Le principal objectif de ce texte est de traduire dans la loi le renforcement de nos objectifs, pour répondre à l'urgence climatique, parfois de les clarifier, et de créer ou de renforcer certains moyens pour y parvenir. Ce projet de loi est indispensable pour adopter les projets de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et de stratégie nationale bas-carbone (SNBC), que nous avons mis en consultation.
Vous connaissez le contexte d'urgence à agir : dans le prolongement de l'Accord de Paris, le Gouvernement a voulu, dès le début du mandat, rehausser notre ambition, en fixant, au sein du Plan climat de juillet 2017, l'objectif d'atteindre, à l'échelle du territoire national, la neutralité carbone à l'horizon 2050. Cet objectif de neutralité carbone est plus ambitieux que le précédent, qui visait à diviser les émissions de gaz à effet de serre par quatre entre 1990 et 2050, puisqu'il correspond à une division des émissions par un facteur supérieur à six.
Le projet de nouvelle stratégie nationale bas-carbone, publié en décembre dernier, intègre cette ambition renforcée et dessine le chemin de la transition écologique et solidaire dans tous les secteurs : transports, bâtiments, agriculture, forêts, énergie, industrie, déchets, etc., ainsi que de nombreuses politiques transversales.
La PPE, qui définit la trajectoire que le Gouvernement se fixe pour les dix prochaines années, est également en cours de révision. Les travaux, menés en concertation avec l'ensemble des acteurs, ont montré la nécessité de revoir certains des objectifs climatiques et énergétiques fixés par la loi de transition énergétique : celui d'une réduction à 50 % la part de nucléaire dès 2025 n'apparaissant pas accessible, il est proposé de porter ce délai à 2035, ce qui permettra d'engager une transition réaliste et pilotée, qui accompagnera la baisse de la consommation d'électricité. À l'inverse, il apparaît possible d'accélérer la baisse des consommations d'énergies fossiles, en se fixant un objectif de moins 40 % en 2030 au lieu de moins 30 %.
Le projet de loi vise également à fournir des outils concrets pour rendre effective la transition écologique et atteindre nos objectifs. Le Gouvernement s'est engagé à l'arrêt de la production d'électricité à partir de charbon d'ici à 2022, ce qui constitue l'objet de l'article 3, en garantissant un accompagnement spécifique pour les salariés et les sous-traitants des entreprises, ainsi que pour les territoires affectés par la fermeture de ces centrales.
La transformation doit également s'appuyer sur des outils plus nombreux dans tous les domaines, notamment pour simplifier les différentes procédures administratives, limiter nos moyens de production les plus polluants et lutter contre les fraudes aux certificats d'économies d'énergie (CEE) : c'est l'objet des articles 4 et 5.
Est également prévue, à l'article 6, la transposition des textes européens sur l'énergie et le climat qui ont récemment été adoptés.
Le projet de loi sera enfin complété dans les prochains jours, après les articles 7 et 8, relatifs à la régulation des tarifs de l'énergie, par des dispositions sur les tarifs réglementés de vente de gaz naturel et d'électricité, qui ont fait l'objet d'une saisine rectificative du Conseil d'État. Ces dispositions, adoptées dans la loi dite « PACTE », avaient été censurées par le Conseil constitutionnel au motif qu'elles ne présentaient pas de lien, même indirect, avec les dispositions du projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Il est donc nécessaire de les réintroduire dans ce cadre. Ce seront bien les mêmes articles que ceux que vous avez déjà votés.
Concernant plus spécifiquement les articles que votre commission examine sur le fond, l'article 2 prévoit la création du Haut Conseil pour le climat. Pour accompagner la stratégie nationale bas-carbone et atteindre l'objectif d'une neutralité carbone à l'horizon 2050, nous avons besoin d'une gouvernance renforcée. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité la mise en place d'un Haut Conseil pour le climat. L'objectif est de réunir et de faire se croiser des expertises reconnues, qui produiront des avis et des recommandations légitimes et indépendantes en matière de climat. L'expertise du Haut Conseil sera mobilisée en premier lieu pour donner un avis sur le projet de nouvelle stratégie nationale bas-carbone. Elle sera également attendue pour dresser le bilan annuel de notre politique climatique, de sa mise en oeuvre concrète et opérationnelle dans tous les secteurs et de ses faiblesses, de sorte que le Gouvernement ne soit pas juge et partie. Enfin, il pourra faire des recommandations permettant de redresser la trajectoire dans tous les domaines. La force du Haut Conseil tiendra à son indépendance, à son expertise reconnue par tous et à ses moyens, que nous avons souhaités à la hauteur des enjeux et des missions qui lui sont confiées.
