Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 28 mai 2019 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

La question du patrimoine immobilier de l'État est importante et complexe. Je remercie le rapporteur spécial pour ses travaux en la matière. Même s'il s'adresse au ministre du domaine, la question est tout de même de nature interministérielle. La décote, par exemple, touche à la complexité de la politique menée : elle a son intérêt pour la construction de logements sociaux, par exemple, mais la politique immobilière de l'État doit être envisagée selon les objectifs des politiques publiques que l'on veut mener. Certains, attachés à l'objectif de mixité sociale, estiment qu'il faut profiter de l'immobilier de l'État et le rendre moins cher pour construire des logements sociaux là où la mixité n'est pas garantie ; c'est le cas au ministère de la défense par exemple. D'autres estiment au contraire qu'il faut céder plus rapidement des bâtiments pour récupérer de l'argent – cette vision budgétaire a son intérêt. D'autres encore prônent la rénovation énergétique des logements.

En ce qui concerne la décote, notre position n'est pas tout à fait la même que celle du ministère de M. Denormandie – chacun le comprendra – même si la loi en question avait été portée par le ministère du logement, à l'époque dirigé par Mme Duflot. Nous devons nous employer – et vous y contribuez avec le Conseil de l'immobilier de l'État, monsieur le rapporteur spécial – à allier davantage les intérêts de l'État et les demandes des collectivités publiques – singulièrement les collectivités locales en lien avec le ministère du logement – en tenant compte de vos critiques qu'il me semble vous avoir déjà entendu formuler l'an dernier. Je ne peux guère aller plus loin, dans l'attente de la conclusion des travaux interministériels menés avec M. Denormandie.

J'en viens au patrimoine immobilier des universités, qui invite à se pencher sur une belle politique publique. Vous l'avez dit : les 140 établissements représentent 6 300 biens qui couvrent18 millions de mètres carrés de surface bâtie et sont implantés sur 5 300 hectares. La dévolution est importante car elle favorise le renforcement de l'autonomie des universités. Conformément aux « lois Pécresse I et II », il est logique d'accorder aux universités, qui sont autonomes dans leur gestion, le transfert de propriété leur permettant de devenir acteurs de leur territoire et de valoriser un foncier parfois très important. C'est ce qui a été fait en 2011 à Toulouse I, Clermont-Ferrand et Poitiers, et vous avez évoqué l'université d'Aix-Marseille – une très belle opération pour le territoire marseillais, pour les Bouches-du-Rhône et pour l'État par ailleurs.

Une mission a montré l'intérêt des premières dévolutions. Vous déplorez cependant que les crédits nécessaires ne soient pas toujours disponibles. L'autonomie s'accompagne d'une contrepartie : sans doute la dévolution doit-elle s'accompagner des moyens accordés aux universités pour remettre les biens en état. Mais, sans dotation récurrente, il faut aussi discuter au cas par cas, avec chacune des universités, comme nous l'avons fait en 2011 et comme je l'ai fait dans d'autres cas, celui d'Aix-Marseille – où le foncier est considérable – étant un modèle du genre. La première vague de dévolution décidée par le gouvernement de M. Fillon, qui concernait Poitiers, Toulouse et Clermont-Ferrand, a porté sur 777 348 mètres carrés (SHON)de terrain : c'est beaucoup. La deuxième vague, qui concerne Aix-Marseille, Bordeaux, Caen et Tours, porte sur quasiment 2 millions de mètres carrés (SHON).

Après ces deux premières vagues de dévolution, le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur, qui pilote cette politique avec le ministère de l'action et des comptes publics s'agissant des universités, en avait prévu une troisième en septembre 2019. Il ne m'appartient pas d'évoquer le sujet, mais nous souhaitons que d'ici à 2025, une quinzaine d'établissements continuent ce travail de dévolution.

Les universités d'Île-de-France, notamment, pourraient mener des dévolutions partielles. Vu l'état particulier de ces universités, leur très grande superficie et leur situation, parfois très stratégique, il n'est pas nécessaire, en effet, de faire la même chose qu'en région. Ces opérations devront préserver les intérêts de l'État, mais les modalités pratiques sont à déterminer avec les régions. À cet égard, monsieur Mattei, votre rapport permettra de tirer au clair un certain nombre de points. Nous suivrons vos préconisations, et nous serons très heureux que vous puissiez travailler avec nous.

