L'examen de l'exécution des crédits de la mission Pouvoirs publics occupe une place un peu particulière dans l'exercice d'évaluation auquel nous nous livrons tous les printemps.
À la différence des autres missions, les dotations allouées à la présidence de la République, aux deux assemblées parlementaires, au Conseil constitutionnel, à la Cour de justice de la République ainsi qu'à La Chaîne parlementaire ne sont pas assorties d'objectifs et d'indicateurs de performance. Leur utilisation n'est pas présentée dans un rapport annuel de performances, mais dans une simple annexe, conformément aux dispositions de l'article 115 de la loi de finances pour 2002.
Je souhaite exprimer à ce sujet un regret, dans la mesure où l'article que je viens de citer précise : « Est jointe au projet de loi de règlement une annexe explicative développant, pour chacun des pouvoirs publics, le montant définitif des crédits ouverts et des dépenses constatées et présentant les écarts avec les crédits initiaux. »
Logiquement, la Présidence de la République, le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République en ont conclu qu'il convenait de présenter en annexe des détails relatifs à l'utilisation de la dotation accordée.
Mais, s'agissant de l'Assemblée nationale, du Sénat et de La Chaîne parlementaire, il est simplement indiqué que la dotation a été consommée. Pour le reste, le lecteur est renvoyé au rapport du collège des questeurs à la commission spéciale chargée d'apurer les comptes pour l'Assemblée nationale, et au rapport de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne pour le Sénat. Il ne s'agit nullement ici de remettre en cause la grande qualité et le niveau de détail élevé de ces rapports. Mais force est de constater que leur mise en ligne intervient tardivement – en l'occurrence, la semaine dernière – et que le chemin pour y accéder sur les sites respectifs des deux assemblées n'est pas des plus aisés.
Il me semblerait donc utile, pour l'information de nos concitoyens, que l'exécution du budget des assemblées et des chaînes parlementaires fasse au moins l'objet de quelques pages dans l'annexe au projet de loi de règlement.
Par ailleurs, l'analyse détaillée que la Cour des comptes fait chaque année des comptes de la Présidence de la République n'est publiée qu'en juillet. Votre rapporteure ne peut donc s'y référer pour le Printemps de l'évaluation.
Cela étant dit, j'en viens à l'exécution budgétaire 2018 de la mission Pouvoirs publics.
L'année 2018 est moins atypique que 2017, au cours de laquelle les trois élections nationales n'ont pas manqué d'avoir une incidence sur le fonctionnement et les dépenses des institutions concernées. Pour autant, et malgré des exécutions budgétaires contrastées, la Présidence de la République, le Conseil constitutionnel et l'Assemblée nationale ont dû prélever sur leurs réserves. Le Sénat a connu en revanche un solde positif de 3,45 millions d'euros.
Je vais maintenant tenter de synthétiser l'analyse plus précise des différents budgets examinés en commençant par la Présidence de la République.
Les dépenses de l'Élysée ont connu une progression très significative de 7 millions d'euros. De façon globale, les dépenses de fonctionnement progressent de 9,9 % tandis que les dépenses d'investissement, en partie redéployées vers le fonctionnement, reculent de 25 %. Cette évolution résulte des deux facteurs principaux : l'augmentation des dépenses de personnel et la progression des dépenses liées aux déplacements.
Les dépenses de personnel se sont en effet élevées en 2018 à près de 70 millions d'euros, soit une augmentation de 4,61 millions par rapport à 2017. Cette hausse concerne pour l'essentiel les effectifs responsables de la sécurité des personnes et des biens et de la sécurité informatique, et n'est que partiellement compensée par la suppression de huit ETP.
De leur côté, les dépenses de déplacement ont à nouveau significativement progressé, passant de 17,7 millions d'euros en 2017 – année partagée entre deux présidences – à 20 millions en 2018, soit une progression de 13,2 %.
Dans le contexte actuel, il ne fait aucun doute que la sécurité des personnes et des bâtiments devait être sérieusement rehaussée ; par ailleurs, il n'y aurait aucun sens à entraver l'activité internationale du Président de la République au prétexte d'économies toutes relatives pour notre pays. Cela étant, pensez-vous, monsieur le ministre, que l'on ait atteint en 2018 un certain rythme de croisière et qu'il faille en tenir compte pour la dotation des prochains exercices budgétaires ?
Par ailleurs, où en est-on de la restructuration des services et quelles économies peut-on en attendre ? Il me semble en effet opportun que l'Élysée participe, lui aussi, à l'effort de maîtrise de la dépense publique et de la masse salariale.
Par ailleurs, quel est votre avis, monsieur le ministre, sur le fait que les investissements prévus n'ont pas été réalisés ; avez-vous une explication de ce net recul ?
Je serai plus brève sur les budgets des autres institutions, dans la mesure où, séparation des pouvoirs oblige, je n'aurai pas le loisir de vous interroger à leur sujet.
