On l'appauvrit pour favoriser certaines catégories sociales de ce pays. D'ailleurs, cette année, le déficit augmente de 9 milliards, alors que nous avons encore fait un cadeau – de 16 milliards – aux plus riches, sous le régime de la flat tax, de l'impôt sur la fortune, de niches diverses et variées. Si l'on taxait comme on devrait le faire ceux qui ont beaucoup donné, au lieu de la modeste part qu'on ose leur prendre, l'État n'aurait pas connu de déficit cette année. Vous auriez aussi pu noter dans votre rapport, monsieur le Premier président – encore que vous ayez regardé dans cette direction – que les 9 milliards manquants en 2019 correspondent au solde de ce que la France donne à l'Union européenne. Autrement dit, après qu'elle nous a versé les crédits de la politique agricole commune et le reste, l'Union européenne détient encore dans ses caisses 9 des milliards que nous lui avons donnés. Pour un pays dont on ne cesse de dire qu'il est en déficit, qu'il connaît la misère, qu'il doit cesser de dépenser inconsidérément, admettez que 9 milliards donnés à l'Union européenne, c'est une dépense ostentatoire, qui est au-dessus de nos moyens. Bref, ma première conclusion, qui a été validée par ce que j'ai lu dans votre rapport, est que deux choses nous coûtent horriblement cher : les riches et l'Union européenne.
On nous dira encore une fois « la dette publique, ceci, la dette publique, cela », mais personne ne s'intéresse au contenu de la dette : est-ce de l'investissement ou pas ? Une chose est sûre : la dette sur le temps long, en France, ne tombe pas du ciel et ne provient pas d'un abus de dépense. L'unification allemande a coûté à notre pays, à l'époque, plus de 100 milliards. En effet, les Français ont dû courir derrière la Banque centrale allemande et suivre ses taux d'intérêt, alors qu'ils n'avaient aucune raison de le faire. En attendant, ce qui est certain, c'est que la dette publique n'est pas la principale source d'anxiété pour l'économie mondiale. À cette heure, les principales préoccupations viennent de la dette privée, qui représente les deux tiers du total de la dette mondiale, laquelle s'élève à 189 000 milliards de dollars. Mais de cela, personne ne parle.
Or la dette privée est infiniment plus sensible pour les États que toute autre dette. Quand un État est là, c'est pour toujours ; on trouve toujours le moyen de lui courir derrière pour qu'il rembourse ses emprunts. On a vu que même l'emprunt russe a été remboursé. En revanche, quand un acteur privé fait faillite, il dit au revoir et tout le monde a perdu.
La situation est donc préoccupante.
Les remèdes appliqués pour réduire la dette publique en diminuant les dépenses des États ont montré leur inefficacité absolue. Ainsi, cela fait huit ans que l'on applique un remède de cheval à la Grèce, qui est enfin de retour sur les marchés financiers. Quelle joie ! Quel concert de louanges ! Mais entre-temps, la dette publique grecque s'est considérablement accrue, puisqu'elle est passée de 146 % du PIB en 2010, lorsque la crise a éclaté, à 178 % aujourd'hui. Autrement dit, tout cela n'a servi à rien, sinon à faire souffrir abominablement les Grecs et à faire peur au reste de l'Europe.
Il y a là quelque chose que la Cour des comptes pourrait relever à propos de notre dette publique. Par un tour de passe-passe budgétaire et comptable, comme il en existe des dizaines dont le mécanisme échappe au commun des mortels, et alors que l'Europe n'accorde jamais un centime de dépenses publiques à qui que ce soit, la Banque centrale européenne a réussi à balancer tous les mois, pendant une année entière, 85 milliards d'euros gratis pro Deo à toutes les banques privées qui le lui ont demandé. Au total, tout cela a représenté la somme considérable de 2 600 milliards d'euros, qui ont été donnés sans contrepartie aux banques privées. Comme cette injection massive de liquidités n'a pas entraîné un seul point d'inflation, nous pouvons en déduire que la totalité de l'argent est partie dans la sphère financière, sans que personne n'en ait vu la moindre trace dans l'économie réelle.
Par l'intermédiaire de la Banque centrale européenne, qui rachète aux banques privées des titres de dette émis par les États, la banque centrale française possède 417 milliards d'euros de dette publique française, ce qui représente 18 % du total de notre dette publique. Je n'expliquerai pas en détail notre proposition de transformation de nos titres de dette en dette perpétuelle sans intérêts. Une dette perpétuelle est possible. Une dette sans intérêts l'est tout autant, puisque la banque centrale allemande prête actuellement à des taux négatifs ; or, pour ma part, je préconise simplement de maintenir ou de stabiliser la valeur des titres, ce qui permettrait aux établissements qui en posséderaient dans leur bilan de ne pas perdre d'actifs. Les chiffres montrent que notre proposition est tout à fait réalisable : elle ferait tomber le niveau de la dette française de 99 % du PIB à 80 %.
Personnellement, je me contrefiche de ce niveau de dette publique. En effet, pour l'évaluation de la dépense publique, j'estime que la dette française ne représente pas 99 % du PIB d'une année. Cette méthode de calcul est absolument stupide : compte tenu de l'étalement de la dette – les titres ont une durée moyenne de sept ans – , celle-ci représente à peine 12 % de ce que nous produisons en une année. Monsieur le Premier président, si vous avez acheté une voiture ou un logement, essayez de reporter sur votre revenu annuel la totalité de vos dettes… Nous pourrions appeler le SAMU tout de suite, car vous seriez bien mal ! C'est pourtant ce que l'on demande à l'État français. Tout cela est absurde : une telle comptabilité n'a pas de sens.
Dans le peu de temps qui me reste, j'évoquerai les critiques exprimées par la Cour des comptes que je peux approuver. Il est absolument extraordinaire de retrouver sous la plume de la Cour des propos insoumis !