Effectivement, madame Abadie, l'effectif global national des surveillants n'a pas baissé – mais il n'a pas non plus augmenté. En revanche, dans les établissements pénitentiaires, et notamment les établissements pénitentiaires surchargés, l'effectif des surveillants a baissé : alors que les détentions sont de plus en plus nombreuses, il y a de moins en moins de surveillants, en raison de l'absentéisme et de demandes de mutation. De plus, dans les établissements les plus surchargés, ceux qui sont donc les plus difficiles à gérer pour les surveillants, 70 % d'entre eux ne sont même pas titularisés, c'est-à-dire qu'ils sont dans leur première année de fonction ; c'est le cas dans presque toutes les prisons franciliennes que nous avons visitées. Aussi avons-nous proposé dans notre rapport sur le personnel des lieux de privation de liberté un recrutement à l'échelle régionale ou départementale. En effet, dans toutes les très grandes prisons, celles de la région parisienne notamment, on trouve de nombreux jeunes surveillants venus de l'autre bout de la métropole et d'outre-mer ; ils n'ont qu'une envie, celle de repartir, si bien qu'ils ne s'impliquent pas dans leur établissement.
Après que la formation professionnelle a été déléguée aux conseils régionaux, ce budget s'est effondré en Auvergne-Rhône-Alpes comme dans d'autres régions. En Île-de-France, cela a été encore pire il y a deux ans, puisqu'il a été tout bonnement supprimé pour les détenus avant d'être rétabli, mais dans des proportions moindres, un peu plus tard. Il est patent que le transfert de compétence de la formation professionnelle aux régions n'a pas bénéficié aux détenus.
Monsieur Paris, nous ne sommes en effet pas entièrement d'accord sur l'interprétation de la loi de programmation de la justice ; c'est la richesse du débat. J'ai salué la suppression de l'incarcération de moins d'un mois, mais vous savez comme moi que cette mesure concerne 200 détenus, ce qui n'est rien au regard de la surpopulation carcérale. Pour les condamnations à des peines comprises entre un mois et un an, la nouvelle loi incite fortement à prononcer des peines de milieu ouvert, mais les magistrats n'ont pas assez de moyens pour le faire. Il est bien joli de dire aux magistrats – et je parle à un ancien magistrat – « Ne prononcez pas de peines de deux, six, huit ou douze mois », mais si l'on ne renforce pas très sérieusement les moyens en personnel, comment dire au tribunal « dans ce cas précis, vous avez la possibilité de prononcer un travail d'intérêt général (TIG), une semi-liberté ou un placement à l'extérieur » ? Si le tribunal n'a pas de renseignements lui permettant de le faire, il incarcérera, et il incarcérera d'autant plus que les audiences se feront en comparution immédiate. Vous savez comme moi, monsieur Paris, qu'une audience de comparution immédiate, c'est de l'abattage – et il suffit que les députés qui le souhaitent y assistent pour s'en convaincre – car le temps manque. Et, sauf à renforcer considérablement les moyens des SPIP, il n'y aura pas d'expertises psychiatriques ; certes, les moyens de ces services ont été renforcés, mais pas énormément et, franchement, pas suffisamment.
Je suis en profond désaccord avec votre analyse selon laquelle la suppression de la possibilité d'un aménagement des peines d'un à deux ans d'emprisonnement redonne de la lisibilité. Je l'ai d'ailleurs indiqué au Président de la République et à Mme la garde des Sceaux, qui m'ont dit : « Nous supprimons cette possibilité parce que si une peine de plus d'un an d'emprisonnement a été prononcée, c'est que le condamné a fait quelque chose de grave, et s'il a fait quelque chose de grave, il n'est pas acceptable que le juge de l'application des peines défasse ce qu'a fait le tribunal ». Mais c'est une conception erronée de ce qu'est l'application des peines. Le juge de l'application des peines n'est pas une cour d'appel : il ne défait ni n'infirme la décision du tribunal : il aménage la peine prononcée. Quand j'entends dire que l'opinion publique ne comprendrait pas qu'une peine de dix-huit mois d'emprisonnement prononcée soit effectuée en milieu ouvert, je réponds, et il faut le faire comprendre, que l'on ne fait pas disparaître la peine de dix-huit mois : elle existe et sera inscrite sur le casier judiciaire de la personne considérée, mais elle sera effectuée en placement extérieur, sous bracelet électronique, en semi-liberté… Je pense que certains, parmi les législateurs comme au sein du Gouvernement, appréhendent mal ce qu'est l'application des peines. Voilà ce qui, à mon avis, ne colle pas dans la loi.