Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 28 mai 2019 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Ce Printemps de l'évaluation s'inscrit bien dans le cadre de l'examen de la loi de règlement et de l'utilisation des crédits votés. Lorsque j'étais élu municipal d'opposition, je m'intéressais moi-même toujours plus au compte administratif qu'au budget primitif présenté par le maire : c'est là que l'on voit ce qui a été réalisé, et pas simplement les intentions.

Depuis l'an dernier, comme le voulaient aussi M. le président de la commission des finances, M. le rapporteur général et le Sénat, le Gouvernement y consacre plus de temps, d'énergie et de moyens et propose plus d'informations. Merci, monsieur le président, d'avoir souligné que nous vous avons fournis un peu plus tôt que les autres années les rapports annuels de performances mais aussi les travaux que nous avons pu faire avec la Cour des comptes. Le mérite en revient surtout à mon cabinet et à mes services. Je vous rappelle aussi, mesdames et messieurs les députés, que vous avez désormais accès au logiciel Chorus, ce qui vous permet de disposer des mêmes éléments que nous. Cela compte parmi les outils nécessaires au Parlement, singulièrement à la commission des finances ; nous essaierons d'aller plus loin, nous l'avons évoqué lors de la présentation du projet de loi de règlement.

Merci, monsieur le rapporteur spécial, pour le travail que vous faites sur les crédits de deux grandes administrations sous ma responsabilité, la DGFiP et la DGDDI. Il y a aussi ce travail très interministériel de transformation de l'État, dont mes services s'occupent.

Je réponds, peut-être dans le désordre, à vos questions.

Il faut avouer que le sujet du Brexit est compliqué. Il est donc normal que les choses ne soient pas simples. À mesure que l'on s'approche du Brexit, la date en est repoussée, de même que la ligne d'horizon recule à mesure que l'on avance vers elle. Nous sommes très attentifs à ce qui se passe chez nos amis britanniques. Nous aurions été prêts au mois de mars, après un travail interministériel très important sous l'égide du Premier ministre. Non seulement les douanes étaient prêtes mais elles l'étaient parfois à la place des services d'autres ministères. Nous avons effectivement su trouver les moyens pour que les douaniers fassent le travail qu'auraient dû faire une partie des employés du ministère de l'agriculture ; je pense singulièrement à ce qui se passerait à Calais et Boulogne. Nous avons modifié les horaires comme il fallait le faire, demandant aux services de travailler la nuit, particulièrement aux douaniers de Calais, ce qui n'était pas le cas – nous l'avons demandé non seulement à ceux qui s'occupent de surveillance mais aussi à la branche commerciale. Nous avons rouvert des bureaux. Nous avons organisé, en lien avec M. le préfet de la région Hauts-de-France, la construction de bâtiments, parfois très rapidement, à la limite de ce que permettent les règles d'urbanisme, pour que nous puissions, notamment au niveau du tunnel sous la Manche et du port de Calais, répondre à la demande britannique et à la demande de la Commission européenne. De report en report, la date officielle du Brexit est désormais le 1er novembre prochain. Qui peut le plus pouvant le moins, nous serons prêts. La DGDDI organise, forme et recrute. La première loi de finances du quinquennat prévoyait 700 emplois supplémentaires. Nous avons déjà procédé à 250 recrutements. En 2019, 350 recrutements sont prévus. Nous serons donc prêts.

Vous avez évoqué les contractualisations possibles avec l'ensemble des directions, notamment dans un cadre pluriannuel auquel je vous sais attaché.

Pour ce qui est la DGFiP, cette contractualisation avec la direction du budget aura lieu avec le changement de directeur général. Le nouveau directeur général discute avec la directrice du budget, et je les reçois au cours des prochains jours pour apposer un sceau définitif. La DGFiP est une grande direction, qui compte plus de 110 000 agents. Je crois que cette démarche correspond à ce que vous souhaitiez et à ce que souhaitaient les directeurs de programme. C'est une vision pluriannuelle, qui permet d'envisager la direction à suivre en termes d'équivalents temps plein. La direction du budget a déjà fait ce travail avec de « petits » opérateurs, qui ne sont pas de même dimension que la DGFiP. Le directeur général des douanes et droits indirects travaille également avec la directrice du budget à une telle contractualisation. Je pense que nous aurons l'occasion de parler de cette contractualisation lors de l'examen du projet de loi de finances.

La suppression d'emplois est continue depuis de très nombreuses années à la DGFiP. Comme vous le savez, celle-ci est issue de la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, qui a permis des gains d'efficience. Sous les deux gouvernements précédents, plus de 1 000 trésoreries ont fermé. Il reste à peu près 3 000 points de contact, 2 500 trésoreries, sur le territoire national. C'est le plus grand réseau territorial après l'éducation nationale.

Nous pouvons aussi souligner que le travail de la DGFiP change par la volonté du législateur, que nous appliquons. Ainsi, le législateur a décidé la fin du numéraire dans le réseau des trésoreries, numéraire qui était la raison d'une grande partie des venues des contribuables dans les trésoreries. Un appel d'offres est lancé, qui permettra qu'il y ait plus de points de contact pour payer en numéraire – dans le réseau de La Poste ou celui des buralistes. Il sera bien sûr toujours possible de payer ses impôts dans les trésoreries, mais pas en espèces, parce que cela pose des problèmes de sécurité et de gestion.

