Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 28 mai 2019 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Commençons par la question d'ordre général qu'ont posée M. Bricout, M. de Courson, Mme Pires Beaune et M. Coquerel au sujet du fonctionnement de la DGFiP et de la DGDDI, de leurs métiers et missions, de la fidélisation de leurs effectifs et de l'explication de leurs différences. Les dynamiques de l'une et l'autre administration diffèrent, ne serait-ce que parce que les montants en jeu ne sont pas comparables. Depuis la fusion entre la comptabilité publique et les impôts, et même sans doute avant, la DGFiP a engagé un processus de diminution des effectifs parce que ses missions changent. Elles ont changé lorsque le président Woerth était ministre et elles continuent de changer aujourd'hui : suppression de la taxe d'habitation, suppression des paiements en numéraire dans le réseau, prélèvement à la source, déclaration tacite, recouvrement différent, suppression des petites taxes, simplification administrative, numérisation – en clair, contrairement à ce qu'affirment MM. Coquerel et Dufrègne, ce n'est pas un service public moindre mais un service public différent. La population le demande : il n'y a plus guère de gens qui peuvent prendre une demi-journée de congé et parcourir 15 ou 20 kilomètres pour se rendre à la trésorerie et constater qu'elle est mixte – puisqu'elle répond aux questions du comptable public mais aussi des particuliers. Nombreuses sont les trésoreries qui ne le sont pas, et il arrive que le contribuable frappe à la mauvaise porte. La fiscalité est une matière complexe. Le réseau de la DGFiP travaille sans rendez-vous mais il est parfois préférable d'en prendre un ; en outre, la manière dont on renseigne les contribuables sur leurs impôts a beaucoup évolué depuis quinze ou vingt ans et le prélèvement à la source changera un certain nombre de choses. On ne saurait donc comparer les deux directions.

Mme Dalloz a précisément posé la question du lien entre l'une et l'autre. Il me semble qu'elles travaillent bien ; sans doute pourraient-elles encore mieux travailler ensemble, ce que permettra le fait que le nouveau directeur général des finances publiques est un ancien directeur général des douanes – même si les liens entre les deux directeurs généraux précédents étaient déjà très bons. Il faut, dans ces deux grandes maisons, que chacun se spécialise : les douaniers doivent exercer un métier de douanier, la DGFiP un métier de fiscaliste. Or il arrive que la douane, par habitude ou par commande politique, fasse un travail qui ne relève pas strictement des douanes ; ces activités doivent revenir à la DGFiP et il appartient aux douaniers de se concentrer sur les métiers douaniers, dont les enjeux sont déjà importants. Lors de la disparition des frontières telles que nous les connaissions autrefois, la douane s'est certes interrogée sur sa présence sur le territoire national. Elle a concouru à la lutte contre le terrorisme, a fourni du conseil en fiscalité, a aidé la DGFiP, a même effectué des contrôles de bagages à Calais et à la gare du Nord, selon un accord avec les gouvernements des années 1990, alors qu'il aurait fallu prévoir un lieu où elle pourrait contrôler non pas les bagages mais les marchandises illicites. En somme, la douane s'est posée la question de son identité. Cela étant, madame Pires Beaune, les effectifs douaniers remontent considérablement, de 700 ETP.

Mme Dalloz a évoqué la contractualisation, question que m'a également posée M. Saint-Martin. La DGFiP a négocié son contrat pluriannuel avec la direction du budget. Il porte sur les effectifs, les montants, les crédits informatiques. Le nouveau directeur général des finances publiques a été nommé il y a une dizaine de jours. Il signera avec la directrice du budget, sous mon autorité, la fameuse contractualisation en juin ou en juillet, avant l'examen du projet de loi de finances ; la douane le fera également cette année. Le ministère de l'action et des comptes publics s'inscrit donc pleinement dans la volonté du législateur de garantir une programmation pluriannuelle et des ETP.

