Il faut précisément se demander pourquoi le salariat ne représente que 2 % ! J'identifie deux causes principales. Premièrement, les départements, qui ont la compétence sociale, ne sont pas toujours enclins à autoriser un tiers à devenir employeur. Deuxièmement, il est difficile de trouver des personnes morales de droit privé ou de droit public susceptibles de devenir employeurs. Les établissements médico-sociaux, par exemple, sont réticents à l'idée de devenir employeurs. Tels sont, selon moi, les deux éléments qui freinent aujourd'hui le développement du salariat.
Je vous assure que je n'ai aucunement la volonté de limiter le pouvoir des départements – je suis encore conseillère départementale –, mais je pense qu'il y a des choses à améliorer. Aujourd'hui, lorsqu'un accueillant familial dépose une demande d'agrément, il précise s'il souhaite accueillir une, deux ou trois personnes. Le département mène alors une enquête, visite les locaux et décide si le candidat peut accueillir une, deux ou trois personnes. Le problème, c'est que lorsqu'un accueillant est autorisé à héberger trois pensionnaires, leur arrivée s'échelonne souvent sur trois ans, ce qui peut lui poser des problèmes financiers : bien souvent, on lui a demandé de faire des travaux, notamment de mise en accessibilité, pour lesquels il a contracté des prêts. S'il n'accueille qu'une personne au lieu de trois pendant un an, il se retrouve dans une situation financière délicate.
Obtenir un agrément pour l'accueil de trois personnes est un cas de figure plutôt rare, ce qui se comprend aisément. En revanche, les agréments pour deux personnes sont assez fréquents. Mais il existe des disparités importantes d'un département à l'autre dans la gestion de ces demandes. Dans certains départements, l'obtention de l'agrément est immédiatement suivie d'effet et l'accueillant reçoit aussitôt deux personnes. Dans d'autres départements, les arrivées sont échelonnées et, comme le département n'a pas spécialement à coeur de développer l'accueil familial, la deuxième personne n'arrive qu'un an plus tard. Je répète que je n'ai aucunement l'intention de contraindre les départements, mais il faut trouver une solution à ce type de problèmes.
Madame Iborra, le développement du salariat et de l'accueil familial dépend fondamentalement de la volonté du département d'agir en ce sens. Or cette volonté n'existe pas aujourd'hui. Il faut donc trouver le moyen d'inciter les départements à développer l'accueil familial et à accroître la visibilité du dispositif. Je connais des personnes qui souhaiteraient bénéficier d'un accueil familial et qui ont du mal à en trouver. Comme vous le disiez justement, nous manquons aujourd'hui d'une plateforme capable de mettre en relation les accueillants et les accueillis. Comme je l'ai déjà indiqué, il me semble que la plateforme ViaTrajectoire, qui a été créée pour satisfaire les demandes de places en établissements médico-sociaux, pourrait recenser l'ensemble des offres, y compris les accueillants familiaux. La mise en relation serait beaucoup plus simple.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la question de la rémunération, qui est un vrai problème. Il faut savoir que la rémunération d'un accueillant familial est très complexe, dans la mesure où, à la rémunération dite de base, peuvent s'ajouter plusieurs indemnités. La rémunération de base est, au minimum, de 2,5 fois le SMIC horaire par jour, soit une rémunération maximale de 660 à 720 euros, avec des variations très importantes d'un département à l'autre, qui rendent le système peu équitable. Les accueillants familiaux ont également une retraite très faible, parce que leurs cotisations sont calculées uniquement sur la rémunération de base.
À cette rémunération de base s'ajoute ce que l'on appelle l'indemnité de sujétion particulière, qui dépend du niveau de handicap de la personne accueillie : elle varie de 3,71 à 14,64 euros par jour, selon le niveau de perte d'autonomie de la personne accueillie, ou groupe iso-ressources (GIR). À cela s'ajoute encore l'indemnité d'entretien : c'est celle que je propose d'augmenter. Elle couvre les trois repas et la collation, ainsi que l'entretien du logement et du linge de la personne. Aujourd'hui, dans mon département, cette indemnité est comprise entre 2 et 5 euros. Si l'on prend le montant minimum de 2 euros par jour, cela signifie que l'accueillant reçoit 10 euros par jour pour les trois repas, la collation, l'entretien du logement et du linge. Or, dans d'autres départements, cette indemnité dépasse 20 euros, ce qui signifie que la situation des accueillants familiaux diffère considérablement d'un département à l'autre.
Si l'on décide d'augmenter cette indemnité – et l'augmentation que je propose n'est pas considérable – on n'affectera pas les départements, dans la mesure où le département, dans le cadre de l'aide sociale, ne prend en charge que la rémunération de base. Ce surcoût s'appliquera donc à la personne accueillie, mais on sera toujours très loin du prix d'un EHPAD. Si nous voulons que la profession d'accueillant familial se développe, il faut la valoriser davantage et assurer un meilleur niveau de rémunération. L'existence d'une plateforme donnerait davantage de visibilité à ce métier. Du reste, il en existe déjà : celle de l'entreprise d'économie sociale et solidaire CetteFamille, que nous avons auditionnée, met déjà en relation plus de 6 000 personnes. Cette entreprise ne demanderait qu'à développer l'accueil familial à titre privé. Le problème, c'est que les départements ne lui en donnent pas l'autorisation. On voit bien que c'est un frein majeur au développement…
Monsieur Christophe, vous avez posé la question de la formation. Je n'ai rien contre la formation en EHPAD, bien au contraire. Aujourd'hui, on dit que l'EHPAD doit être ouvert et je pense effectivement qu'il pourrait être un excellent lieu de formation à l'accueil familial.
L'idée d'introduire le droit au répit est née de nos discussions avec les accueillants familiaux qui, dans leur majorité, n'ont pas pris de vacances depuis six ans. Ils y ont droit mais, dans la pratique, ils ne peuvent pas le faire, parce qu'envoyer leur pensionnaire dans un établissement leur coûterait une fortune. Lorsque l'accueillant familial dépose sa demande d'agrément, il doit préciser le nom des personnes susceptibles de le remplacer. Mais le voisin ou l'ami qui assure le remplacement n'a pas reçu d'agrément. Cela pose des problèmes du point de vue de la sécurité… Si, à l'avenir, un organisme employeur a la responsabilité de la formation, les personnes qui viendront assurer le remplacement seront, elles aussi, agréées et formées.
Nous proposons de reconnaître aux accueillants familiaux le droit au répit, comme on le reconnaît désormais aux bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie. Cela pourrait prendre la forme du baluchonnage – ou relayage –, que nous essayons d'organiser dans notre département. Dans ce cas, la demande de droit au répit est faite par la personne accueillie, dans la mesure où elle bénéficie de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et où son plan d'aide est au maximum. Je ne vois pas ce qui empêcherait que la personne accueillie fasse une demande, dans le cadre du droit au répit, pour permettre à son accueillant de prendre des vacances. On resterait, évidemment, dans le cadre des contrats de gré à gré, puisqu'il n'est pas question de revenir sur les contrats de gré à gré existants.
Monsieur Christophe, vous avez également évoqué les maisons d'accueil familial, et je n'ai rien contre. Dans nos territoires ruraux, nous avons tous de grosses maisons inoccupées. Dans mon département, nous expérimentons actuellement un projet d'habitat partagé avec cinq personnes âgées et une gouvernante. Comme cela a été dit à plusieurs reprises, je crois qu'il n'y a pas une solution, mais de multiples solutions, qu'il faut encourager, en particulier dans les territoires ruraux.