Intervention de élisabeth Borne

Séance en hémicycle du vendredi 14 juin 2019 à 9h30
Mobilités — Après l'article 1er b

élisabeth Borne, ministre chargée des transports :

Madame Luquet, un de mes combats, c'est de proposer des TGV à des prix accessibles, et c'est l'un des objets de la réforme ferroviaire. Les trajectoires des péages conduisaient auparavant à une absurdité : leur augmentation permanente se répercutant sur le prix des billets, elle aurait eu paradoxalement pour effet que des lignes à grande vitesse construites à coup de milliards conduisent in fine à des TGV en circulation et des voyageurs transportés toujours moins nombreux. Je soutiens la SNCF dans sa politique de développement des TGV Ouigo. Le nombre des billets est passé de 7 millions en 2017 à 13 millions en 2018 et il montera à 25 millions en 2020. Le TGV doit être accessible à tous. Il convient de maximiser l'utilisation des lignes à grande vitesse qui ont été construites en offrant le maximum de services à nos concitoyens.

Madame Lacroute, les Assises nationales du transport aérien ont été l'occasion de discuter avec tous les acteurs du secteur, mais peut-être n'ont-elles pas été suffisamment ouvertes aux autres secteurs.

On y a évoqué les enjeux de connectivité, qui sont d'autant plus importants que notre pays est présent sur les cinq continents et que la place des outre-mer dans leur bassin régional est cruciale. Les enjeux de connectivité concernent également la métropole, avec les territoires enclavés, que nous avons largement évoqués ces derniers jours.

Ces assises ont aussi été l'occasion d'évoquer la performance économique, sociale et environnementale du transport aérien, dont nous débattons ce matin. Il convient de réfléchir à la capacité de disposer demain d'avions zéro carbone : il faut nous donner cet objectif, compte tenu des révolutions que l'aviation a déjà été capable d'opérer.

Ces assises se sont en outre penchées sur les distorsions de concurrence dans ce secteur, qui stressent un peu ses acteurs. Je pense notamment à l'écart des charges sociales entre la France et les Pays-Bas : chez nous, ce sont 30 euros supplémentaires par billet. Il est vrai qu'en France, les charges sociales financent par exemple les retraites, alors qu'ailleurs, leur coût est assumé par des fonds de pension. En tout cas, le sujet a été soulevé et nous devons y réfléchir.

Lorsque la Suède et les Pays-Bas se vantent de promouvoir une vision écologique exemplaire du transport aérien et se disent prêts à taxer les billets, je tiens à rappeler qu'un billet d'avion de 100 euros comprend 56 euros de taxes en France, contre seulement 30 euros en Suède et aux Pays-Bas. Ne soyons donc pas naïfs : il faut prendre en considération les effets, qui ont été évoqués, de déport de trafic au profit de hubs voisins.

Le dumping écologique et social est générateur de désordres très importants à l'échelle de la planète, à celle de l'Europe et à celle de notre pays. M. Sermier a évoqué le cas du bois produit en France et qui y revient après avoir été transformé en Chine. Nous pourrions également parler des fraises produites au Sénégal vendues moins cher en France que des fraises du Périgord, ce qui est pour le moins contrariant. Nous avons également mentionné hier d'autres paradoxes, comme les sites de e-commerce qui proposent de changer plusieurs fois les produits commandés en garantissant la gratuité du transport, alors que le transport n'est pas gratuit, parce que des personnes s'en chargent et qu'il a un impact environnemental.

Je me réjouis que nous débattions de ces sujets aujourd'hui, car il faut les prendre à bras-le-corps, en prévoyant des actions à l'échelle mondiale. Je rappelle que la France est motrice, au niveau mondial, aussi bien à l'OMI – l'Organisation maritime internationale – qu'à l'OACI – l'Organisation de l'aviation civile internationale – OACI. Nous y défendons un objectif de réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur maritime et du secteur aérien, à l'horizon 2050. C'est ce qu'il faut faire pour tenir la trajectoire résultant de l'accord de Paris. Certaines orientations doivent être défendues résolument à l'échelle européenne.

J'ajoute qu'il ne faut pas dissocier dumping social et dumping écologique : il faut s'y attaquer en même temps. J'ai eu l'occasion de me battre dans le cadre du paquet mobilité, l'an dernier, et j'espère que le Parlement européen lui donnera un débouché durant la prochaine législature. Il y a aussi, soyons clairs, des enjeux de dumping fiscal entre les États membres : la taxe sur les carburants, notamment, est extrêmement basse en Espagne ou au Luxembourg. Des combats doivent être menés à l'échelle européenne.

Dans ce contexte, on doit déterminer ce que l'on est en mesure de faire à l'échelle nationale. Beaucoup d'idées ont été évoquées ces derniers jours : imposer aux chargeurs une contribution à hauteur de leurs émissions de gaz à effet de serre ; l'instauration d'une vignette ou d'une contribution du secteur aérien. Il faut avancer, y compris à l'échelle nationale, sur les modalités de contribution des activités et des modes de transports polluants au financement des modes propres et vertueux.

Je me réjouis de la proposition de Mme la présidente de la commission, et le Gouvernement sera évidemment à la disposition de vos commissions pour participer à ces réflexions.

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