Mme Magnier m'a interrogé sur la justification pluriannuelle des suppressions d'emploi et de son contrôle par les parlementaires. Les projets annuels de performances contiennent déjà de nombreuses informations, de même que les « jaunes » pour ce qui concerne les opérateurs. La DGFiP se modernise et va dans le sens de la transformation publique, comme en témoigne la taxe d'habitation. J'ai communiqué le plan de transformation de mon ministère aux parlementaires. Il est très ambitieux, et je remercie les agents de l'accompagner comme ils le font. Il aura certes pour conséquence une baisse du nombre d'emplois, mais ce n'est pas sa raison d'être. Le rapport de M. Saint-Martin, comme l'an passé, répond en partie à vos questions. À l'heure actuelle, par exemple, la taxe d'habitation mobilise entre 3 000 et 4 000 personnes. À l'automne prochain, il se posera la question de la revalorisation des valeurs locatives pour la taxe foncière. De nombreux sujets commandent l'évolution du schéma d'emplois de la DGFiP en fonction de ce que lui auront demandé le Gouvernement et le Parlement.

M. Dufrègne a fait part de points de vue d'ordre politique que je respecte sans pour autant les partager. Il faut s'adapter aux territoires, dites-vous : certes, mais j'eusse aimé que vous reconnaissiez combien le Gouvernement a été magnanime avec vous en acceptant, à votre demande, que les MSAP de votre circonscription, dans l'Allier, puissent s'adapter et réaliser des expérimentations, y compris sur le prélèvement à la source ! Voilà une preuve d'intelligence territoriale : vous formulez une demande concrète qui concerne votre territoire alors que, par ailleurs, vous soutenez peu l'action du Gouvernement – même si cela ne nous empêche pas d'avoir des amis communs : vous saluerez la maire de Gannat de ma part ! L'Allier présente un enjeu d'identité territoriale et d'accès aux services publics. Félicitons-nous que des dérogations soient possibles.

M. Coquerel m'interroge sur l'attractivité et la difficulté à recruter des agents, et sur le recouvrement de l'impôt. Tout d'abord, les agents qui entrent à la DGFiP ne sont pas recrutés pour exercer un seul métier mais plusieurs tout au long de leur carrière, moyennant des formations. Cela présente des avantages et des inconvénients : les agents sont polyvalents et formés tout au long de leur carrière. Cependant, il est parfois difficile de recruter des agents pour exercer un métier très particulier, par exemple l'analyse de données et le data mining. À ce moment-là, le contrat permet de recruter plus rapidement les personnes compétentes. Cela ne signifie naturellement pas qu'il faut renoncer à recruter des analystes des données parmi les fonctionnaires, mais cela prend plus de temps que d'en recruter directement par contrat. Autrement, il aurait fallu attendre cinq années avant de réaliser les 25 % de contrôles fiscaux liés au data mining. Le contrat, que M. Coquerel assimile à une casse du service public et que j'estime complémentaire du statut de fonctionnaire, sera rendu possible par la loi sur la fonction publique dont l'Assemblée a débattu.

D'autre part, la prime de fidélisation est importante. M. Bricout a évoqué la notion de proximité : il arrive, ne le nions pas, que nous souhaitions conserver une trésorerie où les agents ne vont pas. L'an dernier, par exemple, nous avons souhaité maintenir deux trésoreries en zone de montagne très rurale : c'est le comptable qui souhaitait partir, pour des raisons familiales ou en raison de la faiblesse de son activité.

J'ai effectué l'un de mes premiers déplacements en tant que ministre à Saint-Simon, dans l'Aisne, où il y avait du monde devant la trésorerie ; vous y étiez aussi, monsieur le député, non loin de porter querelle au ministre avec les représentants syndicaux. Ce département connaît des difficultés et la population y éprouve un sentiment de déshérence – je regarde comme vous les cartes électorales et j'entends comme vous les habitants. Je vous sais attaché à ce sujet, monsieur Bricout. Quoi qu'il en soit, les deux agentes de la trésorerie de Saint-Simon habitent à Saint-Quentin ; la fusion de leur trésorerie avec celle de Saint-Quentin les satisfaisait tout à fait parce qu'elles n'auraient plus à parcourir 20 kilomètres pour se rendre au travail. Quand l'une est malade, l'autre devait fermer la trésorerie ; elles peinaient à partir en vacances et à se former. L'une était la cheffe de l'autre et ne parvenait pas à être promue. À 300 mètres de la trésorerie, là où le piquet de grève m'attendait – aucun des représentants syndicaux présents n'habitait d'ailleurs Saint-Simon ; ils défendaient le service public en général, ce que je peux entendre –, nous avons installé depuis deux ans une MSAP avec une permanence de la DGFiP, et elle fonctionne, pour une raison simple : le paiement des impôts ou toute autre question nécessitant de s'adresser à la DGFiP répond à un rythme saisonnier. La présence des agents des impôts n'est pas nécessaire en permanence, mais lors de la déclaration et du paiement de l'impôt. Quant aux rendez-vous spécifiques, ils correspondaient à la trésorerie de Saint-Simon à l'accueil de huit personnes par semaine en moyenne. Cela ne signifie pas qu'il faille obliger ces huit personnes à se contenter de l'accès numérique ou à se rendre à Saint-Quentin – même si la fusion de l'agglomération a pour effet que Saint-Simon relève désormais de Saint-Quentin, comme quoi la centralisation reprochée à l'État est souvent le fait des élus locaux eux-mêmes... Quoi qu'il en soit, la DGFiP a une permanence à la MSAP de Saint-Simon et ses agents sont présents lorsque les Saint-Simoniens demandent un rendez-vous. C'est un exemple de bonne gestion de l'aménagement du territoire. Nous aurons l'occasion de revenir sur la géographie de proximité dans tous les départements de France suite aux annonces du Président de la République.

