli, c'est la raison pour laquelle, je compte d'ailleurs consacrer un volet du prochain rapport d'application de la loi fiscale (RALF) à ce sujet.
L'année dernière, j'ai sollicité Bercy à plusieurs reprises, ainsi que de nombreux collègues, pour effectuer un travail d'évaluation de l'ensemble des niches, à l'image de ce qui avait été réalisé en 2011, par le comité Guillaume. Un comité qui renaît aujourd'hui, puisqu'un rapport a été commandé à l'Inspection générale des finances (IGF) sur ce sujet. Je voudrais m'assurer, monsieur le Premier président, que la Cour est bien associée à cette évaluation, au titre de la convergence des luttes contre les niches fiscales.
Pensez-vous que si une niche ne poursuit pas d'autre objectif que celui de réduire le taux de prélèvement, elle devrait être intégrée à la norme fiscale de référence ?
Je voudrais également connaître la position de la Cour sur ce qui, précisément, constitue la norme de référence, c'est-à-dire la ligne de partage, souvent floue, entre ce qui est une niche et ce qui n'en est pas ?
Pour terminer, je reviendrai sur l'un des propos que vous avez tenus dans votre troisième message clé, toujours dans le cadre budgétaire de l'État. Vous avez souligné qu'il paraît de moins en moins lisible, que le nombre d'opérateurs et de fonds ne cessent d'augmenter, et que les concours de l'État aux opérateurs se sont accrus de 10 % entre 2012 et 2017.
J'ai le sentiment que le mouvement, qui avait un temps été freiné, avec la mise en oeuvre de la LOLF, est reparti de plus belle. Dans le même temps, la tendance est également à l'augmentation du nombre d'affectations de recettes, aussi bien à l'initiative du Gouvernement que des parlementaires.
Comment expliquez-vous ce mouvement de fond en faveur de dérogations aux principes d'unité et d'universalité budgétaires ? Comment limiter, voire réprimer, cette inclinaison générale, sans pour autant passer pour un parangon de vertu ?