Intervention de Sarah El Haïry

Séance en hémicycle du lundi 17 juin 2019 à 16h00
Engagement citoyen — Discussion d'une proposition de résolution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah El Haïry :

C'est à la fois au nom du groupe du Mouvement démocrate et apparentés et en tant que co-rapporteure spéciale sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » que j'ai le plaisir de défendre devant vous cette proposition de résolution.

Puisqu'il s'agit de la première à être discutée dans le cadre du « printemps de l'évaluation », je tiens à me féliciter de la reconduction, très réussie, de cet exercice. Il est nécessaire que la représentation nationale que nous sommes puisse s'assurer de l'emploi des budgets qu'elle autorise ; il n'est pas inutile non plus que le Gouvernement entende l'analyse du Parlement pendant que le projet de loi de finances se prépare à arriver dans notre hémicycle.

Ces considérations rappelées, j'en viens à la proposition de résolution que j'appelle à voter. Son objet, qui est d'inviter le Gouvernement à poursuivre et amplifier son effort en faveur d'une politique ambitieuse d'engagement citoyen, peut sembler large.

Et pourtant, pour coller à 1'actualité ayant occupé une partie de la jeunesse de France durant quatre heures ce matin, lors de l'épreuve rituelle de philosophie, si le travail divise les hommes, l'engagement, lui, rassemble. Si la pluralité des cultures est un obstacle à l'unité du genre humain, l'engagement, lui, rassemble. Enfin, si reconnaître ses devoirs, c'est renoncer à sa liberté, alors s'engager est un acte de liberté.

Nous pouvons nous accorder sur ce point : la seule puissance publique, les seules entreprises privées ne pourraient pas assurer directement un volume considérable de missions centrales dans la vie de nos compatriotes. Oui, le modèle social de notre pays est fondé sur l'engagement. J'assume pleinement ce propos, en tant que membre de la commission des finances, puisque l'on ne peut pas imaginer tout monétiser.

Je pense au rôle de l'engagement associatif, bénévole et volontaire en matière de promotion des pratiques sportives et culturelles, d'aide sociale, de sécurité civile et de secourisme – un thème qui m'est cher puisqu'il fait l'objet de mon second rapport spécial. Je soutiens également l'engagement caritatif ou humanitaire, l'accompagnement scolaire, l'éducation populaire, la transmission des savoir-faire entre les communautés et les générations, ou encore la préservation de l'environnement : tout cela ne serait pas possible sans nos associations et sans l'engagement des bénévoles dans nos territoires.

Je pourrais continuer à dérouler la liste : comme nous le constatons chaque jour dans nos circonscriptions, nos concitoyens bénévoles ont soif d'être utiles, soif d'engagement. Or, précisément, lorsqu'un but fait consensus, lorsque nous applaudissons sur ces bancs une même idée, comme l'engagement, il peut parfois arriver, de manière très paradoxale, que l'on se dise que puisque cela fait consensus, alors c'est automatique. Il n'en est rien ! Nous devons rester vigilants dans notre soutien car les choses ne sont malheureusement pas si simples.

La proposition de résolution dont nous discutons aujourd'hui met en lumière trois leviers de politique publique ayant démontré toute leur pertinence et que le Gouvernement pourrait soutenir davantage : le compte d'engagement citoyen, le fonds d'expérimentation pour la jeunesse et le service national universel.

Premier point, le compte d'engagement citoyen, ou CEC : ce dispositif constitue l'un des trois piliers du compte personnel d'activité. Le CEC est un outil novateur visant à recenser et à valoriser les activités citoyennes, afin de faciliter l'acquisition de droits à la formation. Pourtant, alors qu'il a été mis en place par la loi du 8 août 2016, dite loi El Khomri, le CEC n'est toujours pas opérationnel ; le « printemps de l'évaluation » avait déjà permis de le souligner en 2018. Il y a évidemment un enjeu budgétaire dans la mesure où il importe de redéployer utilement les crédits ouverts d'une année sur l'autre.

Mais, au-delà, le Président de la République appelle à une société de l'engagement. Il est donc plus que nécessaire de franchir le pas en rendant le CEC effectif. Les causes du retard ont été analysées. Elles sont de deux ordres principaux : d'une part, plusieurs modifications législatives en ont rendu la mise en oeuvre plus délicate ; d'autre part, l'existence d'une difficulté technique avec la Caisse des Dépôts, qu'il est plus que nécessaire de résoudre afin de permettre le déploiement du CEC.

Je souhaite saluer la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, la DJEPVA, pour ses travaux. Elle a fait tout ce qu'elle a pu, et même davantage, pour que ce dispositif soit appliqué. Monsieur le secrétaire d'État, je compte donc sur votre soutien pour accompagner cette direction en particulier et les directions départementales, afin que l'engagement soit reconnu et que ce compte d'engagement citoyen devienne une réalité pour les bénévoles dans nos territoires.

