Cette différence s'explique toutefois par le fait que les débats ont été non pas plus ennuyeux, plus laborieux, plus longs à conduire, mais tout simplement plus nourris. Les ministres ont aussi été plus « challengés » et leurs propos plus discutés. C'est évidemment une bonne chose : il faut que l'exercice soit redoutable pour un ministre, quel qu'il soit ; si un ministre ne redoute pas le Parlement, alors notre mission de contrôle n'a pas de sens. Enfin, les députés ont été plus nombreux à participer à nos travaux, qu'il s'agisse de nos commissaires aux finances eux-mêmes ou des membres des commissions saisies pour avis.
Quant au fond, l'exercice est aussi, me semble-t-il, mieux compris que l'année dernière, même si des progrès restent à faire. J'ai pris plaisir à assister à nombre de discussions très substantielles, dans lesquelles les questions de fond étaient véritablement abordées, et je ne doute pas que ceux de mes collègues qui ont eu l'occasion de me relayer à la présidence de la commission ont fait la même expérience.
L'évaluation du rapport coût-efficacité – ou de l'efficience – d'une politique publique est un exercice absolument indispensable. J'ai noté avec satisfaction que les éléments d'appréciation qualitative, au-delà de la quantité, s'y font jour. Une politique est-elle dotée de la qualité qu'elle doit avoir eu égard aux catégories de personnes auxquelles elle s'adresse ? Voilà un vrai sujet d'analyse.
Vous l'avez dit, monsieur le Premier président, la Cour des comptes s'est elle aussi adaptée, en ajustant son calendrier au nôtre – je pense par exemple à l'« article 58-2o », pour parler le lolfien, c'est-à-dire aux rapports d'enquête établis par la Cour des comptes à la demande du Parlement conformément au 2o de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances : le calendrier de leur remise a été avancé pour que nous puissions en tenir compte.
Une information abondante, voire surabondante, nourrit nos débats. La question n'est pas sa qualité – toujours au rendez-vous, ou presque – , ni, évidemment, sa quantité, mais la manière dont nous l'utilisons. L'utilisation de l'information qui nous provient de la Cour des comptes est en effet fondamentale : ce que dit la Cour doit être porteur de conséquences, lorsque, naturellement, la représentation nationale en est d'accord.
Mais c'est aussi le respect pour l'Assemblée elle-même qui est en jeu. Son président l'indiquait tout à l'heure, il y existe bien d'autres instances d'évaluation : le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, les missions d'évaluation et de contrôle internes à la commission des finances et à la commission des affaires sociales, les missions d'information généralistes qui comprennent des éléments d'évaluation. Tous leurs travaux de l'année doivent pouvoir converger vers la semaine d'évaluation des politiques publiques, et le « Printemps de l'évaluation » doit être considéré comme le lieu de cette convergence, destiné à faire progresser nos politiques publiques.
On pourrait ainsi considérer que l'année se divise en deux : un premier semestre prébudgétaire marqué par trois temps forts – la loi de règlement, les commissions d'évaluation des politiques publiques et l'examen en séance publique des propositions de résolution, enfin le débat d'orientation des finances publiques – qui nous amène vers le second semestre, le semestre proprement budgétaire, à la lumière de ce qui a été exprimé auparavant. Ainsi, l'élaboration du budget se ferait tout au long de l'année, par un travail en continu – évaluation, conséquences tirées de l'évaluation, budget en lui-même.
Nous sommes l'Assemblée nationale : nous devons aussi voter – non seulement les budgets, mais aussi les politiques d'évaluation et leurs conséquences. Comment ? Par des propositions de résolution. En la matière, le Gouvernement a fait preuve de bonne volonté. Nous allons donc examiner des propositions de résolution émanant soit des groupes politiques, soit de la commission des finances, qui a sélectionné cinq d'entre elles, fondées pour la plupart sur les travaux des rapporteurs spéciaux. J'ai vu que la majorité avait choisi des sujets transversaux, comme les dépenses fiscales – c'est une très bonne idée – , tandis qu'une bonne partie de l'opposition privilégiait des sujets « verticaux », s'intéressant à telle ou telle politique publique en elle-même. Tout cela est évidemment très bienvenu.
Nous avons donc fait beaucoup de progrès ; nous devons continuer. En particulier, nous devons mieux évaluer l'impact de nos propres amendements ou mieux discuter l'évaluation que fait le Gouvernement de ses propositions. Pour y parvenir, nous sommes en train de discuter de la mise en oeuvre de Leximpact, un logiciel auquel les parlementaires auraient accès à cette fin. Pourquoi pas ? Cela ne va peut-être pas tout à fait aussi loin que l'ambition que nous nourrissions l'année dernière, mais c'est une avancée significative qui mérite d'être notée.
Je veux également rassurer le Premier président : nous avons recréé la MILOLF, la mission d'information relative à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, destinée à suivre l'application de la LOLF et, le cas échéant, à corriger celle-ci, ce que nous ferons très sérieusement.
J'aimerais m'attarder un instant sur les travaux des commissions d'évaluation des politiques publiques. Quand Mme Pires Beaune se penche sur les remboursements et dégrèvements, ce sont des sujets réellement passionnants que nous abordons, et des conclusions tout à fait fondamentales. Quand M. Aubert pose la question du coût des éoliennes sur toute leur durée de vie, le projet et les données apparaissent tout à fait incroyables : 70 à 80 milliards d'euros ! Il ne s'agit pas là de dénoncer les énergies renouvelables, mais de se demander à quel coût elles sont produites, comparées à d'autres types d'énergie ; ensuite, c'est une question de choix politique.
Il en va de même s'agissant des dépenses fiscales : nous devrions pouvoir mieux pratiquer le parangonnage, ou benchmarking, pour donner une traduction que la Cour des comptes comprenne bien,