Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du lundi 17 juin 2019 à 16h00
Débat sur le rapport de la cour des comptes sur le budget de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Les amis de l'État que sont les insoumis et ses admirateurs ne peuvent que saluer votre présence dans cet hémicycle, en se souvenant que cette année, cela fait sept siècles que la chambre des comptes existe. En effet, elle a été créée en 1319 sous le roi Jean Le Bon pour régler certains désordres, lesquels ont perduré et ont donné lieu, en 1358, à la Grande Jacquerie et à la révolte d'Étienne Marcel. Celle-ci constituait, en quelque sorte, la préfiguration de la grande révolution de 1789 – qui avait d'ailleurs été motivée par des raisons tenant à l'impôt – et du mouvement des gilets jaunes, qui a tiré son origine des mêmes facteurs. Vous n'ignorez pas, d'ailleurs, que les Jacques ont été nommés ainsi en référence aux gilets que portaient les paysans à l'époque.

On vous voit venir avec beaucoup de faveur, vous qui êtes indépendants : en 1467, le roi Louis XI décide que vous êtes inamovible, que l'on ne peut pas modifier le cours de vos carrières et que, sauf forfaiture, vous êtes là pour la vie entière, avant que Napoléon n'avalise le tout. Vous voilà, monsieur le premier président, après qu'on eut encore essayé, en 2012, de vous contourner, en s'efforçant de créer, sur le fondement de l'article 3 du TSCG – traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – , en relation avec le two-pack, le six-pack et autres inventions de ce lointain héritier du Saint-Empire romain germanique qu'est l'Union européenne, une chambre de plus pour contrôler les comptes publics et vérifier leur adéquation avec les directives européennes. Fort heureusement, le Saint-Empire s'est brisé sur la vieille institution française. Vous êtes à la fois la Cour des comptes et l'institut prévu par l'Europe : tant mieux, l'Europe n'a pas eu raison de vous.

Je vous le dis en toute franchise : j'ai trouvé votre rapport moins caricaturalement libéral que d'autres prestations que la Cour des comptes a livrées par le passé. J'ai été très agréablement surpris par ce que j'ai lu. J'ai entendu à cette tribune, une nouvelle fois, reprendre les antiennes sur le contrôle de la dépense publique. C'est extrêmement amusant et distrayant, encore que fort répétitif. Cela fait des années, en effet, que l'on accuse l'État de mal dépenser, de dépenser excessivement, et ainsi de suite, sans que personne ne prenne la peine de comprendre un seul instant comment il se fait que l'État soit toujours en déficit. Or cela ne tient pas seulement à ses dépenses mais, j'ose le dire, à ses recettes. Cela fait trois décennies qu'on appauvrit systématiquement, méthodiquement l'État.

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