Mme Magnier a soulevé la question du recrutement dans la haute fonction publique. Là encore, le Président de la République a fait des annonces et M. Thiriez, que j'ai reçu ce matin, rendra bientôt son rapport au Gouvernement sur la sélection des « hauts fonctionnaires » – une expression que je n'aime guère car il n'existe pas de « bas fonctionnaires » – et sur la promotion. Je m'inquiète beaucoup au sujet du concours interne, une belle idée républicaine qui suscite de moins en moins l'adhésion, et pour cause : à 40 ans, il est difficile à un agent territorial ou à un agent de l'État ayant plusieurs enfants et souhaitant devenir haut fonctionnaire de consacrer une année à la préparation du concours puis, éventuellement, de passer deux ou trois années de scolarité à l'École nationale d'administration à Strasbourg, moyennant une faible rémunération. Nombreuses sont les familles qui renoncent à ce choix. Sans doute faut-il imaginer d'autres mécanismes de promotion interne que le seul concours externe. Je sais que M. Thiriez formulera des propositions disruptives selon le souhait du Président de la République, et nous aurons l'occasion d'en reparler lors des annonces que le Premier ministre fera à la rentrée de septembre.

S'agissant de l'autoliquidation de la TVA, monsieur Laqhila, c'est un enjeu que j'évoquerai demain au Sénat.

À Saint-Malo, madame Pires Beaune, six ETP douaniers supplémentaires ont été recrutés grâce au Gouvernement. Les problèmes que vous évoquez sont sans doute dus au gouvernement précédent. Quant à la question des vestiaires pour femmes, le directeur général des douanes, suite aux accords conclus avec les organisations syndicales, doit conduire un travail sur les lieux de vie des agents. S'agissant enfin de la francisation et de la navigation, le Premier ministre a annoncé devant le Comité interministériel de la mer (CIMER) le renouvellement de la fiscalité maritime et environnementale. Nous pouvons donc dire merci au CIMER, selon le jeu de mots du rapporteur général. Cela étant, le Parlement a voté la stabilisation des recettes ; prenons donc garde aux augmentations d'impôts concernant la navigation.

Je ne reviens pas sur la question des effectifs douaniers et du Brexit, que nous avons largement évoquée lors de l'intervention de M. Saint-Martin.

M. Coquerel a affirmé que l'État se séparerait du recouvrement de l'impôt et des contrôles douaniers. Qu'il se rassure : l'État assure toujours le recouvrement de l'impôt, dont l'unification entre la sphère sociale et la sphère fiscale ne signifie pas que l'État s'en désintéresse. Nous simplifions la vie des Français, en particulier des entreprises. M. Alexandre Gardette, éminent haut fonctionnaire de mon ministère, s'attelle à ce sujet avec Mme Buzyn et moi-même. Il n'y aura aucune privatisation du recouvrement, mais une unification, le recouvrement restant naturellement le fait de la puissance publique – de façon plus efficace. Si M. Coquerel se rend sur le site des douanes, notamment celui du ministère de l'action et des comptes publics, il trouvera toutes les données relatives aux contrôles douaniers effectués dans tous les territoires sur les avions, les bateaux, les voitures, le tabac, la drogue ou encore les armes, semaine après semaine depuis que je suis ministre, et aux prises de plus ou de moins de 2 kilogrammes. Le directeur général des douanes est naturellement à sa disposition s'il souhaite également prendre connaissance des marques voire des couleurs des véhicules contrôlés... La question de M. Coquerel était juste et je tiens à ce que les parlementaires sachent que les saisies de tabac – qu'observent de près les buralistes – sont publiques et régulièrement mises en ligne, et qu'elles augmentent grâce à l'action des douaniers.

