Intervention de Florence Parly

Réunion du lundi 3 juin 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Florence Parly, ministre des armées :

Avant de répondre aux questions de M. Cornut-Gentille, je veux dire en un mot que je partage très largement ses analyses. Oui, l'année 2018 a bien démarré puisque, sans attendre la mise en chantier d'une nouvelle LPM, le Gouvernement, qui venait d'entrer en fonction, a décidé d'accorder 1,8 milliard d'euros au budget des armées pour 2018. Cette marche extrêmement positive a permis – même si, comme vous l'avez justement rappelé, monsieur le président, nous ne parlons pas de 2019 – d'entrer dans la programmation militaire de la meilleure façon possible.

Vous le savez aussi bien que moi, monsieur le rapporteur spécial, la gestion budgétaire n'est pas une science, puisqu'un certain nombre d'aléas peuvent surgir en cours de route. Si je vous dis que moi-même, je n'ai pas été ravie des mesures d'annulation qui ont été décidées à la fin de l'année 2018, je pense que vous ne serez pas surpris, car je crois vous l'avoir dit de façon très sincère lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Néanmoins, il faut se souvenir que pas un euro n'a manqué au budget du ministère des armées : celui-ci s'élevait à 34,2 milliards d'euros en loi de finances initiale 2018 – hors tous les accessoires : fonds de concours, recettes exceptionnelles... – et 34,2 milliards d'euros de crédits budgétaires ont été exécutés à la fin de l'année. Ce budget n'a donc pas subi d'annulation nette ; je le répète car – je ne sais pas ce que Mme Pénicaud vous a dit –, compte tenu de la tension qui s'exerce sur d'autres départements ministériels, il est important de le relever.

Ainsi que l'avez fort bien rappelé, nous avons réduit la marge de l'aléa. En effet, l'une des premières décisions prises par le Gouvernement a été de réduire l'impasse entre la provision prévue pour le financement des OPEX et leur coût réel, en augmentant cette provision de 200 millions d'euros en 2018. Par ailleurs, nous avons pu nous appuyer sur des marges de gestion : certaines d'entre elles sont extrêmement positives, d'autres le sont beaucoup moins.

Figure ainsi parmi les points positifs la réalisation de véritables gains définitifs dans la renégociation d'un certain nombre de contrats – c'est une bonne nouvelle pour tous les contribuables. Ainsi, sur les 404 millions d'euros qu'il nous a fallu redéployer dans le cadre de la loi de finances rectificative – l'écart entre le coût définitif des opérations extérieures et le montant des provisions était, je le rappelle, de 580 millions d'euros, en faisant flèche de tout bois –, 319 millions provenaient du programme 146 Équipement des forces, dont près de la moitié, soit 164 millions, correspond à des économies définitives. Sur les 240 millions d'euros restants, il y a des choses qu'il va nous falloir gérer dans la durée.

Autre élément très favorable : la situation de trésorerie d'un certain nombre d'organismes internationaux. Ce point a du reste été relevé par la Cour des comptes, qui contestait le caractère, sinon pléthorique, du moins élevé de ces trésoreries. La réduction de moitié, entre 2016 et 2018, de celle de l'OCCAR est donc un élément qui ne gêne nullement cette organisation. Bien entendu, c'est un fusil à quelques coups, si je puis dire : il faudra que la France reprenne le cours normal de ses versements dès que l'OCCAR et les autres organismes du même type en auront besoin.

Par ailleurs, et ce fut une mauvaise nouvelle, nous avons constaté, tardivement, la sous-exécution de notre masse salariale, à hauteur de 211 millions d'euros. Cette sous-exécution s'explique, pour l'essentiel, par le fait que le nombre des départs a dépassé de 4 000 celui que la loi de finances initiale avait prévu dans le schéma d'emplois qui sous-tendait le budget. Or, la moitié de ces 4 000 départs supplémentaires concerne une catégorie essentielle pour le bon fonctionnement de nos forces, celle des sous-officiers. Un certain nombre d'entre eux ont ainsi cédé aux sirènes d'employeurs ravis de pouvoir trouver une main-d'oeuvre très bien formée et qui possède, au-delà de ses compétences techniques, de grandes qualités de fiabilité. De fait, dans un environnement macroéconomique où la situation de l'emploi s'est améliorée dès l'année 2018 – et cela continue –, la tension n'en a été que plus forte. C'est une mauvaise nouvelle pour nos armées car, à court, moyen et long terme, si ce phénomène devait se reproduire, il soulèverait la question de l'attractivité des carrières militaires. Du reste, certains de mes lointains prédécesseurs ont déjà rencontré ce problème : lorsque l'état de l'économie s'améliore, l'attractivité relative des missions et des carrières proposées dans la fonction publique en général et dans les armées en particulier s'érode.

Que faisons-nous pour améliorer cette situation ? Tout d'abord, nous avons confié à une équipe quasiment dédiée à cette question la mission de comprendre ces phénomènes – si nous pouvons vous livrer des éléments d'information, c'est grâce à l'important travail qu'elle a réalisé. Aujourd'hui, la machine à recruter tourne à plein régime. Désormais, la question qui se pose est celle de savoir ce que nous pouvons faire pour tenter de réguler les départs. S'agissant des officiers de carrière, nous pouvons opposer un certain nombre de refus, mais il est toujours difficile de conserver des effectifs en prenant une décision d'autorité : une telle situation ne peut pas se gérer harmonieusement dans la durée. Nous pouvons également – j'anticipe, ici, sur le sujet suivant, celui du plan Famille –, notamment dans les spécialités en très forte tension, verser des primes qui permettent de gérer cette rétention : c'est ce que nous avons fait dès 2018. Le montant de ces primes est tout à fait variable, dans la mesure où il tient compte de la loi du marché, c'est-à-dire de l'offre et de la demande. Ainsi, dans les spécialités vraiment très critiques et s'agissant de personnels dont les compétences sont elles-mêmes très critiques, nous pouvons proposer des primes atteignant 25 000 euros afin d'essayer de retenir ces personnels au sein de l'institution militaire.

Enfin, s'agissant de 2019, si ces marges de manoeuvre sur la masse salariale ne perduraient pas, le recours à la solidarité interministérielle pourrait-il être envisagé ? D'abord, je plaiderais que c'est la loi de programmation que j'ai défendue et que vous avez bien voulu voter de façon très large. Vous pouvez compter sur mon engagement pour défendre cette position mais, pour être très honnête, je ne peux pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

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