Les dépenses du Conseil constitutionnel, tout d'abord, se sont élevées à 13,1 millions d'euros en 2018, pour une dotation de 11,7 millions. Les dépenses de fonctionnement ont dépassé de 800 000 euros la prévision initiale, fixée à 1,4 million. Sont en cause des dépenses à caractère exceptionnel liées à la transformation numérique de l'institution. La prévision de dépenses d'investissement est également largement dépassée avec 2,15 millions en exécution contre 1,7 million en prévision malgré la mise en place d'une programmation pluriannuelle des investissements.
Pour ce qui regarde l'Assemblée nationale, son budget initial pour 2018 s'établissait à 550 millions d'euros. Mais plusieurs décisions prises en réunion de questure en début d'exercice, visant notamment au renforcement des moyens mis à la disposition des députés, ont conduit à l'adoption d'un budget rectificatif s'élevant à 568 millions d'euros et prévoyant un résultat déficitaire de 47 millions d'euros.
Le budget réalisé pour 2018 n'a atteint que 543 millions d'euros avec un résultat budgétaire s'élevant finalement à – 17,7 millions. Cela s'explique par la difficulté à extrapoler les charges parlementaires et à prévoir avec exactitude le comportement des députés vis-à-vis des moyens qui leur sont accordés pour l'exercice de leur mandat. Dans l'incertitude, les postes concernés avaient été budgétés à leur niveau théorique maximum. Or les taux de consommation de la plupart de ces postes ont été modérés, voire réduits. Ils sont cependant susceptibles d'augmenter dans les années à venir en fonction de la montée en charge progressive des dispositifs mis en place.
Au total, les charges parlementaires s'élèvent à 307,5 millions d'euros en 2018, soit – 12,1 millions par rapport aux prévisions. La dotation matérielle des députés n'a été consommée qu'à hauteur de 47 %, et les dépenses de courrier et de téléphonie connaissent une véritable chute. En revanche, la contribution de l'Assemblée à la caisse de pensions des députés a connu une très forte progression de 8,8 millions d'euros, conséquence de la hausse du nombre des députés retraités et de la suppression des cotisations facultatives des députés actifs.
Quant aux charges de personnel, elles connaissent une légère contraction avec 174,6 millions d'euros dépensés en 2018, soit une baisse de 1 million d'euros par rapport à 2017. En écho à cette évolution, les charges de la caisse des retraites du personnel ont augmenté de 1,6 million d'euros, et la subvention d'équilibre à cette caisse s'établit à 31,7 millions d'euros. Cette augmentation s'inscrit dans une tendance de long terme, tributaire de la pyramide des âges du personnel statutaire de l'Assemblée nationale.
En matière d'investissement à l'Assemblée, des facteurs mécaniques expliquent la tenue du budget 2018, qui a vu le décalage de grosses opérations immobilières ou informatiques et le report sur 2019 de la facturation d'autres opérations d'envergure.
Pour ce qui est du Sénat, la sous-exécution est encore plus prononcée qu'à l'Assemblée nationale. Le budget 2018 du Sénat s'inscrivait en forte augmentation par rapport au budget de l'année 2017, en raison notamment de la poursuite des opérations pluriannuelles de rénovation immobilière engagées. Toutefois, comme en 2017, le taux d'exécution des dépenses d'investissement, fixées à 38 millions d'euros, est faible. Il ne s'élève qu'à 51,5 %, principalement en raison du retard pris par les différents chantiers immobiliers et des difficultés rencontrées dans certains projets informatiques.
Par ailleurs, alors que le projet de budget prévoyait de reconduire les crédits de fonctionnement à 323 millions d'euros, ceux-ci ont diminué de 3,9 % pour atteindre 308 millions d'euros. Cette sous-exécution est pour une large part imputable à la mise en oeuvre du nouveau mécanisme de prise en charge des frais de mandat, qui s'est notamment accompagnée du reversement au Sénat du solde d'IRFM (indemnité représentative de frais de mandat) non consommé par les sénateurs au 31 décembre 2017.
Les dotations des deux assemblées représentent 842 millions d'euros sur les 992 millions de la mission Pouvoirs publics. Les variations des budgets initiaux et des budgets exécutés apparaissent encore excessives par rapport à ces dotations, qui, je le rappelle, sont inchangées depuis 2012, notamment pour ce qui concerne l'Assemblée nationale.
Dès lors, pour critiquable que soit le recours aux disponibilités issues d'exercices excédentaires anciens, il ne paraît pas opportun de le condamner par principe. L'exécution très prudente de l'année 2018 montre du reste que ces « réserves » ne constituent pas nécessairement un élément de confort. Mais il conviendra de s'interroger, notamment dans le cadre de la réforme constitutionnelle annoncée, sur les mécanismes budgétaires susceptibles d'assurer aux parlementaires le plein exercice de leurs missions, tout en garantissant l'indispensable transparence sur l'emploi des deniers publics.