L'exécution budgétaire des crédits de la mission Santé a été marquée en 2018 par une amélioration de la qualité et de la sincérité de la budgétisation du programme 183, comme l'a souligné la Cour des comptes dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire. Les crédits mis à disposition ont permis de couvrir l'ensemble des dépenses et d'apurer une partie de la dette de l'État vis-à-vis de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM). De ce point de vue, elle appelle globalement un satisfécit.
Plusieurs opérations d'apurement ont permis de réduire considérablement le niveau de la dette de l'État au titre de l'AME. Le dispositif fait l'objet d'une budgétisation de plus en plus précise qui limite l'évolution de la dette, comme le souligne la Cour des comptes. Pour 2019, le PLF prévoit une ouverture de crédits à hauteur de 893 millions d'euros, soit une hausse de 6,4 % par rapport aux crédits ouverts en 2018. Un éventuel apurement pourrait être discuté en fin de gestion, à la fin de l'année 2019, au regard de l'actualisation des prévisions.
Les travaux visant à gagner en efficience dans la gestion des dispositifs liés à l'AME pour soins urgents ont été poursuivis en 2018 et porteront normalement leurs fruits en 2020. Nous disposons d'un nouvel outil d'instruction des demandes d'AME, testé depuis juillet 2018. Sa fiabilisation nécessite de reporter le déploiement du projet à décembre 2019 alors qu'il était initialement prévu pour cet été. La centralisation de ces demandes au niveau de trois caisses permettra d'atteindre des objectifs ambitieux fixés pour 2020 : renforcement des contrôles, réduction des délais d'instruction de vingt-cinq jours à vingt jours. La centralisation du paiement des factures de soins urgents a débuté en juin 2018 dans trente-cinq départements, repris à date par les caisses de Paris et Calais, ce qui a permis un renforcement des contrôles sur ces liquidations : à ce jour, 10 % des factures ont été contrôlées.
Une autre évolution est à noter : les caisses pourront accéder à la base de données VISABIO du ministère de l'intérieur à la fin du dernier trimestre 2019 afin de détecter les fraudes liées à la dissimulation de visas touristiques.
Nous poursuivons en 2019 cette recherche d'efficience. Nous nous appuierons notamment sur les conclusions d'une mission menée par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Mise en place dans les prochains mois, elle portera sur les dispositifs AME pour soins urgents.
S'agissant du programme 204, je signale que les dépenses des opérateurs de santé sont stabilisées.
Madame la rapporteure spéciale, vous avez souligné que les dépenses de prévention étaient en diminution, du fait d'un transfert du financement de certaines agences à la CNAM. En réalité, les crédits dédiés à la prévention dans notre pays sont en augmentation : outre les crédits de ces agences, il faut prendre en compte les crédits de prévention dans tous les autres programmes : citons le plan « Priorité prévention » financé par l'assurance maladie, l'augmentation de la rémunération sur objectifs de santé publique dédiée à la prévention, la décision d'augmenter la rémunération hors tarification à l'activité, qui portera en partie sur des mesures de prévention, l'augmentation des crédits du fonds de lutte contre les addictions jusqu'à 100 millions d'euros, l'augmentation des crédits du fonds d'intervention régional (FIR), dont une grande partie est consacrée à la prévention. Vous trouverez toutes ces évolutions retracées dans l'annexe 7 du PLFSS. En 2017, 6,1 milliards d'euros auront été consacrés à la prévention institutionnelle, soit une augmentation de 4,6 % par rapport à 2016.
Le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine mobilise toute mon attention. Créé en mai 2017, il a nécessité un délai de mise en oeuvre qui explique les retards dans l'indemnisation, et qui tient en premier lieu à la complexité du sujet : il n'était pas évident de se mettre d'accord sur l'imputabilité des dommages liés à la prise du médicament et sur la détermination des responsabilités. Cela a nécessité la constitution d'un groupe d'experts et un travail préparatoire technique afin de déterminer qui devait être indemnisé et sur quelles bases. Pour les victimes, je conçois que ce délai n'est ni compréhensible ni supportable. Il devient impératif d'accélérer la procédure d'indemnisation, qui a débuté à la fin de l'année 2018. Mon objectif est bien sûr d'indemniser toutes les victimes.
Dans ce cadre, l'ensemble des institutions responsables du dispositif ont travaillé pour identifier les moyens d'améliorer son efficacité. Des progrès notables ont déjà été enregistrés concernant le délai de présentation des offres d'indemnisation par l'ONIAM en lien avec les caisses d'assurance maladie. L'ONIAM a par ailleurs défini des procédures de gestion visant à traiter de la manière la plus rapide possible les demandes. Comme la loi de finances pour 2019 le prévoit, le Gouvernement vous remettra un rapport le 1er septembre prochain.
Vous m'interpellez, madame Louwagie, sur le fait que Sanofi n'a pas souhaité participer au dispositif amiable d'indemnisation. L'ONIAM indemnisera donc les victimes afin qu'elles ne soient pas lésées par ce refus, comme le prévoit la procédure votée par le Parlement. Je veillerai à ce que l'Office demande à Sanofi devant le juge de lui rembourser les sommes. Il n'est en effet pas légitime que cela pèse sur les finances publiques. Je partage bien évidemment les préoccupations que vous avez exprimées concernant le non-respect par une majorité de praticiens des obligations d'informer les patientes en âge de procréer. Un rappel a été fait au Conseil national de l'ordre des médecins à ce sujet.
