Intervention de David Larramendy

Réunion du mercredi 29 mai 2019 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

David Larramendy, président du Syndicat national de la publicité télévisée :

À titre liminaire, je rappelle que notre syndicat, le SNPTV, regroupe l'intégralité des régies des différentes chaînes de télévision, qu'elles soient privées ou publiques, gratuites ou payantes.

La publicité télévisée en France est une publicité de qualité et responsable, grâce à la mise en place, il y a près de cinquante ans, d'un organisme d'autorégulation – d'abord dénommé le BVP puis, depuis dix ans, l'ARPP, l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité – qui a permis d'éviter un certain nombre de dérives et d'excès qui touchent aujourd'hui la publicité digitale sur les grandes plateformes américaines.

Nous avons parfois tendance à l'oublier, mais la publicité est un moteur économique vital pour notre pays, au moins pour trois raisons.

Elle constitue d'abord un levier de croissance pour nos clients annonceurs. En effet, la publicité permet de développer de l'emploi dans des usines, dans les entrepôts, dans le secteur de la vente, etc. Toute cette croissance de chiffre d'affaires générée par la publicité a un impact commercial sur l'ensemble du territoire.

La deuxième raison est spécifique à la France : vous savez que près de 130 000 personnes, en France, travaillent dans le secteur de l'audiovisuel et du cinéma. La publicité contribue directement à faire fonctionner ce secteur qui génère, notamment, environ 1,5 milliard d'euros issus soit de taxes sur le chiffre d'affaires, soit d'obligations imposées aux chaînes sur la même base. Cet impact est direct : s'il y a moins de publicité en télévision, il y a moins de ressources pour ce secteur ; s'il y a plus de publicité en télévision, il y aura davantage de ressources dans ce secteur.

La troisième raison réside dans le financement de l'information. Entre 800 millions et 1 milliard d'euros sont dépensés par l'ensemble des chaînes pour l'information. Cet investissement, en ces temps de fake news et de scandales notamment digitaux, est un pilier de la démocratie et un gage d'informations de qualité, vérifiées. C'est une proposition de la télévision qui me paraît essentielle à ce stade.

Une fois que nous avons constaté ces trois points, il est important d'évoquer le cadre règlementaire dans lequel nous évoluons aujourd'hui, qui nous paraît être totalement obsolète. Il a été créé dans les années 1980, à une époque où le numérique n'existait pas, où les acteurs les plus puissants étaient peut-être les chaînes de télévision, et les acteurs moins puissants les producteurs. Les règles du jeu étaient fixées pour établir un équilibre entre les différentes forces en présence.

Aujourd'hui, force est de constater que le monde a totalement changé, notamment avec le numérique et le développement de plateformes américaines aux chiffres d'affaires tout à fait spectaculaire ; tout cela a changé la donne. Par contre, le cadre règlementaire, lui, n'a pas du tout évolué à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés.

Il est intéressant de noter que lors de la campagne présidentielle, le Président de la République a formulé un constat que je me permets de rappeler : « quant au secteur de l'audiovisuel, sa réglementation n'est plus adaptée à un environnement ouvert et concurrentiel ». On ne peut que partager cette appréciation.

Pour vous donner quelques chiffres, le marché de la publicité à la télévision représente aujourd'hui 3,4 milliards d'euros environ. C'est un chiffre inférieur d'environ 5 % à ce qu'il était juste avant la crise de 2008, alors que nos amis anglais ou allemand, par exemple, ont largement dépassé les niveaux qu'ils avaient atteints.

Le marché du numérique, qui n'existait pas il y a encore vingt ans, représente quant à lui plus de 4 milliards d'euros et connaît des taux de croissance extrêmement forts et largement supérieurs aux nôtres. Ces taux de croissance ne profitent, pour dire les choses telles qu'elles sont, qu'à deux acteurs qui captent, selon les études, entre 95 et 100 % de la croissance du secteur digital. À titre de comparaison, les médias historiques ont tous saisi les opportunités qui se développent dans le digital et ne représentent, en termes de revenus publicitaires, qu'environ 6 % du marché du digital, alors qu'en termes d'audience, ils sont à des chiffres largement supérieurs.

Je n'évoquerai pas les autres enjeux que peuvent avoir les groupes télévisuels, notamment autour des liens avec la production. Si je m'en tiens uniquement à la publicité, le SNPTV soutient deux types de mesures.

La première mesure, c'est l'ouverture d'un certain nombre de secteurs qui sont encore interdits à la publicité télévisée. C'est le cas pour la promotion de la distribution, de l'industrie du cinéma et de l'édition littéraire ; j'imagine que nous reviendrons sur ce sujet lors des questions.

La deuxième mesure, c'est l'ouverture de la publicité segmentée à la télévision. Cette révolution est en train de se produire dans le monde entier, notamment en Angleterre, avec l'opérateur Sky. Les États-Unis, qui avaient un peu d'avance dans ce domaine, accélèrent également. Nous avons des discussions très constructives avec les fournisseurs d'accès à internet, d'un point de vue technique. En revanche, d'un point de vue règlementaire, nous ne pouvons pas mettre cette technologie en oeuvre, alors que nous savons que la publicité segmentée correspond à une demande des annonceurs. Nous nous contentons donc de faire des tests pour en vérifier la faisabilité technique.

Je vous donnerai un seul exemple : imaginez un distributeur qui n'est présent que dans le Nord et l'Est de la France. Il a aujourd'hui des concurrents à Metz, Nancy et Lille, qui sont des Carrefour, des Intermarché, des Leclerc qui font de la publicité à la télévision. La publicité segmentée n'étant pas autorisée, s'il décidait d'acheter des espaces à la télévision, il dépenserait inutilement de l'argent dans les trois quarts de la France. Ce type d'annonceur est donc aujourd'hui absent en télévision, mais pourrait être présent si, demain, la publicité segmentée était autorisée.

Ces assouplissements nous paraissent indispensables afin de rééquilibrer la lutte contre les Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft (GAFAM) et capter une partie de ces 95 à 100 % de la manne publicitaire qui profite notamment à Google et Facebook.

Il semble exister une convergence de points de vue de la part des élus qui se sont penchés sur ce dossier, du CSA et de l'Autorité de la concurrence, tous très favorables à ces assouplissements. Nous espérons que, dans les mois qui viennent, ces assouplissements pourront devenir réalité.

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