Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 28 mai 2019 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Je commencerai comme l'an dernier par remercier Mme Pires Beaune pour son travail, qui nous aide dans un domaine complexe et important en termes de masse budgétaire. Comme le rapporteur général, monsieur le président, vous avez déploré l'augmentation de la dépense fiscale. Si nous en sommes là, c'est parce que l'impôt est très élevé – sans doute pour des raisons idéologiques. Nous l'avons rendu acceptable grâce à des dépenses fiscales, c'est-à-dire des niches, d'où le problème lié aux clientèles – parfois tout à fait respectables – qui se sont constituées autour de ces niches et aux politiques publiques de contrainte ou d'incitation fiscale. Force est néanmoins de constater que la suppression de niches visant à réduire la dépense fiscale se traduit par une augmentation des impôts. Lorsque nous examinerons le projet de loi de finances dans l'hémicycle, chacun, qu'il s'agisse du Gouvernement ou des parlementaires de la majorité et des oppositions, défendra la niche qui intéresse son secteur ou son territoire. Il faut envisager la dépense publique sous un angle moins addictif, selon le terme employé par le rapporteur général. La fiscalité n'est pas idéologique, et les dépenses fiscales ne sont pas une bonne manière par nature de faire des politiques publiques. En outre, le Parlement exerce un moindre contrôle sur ces sommes.

Comme vous, madame la rapporteure, nous constatons que la DGFiP a conclu quelque 3 000 transactions en 2018 pour un recouvrement de 480 millions d'euros de droits. Ces transactions ont correspondu à 91 millions d'euros de modération de pénalités. En 2017, 3 000 transactions avaient également été conclues pour un montant de 326 millions d'euros de droits, la modération s'étant élevée à 121 millions. L'évolution n'est donc pas importante, et est même à la baisse pour ce qui concerne les modérations de pénalités. Quant aux douanes, elles ont conclu 71 193 actes transactionnels en 2018, pour un montant de 19,6 millions d'euros de pénalités. On pourrait juger ces montants importants mais, rapportés à la masse globale, ils ne le sont pas tant.

Sur le total des pénalités appliquées hors intérêts de retard, soit 1,7 milliard d'euros, moins de 3 % sont remises, c'est-à-dire un montant de 39 millions qui me semble certes important mais raisonnable.

La rapporteure spéciale évoque la question de la fiscalité locale. Les dégrèvements décidés par l'État viennent de loin. Les abattements et dégrèvements de taxe foncière varient entre les départements et les communes. Certains ont été décidés par l'État, d'autres par les collectivités. Certains sont compensés, d'autres non. En outre, la taxe foncière, comme la taxe d'habitation, présente de nombreuses difficultés : absence de révision des valeurs locatives, révision des bases, et autres questions épineuses. Le projet de loi de finances remédiera au problème que soulève Mme Pires Beaune dans son rapport, et j'espère qu'il y remédiera définitivement et que nous aurons collectivement travaillé pour le prochain parlement. Il clarifiera en effet la fiscalité locale, en particulier la taxe foncière. La question des abattements et dégrèvements se posera et fera l'objet d'un long débat. D'autre part, la taxe d'habitation sera totalement supprimée. Mme la rapporteure spéciale a d'ailleurs reconnu que la hausse de 3 milliards est temporaire, et se poursuivra jusqu'à la suppression définitive de la taxe d'habitation. Les dégrèvements diminueront puisque la fiscalité locale sera plus précise. Après trente à quarante années de pratiques de dégrèvement plus ou moins condamnées par le Parlement et la Cour des comptes, monsieur le président, nous ne remettrons pas l'ouvrage sur le métier, même si nous aurons le débat lors de l'examen du projet de loi de finances. Surtout, une grande partie des dégrèvements disparaîtra avec la taxe d'habitation. Je reconnais que je procrastine quelque peu mais pour de bonnes raisons : le moment sympathique viendra où la commission des finances et l'Assemblée dans son ensemble se saisiront de la question de la fiscalité locale – sans doute faudra-t-il alors prendre un peu d'aspirine – et cela permettra de régler des problèmes structurels pour les élus locaux comme pour les citoyens. Nous aurons le temps sans l'avoir : les mesures relatives à la fiscalité locale qui seront décidées dans le prochain projet de loi de finances s'appliqueront à partir du 1er janvier 2021, ce qui permettra, dans le projet de loi de finances rectificative de 2020 voire le projet de loi de finances pour 2021, de rectifier les éventuelles erreurs commises dans le projet de loi finances de l'automne. Nous utiliserons donc l'année 2020 pour vérifier en détail si tout se passe bien. C'est un vaste chantier auquel je m'attelle avec Mme Gourault.

Soulignons également la dynamique de l'impôt sur les sociétés et de la TVA, en progression – ce que l'on peut condamner, mais vous connaissez ma position sur ce sujet. La rapporteure spéciale déplore l'absence de cadre légal : en effet, le cadre est infralégal et relève des services. Je ne suis pas sûr qu'il faille légiférer sur ce sujet. En revanche, nous avons mis les conclusions du rapport Grau-Louwagie en pratique. Un rapport annuel vous est rendu et donnera aux parlementaires des éléments dont ils ne disposaient pas auparavant. D'autre part, la direction des affaires juridiques de Bercy prévoit désormais les contentieux et les provisions nécessaires, suite à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et au rapport parlementaire. J'estime que nous avons beaucoup progressé et, surtout, que nous avons fixé des orientations générales.

Pourquoi faisons-nous des transactions ? Pourquoi ai-je pris une circulaire le 28 janvier 2019 pour globaliser cette politique ? Parce que dans un réseau comme celui de la DGFiP, il faut harmoniser les transactions et la politique fiscale. Il serait injuste que la politique fiscale appliquée à Évry soit différente de celle qui s'applique dans le Nord. Or, cela ne passe pas par la loi. Une circulaire encadre la pratique, des orientations générales sont fixées, et les transactions sont acceptées dans des conditions – le Conseil constitutionnel y est très attentif – convenables pour le contribuable.

Penchons-nous aussi sur les résultats des contentieux fiscaux dont sont saisies les juridictions administratives et, de plus en plus avec la suppression du « verrou de Bercy », les juridictions judiciaires. Nous n'y trouvons pas toujours notre compte, même s'il existe en effet des différences. Notre étonnement, me semble-t-il, devrait être collectif. Nous nous employons à harmoniser les pratiques. La question des transactions financières et des contrôles fiscaux se posera. J'ai toujours été surpris que l'on présente les résultats notifiés du contrôle fiscal ; il serait bon – c'est une nouveauté que je propose peut-être contre l'avis de mes services – que le Parlement dispose des résultats obtenus une fois les contentieux achevés, y compris la phase de commission, sachant que l'encaissement, quant à lui, peut prendre du temps. Vous constaterez des différences importantes entre les montants des notifications communiqués au Parlement et les montants effectifs. L'administration peut se tromper : des appels sont formés devant des commissions spécifiques et la juridiction saisie peut ne pas donner raison à l'administration.

Enfin, s'agissant de la dynamique de l'impôt sur les sociétés et des remboursements de crédits de TVA, nous sommes en fin de cycle : la plupart des montants qu'évoque la rapporteure spéciale sont liés à des contentieux et des transactions qui datent de trois ou quatre ans. Certains datent même de 2005. Cependant, nous constatons hélas que l'augmentation se poursuit en 2018. Sans doute faut-il tâcher de la limiter pour mieux tenir compte des critiques de la Cour des comptes et mettre en oeuvre vos propositions et celles de M. Grau et de Mme Louwagie, comme nous l'avons déjà fait l'an dernier.

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