L'article 2 du projet de loi ancre l'existence du Haut Conseil pour le climat dans la loi, tandis que ses missions et ses modalités de fonctionnement sont précisées par décret. Afin de rendre l'instance opérationnelle le plus vite possible, le décret en question a été adopté par anticipation le 14 mai dernier. Le Parlement jouera un rôle central dans cette nouvelle gouvernance : le décret prévoit, en particulier, que le rapport annuel du Haut Conseil lui soit transmis et que, dans les six mois, le Gouvernement lui présente les suites données au rapport. Ainsi, chaque année, le Parlement sera au centre du débat sur la mise en oeuvre de nos engagements climatiques et les mesures à prendre pour renforcer l'action dans ce domaine.
Ce Haut Conseil sera un outil fort, un aiguillon. Ainsi, le Président de la République a souhaité que le nouveau Conseil de défense écologique, qu'il réunit régulièrement autour de lui, puisse entendre le Haut Conseil, qui lui présentera son premier rapport. Le but est de disposer au plus vite d'éclairages que nous prendrons en compte dans la définition et la mise en oeuvre des politiques publiques, qui sont toutes touchées par la lutte contre le changement climatique.
S'agissant de l'article 4, accélérer notre lutte contre le dérèglement climatique, c'est aussi sécuriser juridiquement le développement des projets d'énergies renouvelables, notamment dans le champ de l'évaluation environnementale. Les projets les plus importants font l'objet d'une étude d'impact, sur laquelle un avis est rendu par une autorité appelée autorité environnementale : c'est le cas, par exemple, des projets d'éoliennes. D'autres projets, dont l'impact est supposé moindre, sont soumis à un examen très succinct, à l'issue duquel il est décidé s'ils doivent néanmoins être soumis à une étude d'impact ; c'est notamment le cas des projets de panneaux photovoltaïques sur les toitures ou sur les ombrières de parking.
Jusqu'à la fin de 2017, le préfet de région était l'autorité environnementale en charge de l'examen au cas par cas, mais aussi l'autorité chargée de rendre les avis sur les études d'impact réalisées, si l'examen au cas par cas en avait fait ressortir la nécessité. Cette dernière compétence a été annulée par l'arrêt du Conseil d'État du 6 décembre 2017, ce qui a créé un vide juridique pour les projets. Tirant les conséquences de cet arrêt, un dispositif transitoire a été mis en place par le Gouvernement : le préfet de région conserve, comme c'était le cas jusqu'à présent, l'examen au cas par cas, tandis que les avis sur les études d'impact sont rendus par les missions régionales d'autorité environnementale (MRAE), qui dépendent directement du ministère de la transition écologique et solidaire.
Si ce dispositif transitoire permet de répondre à l'urgence des projets en cours d'instruction, il est nécessaire de le pérenniser et de le sécuriser juridiquement, d'une part en modifiant la loi qui prévoit actuellement, dans le cas général, une seule autorité pour ces deux missions et, d'autre part, en désignant, par décret, les deux autorités distinctes : le préfet pour l'examen au cas par cas et la MRAE pour rendre l'avis sur l'étude éventuellement décidée par le préfet. Il est urgent d'aboutir pour sécuriser définitivement les projets, dans le respect des décisions et des interprétations du Conseil d'État. L'insécurité juridique affecte de nombreux projets dans le domaine de la transition énergétique : projets éoliens en mer ou à terre, méthaniseurs, photovoltaïque, hydroélectricité, hydroliennes, etc., et, partant, notre capacité à respecter les engagements pris pour lutter contre le réchauffement climatique.