Par ailleurs, je m'étais engagée devant le Parlement à rechercher les victimes, car toutes ne savent pas qu'elles peuvent être indemnisées. Nous avons réfléchi à une procédure proactive d'identification des femmes enceintes à partir des bases de données de l'assurance maladie. Un dépliant d'information présentant de manière simple le dispositif a été élaboré par mes services. Il sera envoyé aux femmes concernées dans les prochains jours. Toutefois, comme les bases de données de la CNAM ne permettent de remonter l'historique que sur deux ans, nous ne sommes en mesure d'identifier les victimes potentielles que sur les deux dernières années. C'est nettement insuffisant, nous le savons, car certaines femmes ont été traitées au début des années 2000. La Dépakine étant prescrite à vie, nous pourrons essayer de repérer, grâce à des algorithmes, des femmes encore sous traitement. Un travail est en cours avec la CNAM.
Je souhaite également améliorer l'information délivrée par l'ONIAM grâce à un meilleur référencement du site internet et une clarification des renseignements fournis. L'information sur le dispositif d'indemnisation pourra également passer par les médecins prescripteurs de Dépakine.
Vous avez abordé la question des dispositifs médicaux, au coeur de plusieurs scandales sanitaires. Ils ont fait l'objet d'une mission d'information conduite par vos collègues Julien Borowczyk et Pierre Dharréville.
Les dispositifs médicaux sont d'une très grande variété et diffèrent tant par leur niveau de risque que par leur finalité : cela va du simple pansement jusqu'à la prothèse totale de hanche ou la valve cardiaque. Deux millions de dispositifs différents ont été référencés. Certains ont permis de changer le pronostic des maladies, mais le fait qu'ils sauvent souvent des vies ne doit pas empêcher d'évaluer leur efficacité et d'améliorer leur traçabilité.
Les contrôles effectués sur ces dispositifs avant leur mise sur le marché ne sont pas suffisants. C'est la raison pour laquelle la France a oeuvré au niveau européen pour renforcer la régulation grâce à une évolution de la réglementation. Les avancées en termes de réglementation et de contrôle sont du reste en grande partie dues à l'action de la France, qui a mis en place un portail des signalements, instauré un suivi des incidents auprès de patients, et rendu obligatoire l'enregistrement de tous les dispositifs médicaux auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et l'évaluation par la HAS de tous ceux qui font l'objet d'une demande de remboursement par l'assurance maladie. Par ailleurs, la HAS contrôle et évalue systématiquement les dispositifs médicaux en amont, avant qu'ils ne soient vendus ou utilisés par les hôpitaux ou les professionnels de santé. La nouvelle réglementation européenne, fruit de l'action résolue de la France, a été votée en 2017 et s'appliquera en janvier 2020 ; elle aboutira à un renforcement des contrôles ainsi que de l'évaluation clinique avant et après mise sur le marché. Les industriels devront donner des informations sur les résultats cliniques de leurs dispositifs aux organismes certifiés ; un comité européen d'experts indépendants sera créé pour définir les exigences cliniques renforcées d'entrée sur le marché ; les fabricants devront faire confirmer plus régulièrement la sécurité et la performance de leurs dispositifs ; enfin, les organismes en charge de la certification feront l'objet d'un suivi beaucoup plus rigoureux et la délivrance du marquage « CE » sera soumise à certaines règles. Il s'agira très clairement d'une évolution significative, même si la France reste en avance de phase par rapport à la plupart des pays européens en matière d'évaluation des dispositifs médicaux.
Enfin, nous devons améliorer la traçabilité des dispositifs médicaux. J'ai présenté au Sénat en janvier dernier un plan d'action qui permettra d'améliorer l'information, y compris au sujet des dispositifs médicaux intra-GHS (groupes homogènes de séjour).
S'agissant des logiciels de santé, j'ai présenté en avril dernier une feuille de route sur le numérique dans le cadre du plan « Ma santé 2022 ». Les logiciels d'aide à la prescription et à la décision sont embarqués dans cette stratégie numérique. Ils sont déjà certifiés par la HAS mais nous devons aller plus loin dans leur utilisation. L'article 12 du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé vise à renforcer les obligations, notamment en matière de respect des référentiels éthiques et techniques – je pense notamment à l'interopérabilité des systèmes.
Monsieur le rapporteur général, l'essentiel du coût des dépenses fiscales de la mission Santé provient du taux de TVA réduit sur les médicaments, à 72 % pour être précise – 2,32 milliards sur 3,2 milliards en 2018. La qualification même de dépense fiscale apparaît ici sinon contestable, du moins discutable, dans la mesure où ce taux s'applique depuis l'origine à des produits de nature spécifique, en l'occurrence les médicaments remboursables. En outre, s'agissant d'un taux de TVA applicable à des spécialités pharmaceutiques remboursables, donc constitutif du prix de vente desdits produits, toute hausse serait in fine prise en charge pour une large part par l'assurance maladie et augmenterait de fait le niveau des dépenses. Aussi, le gain net pour les finances publiques, toutes administrations publiques confondues, issu d'un alignement sur le taux normal de 20 % serait bien moindre que les 2,32 milliards correspondant au coût du taux réduit de TVA.