C'est la démocratie ! Vous avez parlé de 61 % d'hospitalisations pour péril imminent à l'hôpital psychiatrique de votre ressort. Je n'ai pas les chiffres nationaux mais nous constatons une très forte tendance à cette procédure, qui évite malheureusement, en cas d'urgence – mais parfois pas seulement en cas d'urgence – d'aller chercher un tiers pour signer la demande d'hospitalisation, et qui évite aussi la formalisation de deux certificats médicaux. Il en résulte que, de plus en plus souvent, les hospitalisations se font pour ce motif. C'est une des causes de la très forte augmentation des hospitalisations sans consentement. Une autre raison, fréquente, de ce mode d'hospitalisation est que les hôpitaux psychiatriques étant bondés, cette procédure oblige l'hôpital à admettre le patient. Il y a donc une mauvaise interprétation de ce nouveau dispositif.
Madame Louis, j'ai en effet évoqué dans le rapport les insuffisances des CEF. Heureusement, certains de ces centres fonctionnent bien mais, d'année en année, nous faisons le même constat : dans la plupart de ces centres, il n'y a pas suffisamment de projets éducatifs ; les équipes sont continuellement en crise ; comme personne, à la PJJ, ne veut faire ce travail, les directeurs ou directrices sont souvent très jeunes et n'ont pas forcément l'expérience nécessaire pour diriger des établissements assez difficiles. Le fonctionnement des CEF existants devrait donc être sérieusement amélioré avant que l'on en crée vingt autres, j'en suis convaincue. J'ai noté dans la loi de programmation pour la justice une amélioration : la « soupape » possible pendant la période de séjour en CEF. Mais il aurait fallu remettre à plat leur fonctionnement. Ces établissements ont été beaucoup inspectés – et, en général, je partage les conclusions des inspections – et il est regrettable que, bien que tout le monde s'accorde sur le constat – la PJJ, le Contrôle général, d'autres instances – , on décide de créer vingt autres CEF plutôt que de chercher à faire fonctionner ceux qui existent.
En effet, monsieur Rudigoz, un portique à ondes millimétriques aurait été préférable et aurait évité certains incidents. Votre question sur les détenus radicalisés me permet de répondre aussi à plusieurs de vos collègues. Nous avons rédigé deux rapports, en 2015 puis en 2016, sur les unités prenant en charge les détenus radicalisés, que nous sommes allés examiner de très près, et nous avons exprimé de nombreuses réserves sur le regroupement de ces détenus. Depuis lors, un nouveau dispositif a été installé par l'administration pénitentiaire. Nous l'examinons depuis six mois en visitant tous les établissements au sein desquels il a été déployé et nous rendrons un rapport à ce sujet au mois de septembre prochain. Je ne peux vous donner d'avis avant que nous ne nous soyons rendus dans tous les établissements concernés.
Pour la même raison, je ne peux, monsieur Hetzel, vous donner pour l'instant d'avis sur la manière de concilier le respect des droits des détenus et la sécurité des personnels confrontés à des détenus dangereux. Les mesures de sécurité sont indispensables mais, je le redis parce que c'est le fil conducteur de notre action, même dans une situation particulière, on ne peut pas transiger sur les droits fondamentaux. On peut aménager des dispositifs, mais dès lors que l'on entreprend de rogner les droits fondamentaux des détenus, cela pose un problème. Je l'ai dit dans une interview récente : si l'on commence à penser que les droits fondamentaux sont un luxe que l'on ne peut plus se permettre en raison du terrorisme et parce que ce sont des détenus difficiles, on n'est plus dans un État de droit. Je mesure bien la difficulté à laquelle se heurtent les pouvoirs publics, qui doivent parvenir à prendre les mesures de sécurité qui sont nécessaires, j'en conviens tout à fait, sans porter atteinte au socle des droits fondamentaux, qui ne peut pas être entamé.
Nous constatons régulièrement qu'il n'y a pas d'eau chaude dans les cellules, monsieur Bru. Je suppose qu'en parlant du rapprochement avec les familles, vous pensiez aux détenus basques. Un rapprochement est nécessaire et il a lieu. Le fait que cela ne soit pas possible pour les femmes résulte d'une situation globale que nous avons mentionnée dans un avis sur les femmes privées de liberté, en demandant la création d'un établissement pour femmes au sud de la France.
Madame Lorho, je redis mon point de vue sur le trop fréquent recours à la détention provisoire : il faut passer à une autre culture. Il faudrait parvenir à faire cesser de penser, au sein de la magistrature comme dans l'opinion publique, qu'il n'y a pas de sanction s'il n'y a pas d'emprisonnement, au niveau de la détention provisoire ou au niveau de la condamnation, et qu'il ne peut pas y avoir de mesures alternatives. Mais un contrôle judiciaire, un placement à l'extérieur, un sursis avec mise à l'épreuve, un bracelet électronique, ça n'est pas rien ! Chacun doit se convaincre que ce n'est pas parce que l'on ne prononce pas de peine de prison qu'il n'y a pas de sanction, sinon on n'arrivera à rien – et M. Bernalicis a prouvé par l'exemple des deux sites de La Réunion que lorsqu'il y a une concertation locale entre l'administration pénitentiaire, les magistrats et le SPIP, on parvient justement à mettre en oeuvre des mesures de milieu ouvert – avec des moyens suffisants, il l'a dit, car quand les moyens manquent, on n'y arrive pas. Or – et je reprends là mon dialogue avec monsieur Paris –, même si les effectifs des SPIP ont été renforcés, ils ne l'ont pas été suffisamment pour permettre d'atteindre l'objectif indiqué dans la loi de mars 2019 : privilégier les mesures de milieu ouvert.