J'en viens à vos questions sur le CAS et les redevances domaniales. Moins de 10 % des dépenses immobilières figurent au CAS. Ce n'est donc pas un sujet totalement stratégique, même si des questions se posent. Nous avons engagé des travaux pour augmenter le produit de ces redevances domaniales. Une revue des redevances a ainsi été réalisée en 2007 et en 2018, le CITP a lancé les études que vous avez évoquées. Je ne peux pas vous en donner les conclusions, qui ne seront remises qu'au début du mois de juillet. Nous en disposerons en tout cas pour l'examen du projet de loi de finances, ce qui sera intéressant.

Nous ne souhaitons pas compléter le CAS avec de nouvelles ressources, car le produit doit être en lien avec les dépenses du compte. Trop diversifier le CAS serait contraire à la politique que nous voulons mener. J'assume en revanche l'utilisation du CAS « Immobilier » pour certaines décisions politiques. Ainsi, lorsque des risques d'attentats très importants ont pesé sur nos ambassades, j'ai accepté d'utiliser le CAS alors que le lien n'était pas toujours fait avec le ministère des affaires étrangères. Ce dernier ne fait peut-être pas assez de cessions, mais c'est un autre sujet – peut-être puis-je vous inviter à vous intéresser, dans un prochain rapport, au domaine de l'État à l'étranger. En tout cas, nous avons accepté de faire cette avance de quelque 50 millions d'euros eu égard aux problèmes de sécurité pour les personnels diplomatiques. S'il ne faut donc pas diversifier les ressources, il ne faut pas pour autant hésiter à faire de la politique au bon sens du terme avec le CAS. Une étude de votre part de ces questions serait pour nous d'un grand intérêt.

Monsieur le rapporteur général, je ne connais pas la réponse à votre question sur les biens complexes, mais nous apporterons une réponse simple à cette question simple...

Parmi les importants crédits consacrés aux universités, 1,3 milliard d'euros ont été prévus en loi de finances initiale pour l'immobilier, dont 850 millions d'euros pour l'immobilier récurrent, la masse salariale et la maintenance, 290 millions d'euros pour les projets de construction et réhabilitation, et 57 millions d'euros pour les projets de mise en sécurité. Par ailleurs, des crédits extrabudgétaires bénéficient à deux grands projets : l'opération Campus pour 5 milliards d'euros, et 1 milliard d'euros pour le projet Saclay. Ce sont des montants très importants, ce qui ne signifie pas que vos critiques ne sont pas totalement fondées.

Dans le cadre de l'opération Campus, des aménagements ont été accordés aux universités pour emprunter auprès des banques – ce qui répond aux interrogations que vous avez formulées. Les universités sont normalement soumises à l'interdiction d'emprunter qui pèse sur les organismes divers d'administration centrale, nous travaillons donc pour leur permettre d'accéder à l'emprunt. Nous partageons votre ambition, monsieur le rapporteur, concernant la valorisation immobilière des universités : elle se traduira sans doute dans le projet de loi de finances pour 2020.

S'agissant des biens de l'État, il n'est pas toujours nécessaire de réaliser des cessions. Il est possible en effet de rester propriétaire de sites. Jusqu'à présent, nous cédions les beaux hôtels particuliers, ce qui était relativement facile –bien qu'il y ait parfois des scandales politiques autour de la personnalité de l'acquéreur : ce sont souvent des fonds ou des souverains étrangers. En tout cas, l'argent est au rendez-vous et je ne fais que signer ce que les commissions ont constaté.

Néanmoins, nous pouvons rester propriétaire de ces sites et les placer en location avec des baux de longue durée. Des montages juridiques nous permettraient de leur donner une autre destination qu'un usage officiel, je pense notamment à de beaux hôtels particuliers que nous pourrions avoir à céder dans les 6e, 7e ou 8e arrondissements de Paris. Mon directeur de cabinet avait cette idée. Désormais à la tête de la direction de l'immobilier de l'État, il lui revient de passer des travaux intellectuels aux travaux pratiques. Je suis sûr qu'il aura l'occasion d'exposer ses belles idées devant vous l'année prochaine.

Pour terminer, je rappellerai que nous avons insisté au cours du Conseil de défense écologique sur la nécessaire transition écologique de nos propres bâtiments. Les rénovations sont très importantes. Nous sommes souvent très loin de ce qu'il faudrait faire. Le patrimoine de l'État est parfois dans un état déplorable. Si nous voulons convaincre les contribuables de passer à des bâtiments écologiquement responsables, nous devrons aussi y consacrer beaucoup d'argent. Sans doute faudra-t-il définir dans le CAS ou dans notre politique immobilière des critères nous permettant d'être au rendez-vous.

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