Le vote de cette proposition de résolution témoignera de la volonté de la représentation nationale de résoudre trois points : l'inégale accessibilité des formations selon que les droits mobilisés ont été alimentés via des activités bénévoles ou salariées ; l'imparfaite éligibilité des retraités ; et quelques imprécisions restant à clarifier. C'est aujourd'hui une nécessité. Je resterai également extrêmement attentive à la situation particulière de nos sapeurs-pompiers volontaires, à qui j'apporte mon soutien, car eux aussi peuvent recourir au compte d'engagement citoyen.

Deuxième point : le fonds d'expérimentation pour la jeunesse, dit FEJ. Celui-ci est peut-être un peu moins connu, aussi me permettrez-vous de le présenter en quelques mots – c'est le principal thème de mon rapport rédigé dans le cadre du « printemps de l'évaluation ». Le FEJ est un instrument financier mis en place en 2008, en même temps que le revenu de solidarité active, le RSA. En dix ans, ce fonds a permis de financer plus de 959 projets – pratiquement 1 000 ! – et de mobiliser 258 millions d'euros.

Sans le FEJ, il n'est pas exagéré de dire que certaines politiques publiques structurantes n'existeraient pas aujourd'hui. Je pense évidemment à la garantie jeunes, à des pans entiers de programmes de lutte contre le décrochage scolaire, à la « mallette des parents », créée par celui qui est désormais ministre de l'éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, ou encore à « parler bambin », un autre programme ayant fait ses preuves dans les crèches. Le FEJ est adossé à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, dont je salue les équipes et l'ambition scientifique toujours plus exigeante. J'ai auditionné un certain nombre d'associations : il est nécessaire de les accompagner avec ce fonds, dont l'effet d'amorçage permettra de mettre en oeuvre des projets extrêmement ambitieux, portant sur des thèmes pas toujours faciles à défendre, comme l'enjeu de la sexualité en milieu rural ou encore la discrimination.

Toutefois, le FEJ risque de vivre ses dernières heures car ses ressources s'amenuisent les unes après les autres. L'État, dans le contexte que nous connaissons, n'abonde plus ce dispositif depuis plusieurs années. Ainsi, sur les 260 millions d'euros de départ, il ne reste aujourd'hui que 6,79 millions d'euros dans les caisses. L'adoption de cette proposition de résolution enverrait un message très clair à l'exécutif, mais surtout au secteur privé : dans la mesure où il convient d'augmenter les moyens du FEJ, je préconise une grande campagne auprès des fondations d'entreprise et des enseignes de la grande distribution. Avec 10 millions d'euros dans un premier temps, puis une enveloppe annuelle et non définitive de 30 millions d'euros à terme, le FEJ pourrait continuer à valoriser les superbes projets dont le réseau associatif fourmille à destination de notre jeunesse.

Enfin, troisième et dernier point que je souhaite aborder : le service national universel. Je suis une fervente défenseure du SNU et vous m'autoriserez donc à me réjouir du lancement hier de sa préfiguration dans treize départements, dont mon département de la Loire-Atlantique. Les jeunes participants y viennent avec des différences certaines, qui feront la richesse de cette expérimentation. D'importantes leçons pourront en être tirées sur le rôle respectif des forces armées et de sécurité intérieure, notamment grâce à leurs réservistes, dont je salue l'action, des associations d'éducation populaire, de mémoire ou de protection civile, des collectivités territoriales et de l'enseignement secondaire. Elle comporte aussi des enjeux de mixité et de genre. Nous nous réjouirons, espérons-le, de la naissance de « bébés SNU » – non pas juste après, mais quelques années plus tard ! – : cela montrera que le coeur de notre société bat dans sa jeunesse.

Nous nous réjouissons, monsieur le secrétaire d'État, de l'éclairage que vous apporterez à la représentation nationale lorsque le texte législatif nous sera présenté. Pour conclure, par le vote de cette résolution, nous vous proposons de signifier l'attention portée par l'Assemblée nationale au déploiement du compte engagement citoyen, à la sécurisation du fonds d'expérimentation pour la jeunesse et à la montée en puissance du SNU. Parce que l'engagement citoyen dans une société est souvent une lueur d'espoir, parce que l'engagement citoyen dans notre République est la marque qu'il existe un contrat social qui nous lie ensemble, parce que l'engagement citoyen en France montre que notre pays est vivant dans tous ses territoires et dans toutes ses diversités, je vous invite à montrer par votre vote que la représentation nationale accompagne et souhaite amplifier l'engagement citoyen.

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