Par ailleurs, ce sont plus de 3 000 agents qui s'occupent de la taxe d'habitation et de ses innombrables recours – la taxe d'habitation dans les villes étudiantes, la taxe d'habitation appliquée aux personnes qui n'ont pas déclaré leurs impôts au 1er janvier... La suppression de la taxe d'habitation invite à revoir la façon on imagine le service public de proximité.

Et puis il y a le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Je vous annonce que, l'an prochain, ce sont plus de 11 millions de contribuables qui n'auront plus de démarche à faire pour déclarer leurs revenus. Ils recevront par courriel ou par courrier postal, comme ils le souhaitent, une déclaration préremplie qu'ils n'auront pas besoin de renvoyer. Le but est qu'à la fin du quinquennat il ne soit plus nécessaire de déclarer ses revenus, à de rares exceptions près.

Tout cela permet, grâce au numérique, d'économiser des emplois, sans qu'il y ait pour autant moins de service public. Certes, il y a, à la DGFiP, un léger hiatus entre les départs en retraite et les recrutements – les premiers sont plus nombreux que les seconds. Ce n'est pas forcément souhaitable et il faut y être plus attentif, mais ce n'est pas si embêtant au regard d'un effectif global de 117 000 agents. J'ai demandé au directeur général des finances publiques d'examiner attentivement la pyramide des âges et les départs.

Pour le data mining, je remercie le Parlement. Je vous remercie particulièrement, monsieur le rapporteur spécial. Vous l'avez relevé, les crédits informatiques de la DGFiP ont diminué au cours des cinq dernières années. Le prélèvement à la source a permis d'y consacrer un peu plus d'argent, mais nous avons fait le choix, depuis que je suis ministre, de ne plus supprimer des crédits informatiques en fin d'année, précisément pour terminer l'année. La loi relative à la lutte contre la fraude, que vous avez adoptée, en offre une traduction, en permettant le data mining. Lorsque j'ai été nommé, moins de 1 % des contrôles fiscaux se faisaient à la suite de la sélection de dossiers par data mining. C'était un peu compliqué – il fallait recruter des contractuels data scientists, créer un service, allouer des crédits informatiques –, mais, l'année dernière, le data mining était à l'origine de 8 % des contrôles fiscaux. Cette année, cette proportion passera à 25 %, et j'espère que nous aurons atteint 50 % à la fin du quinquennat. L'ordinateur ne remplace pas le contrôle mais évite les contrôles intrusifs qui empêchent les entreprises de travailler. Il permet de voir tout de suite et d'identifier un problème – parfois, c'est une simple erreur statistique qui s'explique tout à fait.

Très bientôt, les chiffres du contrôle fiscal pour l'année 2018 seront publiés. Je pense que nous aurons connu plus de succès qu'auparavant. Surtout, nous aurons moins embêté les entreprises et les particuliers. À mon arrivée, dans 25 % des cas, les contrôleurs fiscaux ne demandaient même pas 1 euro de pénalité ou 1 euro de redressement. Dans le même temps, il y avait beaucoup de fraude – la Cour des comptes rendra des conclusions. Nous avons donc mis en place les partenariats fiscaux, la loi pour un État au service d'une société de confiance (« ESSOC) » et le data mining, et si nous sommes passés en deux ans de 1 % à 25 % de contrôles fiscaux issus du data mining, cela montre à quel point les crédits informatiques sont bien utilisés.

Le troisième appel à projets en lien avec le FTAP interviendra au cours des quinze prochains jours. Cédric O et Olivier Dussopt présideront ce fonds de transformation publique « nouvelle formule ». Vous avez raison, monsieur le rapporteur spécial : les crédits effectivement alloués ne correspondent pas tout à fait aux attributions du fonds. Cela tient beaucoup à la culture administrative. L'administration n'avait pas tout à fait compris et les ministres n'ont pas su dire à quel point il s'agissait d'innovation. Dans le cadre du premier fonds de transformation, un seul projet d'administration territoriale, émanant de la préfecture d'Occitanie, a été retenu. Beaucoup trop de projets étaient le fait d'administrations centrales, et des ministères ont fait des propositions de transformation publique pour récupérer ces crédits originaux que le Parlement a bien voulu voter mais ils voulaient payer ainsi ce qu'ils auraient dû payer autrement. Nous avons donc refusé des projets qui n'étaient pas innovants et visaient seulement à repeindre en bleu ce qui devait être peint en blanc. Je pense que cela s'explique, et que cela se passera mieux pour le troisième appel à projets. En tout cas, les services voient cela de manière plus concrète et les projets s'annoncent plus en phase avec la volonté du législateur.

La position exprimée dans sa résolution par l'Assemblée nationale sur les « petites taxes » a été entendue. Un travail important a été fourni, par le Parlement et par les services du ministère, parfois contre certains intérêts. Le recouvrement s'en trouve amélioré et c'est une simplification. J'ai proposé au Premier ministre, que j'ai vu hier, de continuer. Nous proposerons une suppression de 100 à 150 millions d'euros de petites taxes dans le cadre du projet de loi de finances – mais nous pouvons y travailler dès maintenant si vous le souhaitez.

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