Deux articles de la proposition de loi nous sont présentés. L'article 1er dispose que les plateformes sont tenues de retirer ou de rendre inaccessible dans un délai maximal de 24 heures après notification tout contenu comportant manifestement une incitation à la haine ou une injure discriminatoire à raison de la race, de la religion, du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap. Bien entendu, nous y sommes favorables. Mais l'auto-régulation nous inquiète. Ainsi, l'article 4 de la proposition de loi dispose que le CSA contribue à la lutte contre la diffusion de la haine sur internet, envoie des recommandations aux plateformes, suit les obligations pesant sur les opérateurs, publie un rapport périodique, etc. C'est bien joli, mais cela ne va pas vraiment faire trembler ces plateformes.
Je le répète, nous sommes favorables au retrait des contenus comportant une incitation à la haine ou à une injure liée à la race, la religion, l'ethnie, le sexe, l'orientation sexuelle ou le handicap. Mais la rédaction de la proposition de loi manque de clarté et cela emporte des conséquences sur celle des dispositifs qu'elle souhaite mettre en place et sur les différents pouvoirs mobilisés. Ainsi, quand elle mentionne l'autorité administrative chargée d'ordonner des actions aux plateformes et aux moteurs de recherche, elle ne détermine pas laquelle. Est-ce le CSA ou la police administrative d'une structure ad hoc ? La proposition de loi peut être dangereuse, comme le souligne le Conseil national du numérique (CNNum). Elle pourrait avoir un impact, insuffisamment évalué à son sens, sur les droits et libertés. Selon le CNNum, il faut tout d'abord, et urgemment, définir très précisément ce qu'est un discours haineux, tout comme il faut impérativement prévoir un juste équilibre entre le recours au mécanisme judiciaire, à la régulation et à l'autorégulation.
En matière de lutte contre les contenus haineux, le rôle du juge est fondamental pour éviter les abus, protéger les victimes et offrir les garanties d'indépendance nécessaires à l'égard tant des plateformes que du pouvoir exécutif. Les lois récentes – lutte contre la manipulation de l'information et droits voisins des éditeurs de presse en ligne – confèrent de plus en plus de pouvoirs aux plateformes. Cette dérive risque de les doter d'un rôle important de filtre des contenus sur internet.
Rien ne justifie l'urgence avec laquelle cette proposition de loi est examinée puisqu'une mission sur la régulation des réseaux sociaux est en cours et rendra ses conclusions fin juin, après le début de l'examen de cette proposition de loi. C'est dommage.