Je vais apporter quelques éléments de réponse, étant entendu que nous reviendrons par la suite sur les sujets qui font l'objet des articles 2 et 4 du projet de loi.
Je voudrais reclarifier de quoi l'on parle et revenir sur le débat concernant le court terme et le long terme. La loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte est le texte dans lequel les objectifs et le cadre d'action ont été adoptés : elle a fixé d'une manière assez précise les objectifs en matière de décarbonation et de réduction des énergies fossiles. Elle a notamment arrêté l'objectif d'une réduction de 30 % des énergies fossiles en 2030. Le texte que vous examinez aujourd'hui le porte à 40 % : il s'agit donc bien d'une accélération.
Il était également prévu de réduire de 20 % l'énergie consommée en 2030. Vous savez que nous avons hésité à revoir cet objectif ; nous avons finalement souhaité le laisser inchangé. Nous en parlerons dans le cadre de la discussion sur la rénovation des bâtiments.
Il avait également été prévu une diminution par quatre du CO2 émis en 2050 ; nous allons passer à un facteur 6. Je voudrais réagir à ce qui a été dit à propos de la captation du CO2. Le texte que nous proposons aujourd'hui est plus ambitieux en ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre et ne compte en aucun cas sur la captation pour réaliser la majeure partie du chemin.
Les énergies renouvelables devront représenter 40 % de la production d'électricité en 2030 et 38 % de la consommation finale de chaleur. Il faut également parvenir, à la même date, à 15 % de carburants renouvelables et à 10 % de biogaz, tout en portant à 32 % la part moyenne des énergies renouvelables.
Les objectifs de moyen terme et de long terme figurent donc dans la loi de 2015, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement. La PPE en découle. Je rappelle que l'article L. 141-1 du code de l'énergie, issu de l'article 176 de cette loi, dispose que « la programmation pluriannuelle de l'énergie, fixée par décret, établit les priorités d'action des pouvoirs publics pour la gestion de l'ensemble des formes d'énergie sur le territoire métropolitain continental, afin d'atteindre les objectifs définis aux articles L. 100-1, L. 100-2 et L. 100-4 du présent code ». Vous ne trouvez pas normal que la PPE soit de niveau réglementaire : nous sommes pourtant bien dans le cadre tel qu'il a été validé par le législateur.
La discussion d'aujourd'hui concerne des objectifs qui ne portent pas tous sur 2050. Certains d'entre eux sont fixés à 2030, voire à une date antérieure. La PPE est l'outil de planification, d'organisation du travail et des filières qui permettra d'atteindre les objectifs : tout cela est bien évidemment in fine financé, et les financements seront présentés dans le cadre du projet de loi de finances. La question n'est donc pas uniquement de savoir si les quelques objectifs modifiés par le projet de loi donnent une vision, un plan d'action et une prise en compte de l'urgence suffisants, mais bien de revoir le cadre global dans lequel nous nous situons.
S'agissant du nucléaire, nous sommes tous conscients que l'objectif de 2025, tel qu'il avait été fixé par la loi de 2015, n'était tout simplement pas atteignable. La PPE établit un chemin, avec la fermeture de quatorze tranches nucléaires qui commencera en 2020, en commençant par les deux tranches de Fessenheim, ce qui avait été promis à plusieurs reprises, mais n'avait jamais été fait. Le projet de territoire a été signé et EDF connaît les dates précises de la fermeture, à savoir mars et août 2020.
En ce qui concerne l'éolien et la question de savoir s'il sert à la consommation française ou à l'export, et donc à la décarbonation de qui il contribue, nous sommes globalement, vous l'avez dit, un exportateur net, et la PPE nous permet d'augmenter ces exportations. À certains moments, les interconnexions sont nécessaires pour gérer la pointe. La PPE, par les objectifs fixés pour les différents segments, nous permet de ne pas être dépendants grâce à l'augmentation des capacités et à la réduction de la consommation. Je voudrais également souligner que l'éolien n'augmente pas le prix de l'électricité. Il joue plutôt à la baisse car les aides sont payées en dehors du marché. L'éolien contribue à baisser le taux de CO2 dans notre mix électrique, à réduire nos émissions et celles de nos voisins. C'est notamment grâce à l'éolien que l'on peut fermer les centrales au charbon.
Je tiens à revenir sur ce dernier point, qui est important et que je suis avec les parlementaires concernés dans chacun des quatre sites. En termes d'émissions de gaz à effet de serre, ces centrales équivalent à 4 millions de voitures : ce n'est donc pas seulement un totem, mais vraiment quelque chose qui a un impact majeur en France. Il y a des projets de territoire et le texte qui vous est soumis renforce les possibilités d'accompagnement social et territorial. EDF reclassera de toute façon ses propres salariés ; mais ceux d'Uniper à Gardanne et à Saint-Avold comme ceux des sous-traitants pourront se voir proposer une nouvelle activité.
Au-delà du débat portant sur les objectifs, ce projet de loi a pour avantage de mettre sur la table des outils pour les différents segments lorsque d'autres textes ne l'ont pas fait. J'ai déjà parlé des centrales au charbon. En ce qui concerne la rénovation, je partage le sentiment général selon lequel il faut aller plus vite et être plus efficace. J'en ai discuté avec beaucoup d'entre vous, en particulier avec Mme Marjolaine Meynier-Millefert, qui coanime le plan de rénovation et d'efficacité énergétique du bâtiment. Le projet de loi comporte un outil relatif aux CEE et à la lutte contre la fraude dans ce domaine. Au-delà, je pense qu'il faut mettre en place un plan d'action pour la rénovation des bâtiments et nous sommes prêts à y travailler afin que nous ayons les mesures les plus concrètes possibles.
On ne peut pas détacher ce projet de loi d'autres textes présentés par le Gouvernement. Je pense notamment au projet de loi d'orientation des mobilités, où tout ce qui touche précisément aux mobilités est en cours de traitement ; quant à la fusion et la simplification des aides à la rénovation, elles seront présentées en projet de loi de finances, notamment le rapprochement entre les aides de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Vous avez également évoqué la question de la décentralisation et la nécessité de donner plus de marge de manoeuvre aux territoires en la matière : cela fera l'objet d'une discussion avec les collectivités territoriales dans le cadre des textes de décentralisation.
Doit-on faire du Haut Conseil pour le climat une autorité administrative indépendante (AAI) ? Précisons qu'il ne s'agira pas d'une instance chargée de prendre des décisions, mais d'une instance scientifique, de conseil. Son indépendance sera assurée par la compétence scientifique de ses membres et la reconnaissance de leur expertise, mais ce ne sera pas une AAI au sens juridique du terme. Sa vocation sera d'éclairer l'action du Gouvernement et du Parlement. En faire une AAI, avec les conséquences juridiques que cela impliquerait en matière de gestion opérationnelle, ne répondrait pas vraiment à la question. C'est la nomination et les compétences de ses membres qui donneront son indépendance au Haut Conseil.
L'outre-mer enfin fera l'objet d'une PPE révisée spécifique. Notre objectif est de verdir le mix énergétique, notamment électrique, le plus rapidement possible en faisant appel à tous les moyens – la biomasse, locale en priorité, mais aussi le photovoltaïque, l'éolien et l'hydroélectricité, notamment en Guyane. L'horizon de sortie du charbon et du fuel ne peut pas être fixé à 2022 pour l'outre-mer : il faudra regarder la question pour chacun des territoires, en avançant dans des conditions qui améliorent globalement le bilan carbone.