S'agissant des cessions, monsieur de Courson, la difficulté concerne les territoires dans lesquels il n'existe pas de marché actif et où nous ne trouvons pas preneur à un prix acceptable – autrement, vous nous reprocheriez de brader les bijoux de famille. En outre, nous peinons à faire évoluer les règles d'urbanisme. Globalement, les cessions réalisées depuis 2005 correspondent à un montant supérieur à 7 milliards d'euros. Toutes les cessions faciles ont été faites – c'est une litote. D'où l'idée de valoriser autrement le patrimoine en s'appuyant notamment sur les propositions très importantes que M. Mattei a formulées l'an dernier.

Pourquoi un dégrèvement de taxe d'habitation et non une dépense ? Le dégrèvement présente au moins l'avantage de suivre l'évolution des bases et la dynamique de la population. S'il s'agissait d'une dépense, il faudrait la revoir chaque année. On ne saurait demander à l'État de dégrever – et donc de ne pas compenser – et de s'appuyer sur la dynamique des bases. Tous les élus locaux de France ont constaté que l'État a tenu sa promesse et que le dégrèvement de la taxe d'habitation a suivi la dynamique des bases, conformément à la loi de finances pour 2016, qui prévoit une évolution automatique. Jugez-vous cela opportun ? Non, mais nous aurons l'occasion d'en reparler puisque nous allons revoir la fiscalité locale. Nous nous priverons notamment – ce ne sera pas du luxe – d'une partie des dégrèvements avec la suppression de la taxe d'habitation. Quant à la position du Comité des finances locales, monsieur Jerretie, je trouverais absurde le fait de dégréver ad vitam æternam la totalité d'un impôt, même si nous sortons d'un système de Shadoks. Il faut parfois faire preuve de courage et, en l'occurrence, revoir un système qui ne l'a plus été depuis que Jacques Chaban-Delmas était Premier ministre, ce qui ne rajeunira personne – surtout pas le rapporteur général...

En ce qui concerne les transactions, l'article L. 247 du livre des procédures fiscales fournit un cadre normatif très précis. La direction de l'immobilier de l'État rend compte de l'ensemble des cessions et de la politique immobilière auprès du ministre de l'action et des comptes publics mais il va de soi que chaque ministère est associé aux discussions – très intéressantes, même si tout est plus compliqué dès que l'on parle d'argent.

S'agissant des dépenses fiscales, je vous ferai une réponse de Normand comme le ferait le Premier ministre : je crois à la fois qu'elles sont maîtrisées, car elles sont le fruit d'une volonté collective, et qu'elles deviennent un peu folles, Mme Pires Beaune ayant bien montré qu'à l'évidence, nous les maîtrisons moins que les dépenses budgétaires, ce que l'on peut regretter. Je ne suis pas de ceux qui encouragent la dépense fiscale, comme vous le savez bien.

Le taux de recouvrement des amendes est de 71,65 %, cette baisse s'expliquant par deux décisions de justice difficiles à recouvrer pour plus de 100 millions d'euros. J'ignore de quelles décisions il s'agit mais nous vous les communiquerons au plus vite.

La direction de l'immobilier de l'État nous indique une cinquantaine de cessions à l'euro symbolique des emprises du ministère des armées, madame Magnier – je reçois bientôt le maire de votre belle ville de Châlons-en-Champagne pour évoquer l'éventuelle recentralisation des agents de la DGFiP, que l'État vous doit bien volontiers compte tenu des difficultés qu'a connues votre territoire. Quoi qu'il en soit, entre 2009 et 2016, plus de cinquante emprises militaires ont été cédées à l'euro symbolique, soit une surface de 27,5 millions de mètres carrés. Châlons-en-Champagne était concernée, de même que Noyon et Senlis, monsieur le président. Nous tenons la liste complète des sites à la disposition de la commission.

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