D'ailleurs, quel est le sens de cette adresse au Parlement tant, depuis deux ans, vous l'avez tenu en mépris ? Il faut admettre que nous étions tôt instruits de votre conception des choses, dès le Congrès de Versailles : toute forme d'opposition serait tenue pour un refus de regarder le monde en face, tout désaccord pour une couardise, toute contradiction pour de la basse politique. Il faut dire que vous étiez en mission – la mission de réparer cinquante ans de turpitudes, de lâcheté et d'incompétence – et guidés par une forme de positivisme, de petite science, qui vous a fait croire que toute solution était d'évidence et que toute réforme était naturellement la plus grande depuis René Coty.
Bien mal vous en a pris et les Français vous l'ont rappelé en endossant le gilet jaune. Un épisode qui nous a tous interpellés tant il venait de loin, qui nous a tous bousculés dans nos certitudes, à l'exception peut-être du Président de la République lui-même, accentuant son exercice plébiscitaire du pouvoir fait de rodomontades et de mise en scène de lui-même. Votre conclusion au grand débat ferait sourire si elle n'était pas la synthèse parfaite et diabolique de l'impasse où vous nous conduisez : les Français veulent plus de nos réformes !
Vous aviez promis, lors la campagne présidentielle, d'écouter tout le monde. Certains l'ont espéré, d'autres l'ont cru mais vous avez fini par n'écouter que vous-même. Débat parlementaire escamoté, dialogue social brutalisé, société civile déconsidérée, médias voués aux gémonies. S'il est une leçon de votre majorité que chacun aura comprise, c'est celle-ci : quand on n'est pas avec le président Macron, on est contre la France. Vous êtes les spécialistes des débats interdits, des débats tronqués, des débats caricaturés. En proclamant « Moi ou le chaos », vous préparez le chaos. En pensant sauver l'essentiel, l'essentiel est devenu pour vous de vous sauver. Prenez garde : si avant vous il n'y avait pas d'avant, après vous y aura-t-il un après ?