Cet engagement, nous le devons à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, l'une des grandes lois de notre République, plus que jamais d'actualité puisqu'il se crée chaque année 70 000 nouvelles associations selon l'étude de Recherches et Solidarités. Si, dans leur grande majorité – 85 % d'entre elles – , ces associations reposent sur l'action de leurs seuls bénévoles, ce qui représente tout de même 680 000 équivalents temps plein, le secteur associatif est aussi très dynamique en matière de création d'emplois pérennes et non délocalisables, avec près de 1,8 million de salariés dans près de 163 400 associations, soit 400 000 salariés de plus que dans le secteur des transports ou de la construction. Ce secteur représente 39 milliards d'euros de salaires distribués en 2017 et 10 % des salariés du privé travaillent dans une association.
L'engagement associatif est un atout considérable, mais aussi une spécificité que l'on nous envie dans toute l'Europe. C'est un joyau qu'il faut entretenir, une richesse que nous devons préserver et conforter car elle est fragile. Le monde associatif est aujourd'hui inquiet, et un certain nombre d'évolutions récentes, évoquées dans Le paysage associatif français 2018, qui vous ont été présentées récemment, monsieur le secrétaire d'État, doivent nous alerter collectivement.
Inquiétude pour les ressources financières des associations, tout d'abord : l'étude montre que les financements publics ont pour la première fois baissé en volume entre 2006 et 2017, avec une forte diminution des subventions, qui ne représentent plus que 20 % des ressources des associations, contre 34 % en 2005.
Inquiétude ensuite pour le dynamisme de la générosité publique, indispensable à l'équilibre financier des associations. Selon le baromètre de France Générosités, qui enregistre un tassement du nombre de donateurs, les dons aux associations et fondations sont en baisse significative de 4,2 % en 2018 à la suite des décisions fiscales du Gouvernement sur la CSG et sur l'ISF, alors qu'ils avaient progressé de 9 % entre 2013 et 2017. Les principaux réseaux associatifs ont eu l'occasion de vous alerter sur les conséquences potentiellement désastreuses d'une fragilisation du mécénat du fait de certaines pistes de réformes évoquées dans les rangs de la majorité : nous les avions écartées fin 2018 en commission des finances, mais elles semblent redevenir d'actualité dans le projet de loi de finances pour 2020.
Inquiétude enfin pour l'emploi associatif, qui stagne pour la première fois en 2017, tout comme le nombre d'associations employeuses, conduisant, comme le souligne Viviane Tchernonog, chercheuse au CNRS, à une fragilisation des associations de taille intermédiaire, très ancrées dans nos territoires. Ces inquiétudes sur l'emploi associatif, en particulier pour les associations de taille moyenne, surviennent au moment où les associations sont lourdement affectées par les décisions prises depuis le début du quinquennat : la suppression brutale de 80 % des contrats aidés en trois ans, alors même que la dernière note de la DARES – direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail – souligne un bien meilleur taux de sortie positive vers l'emploi des bénéficiaires de ces contrats – environ 50 % en 2017 – ; la suppression de l'essentiel des aides financières de la réserve parlementaire ; la suppression des projets éducatifs de territoires et des temps d'activité périscolaire sur la semaine, remplacés par le fameux « plan mercredi », qui a du mal à se concrétiser dans nos territoires, avec des conséquences néfastes pour l'emploi dans le secteur de l'animation et de l'éducation populaire.
Dans le même temps, comme le souligne la proposition de résolution du groupe MODEM, le Gouvernement manque d'ambition pour développer les dispositifs de valorisation et de reconnaissance du bénévolat comme le compte d'engagement citoyen, qui permet à tout bénévole accomplissant 200 heures dans une association de bénéficier de 20 heures de formation, mais aussi le congé d'engagement associatif, qui permet à des salariés, s'il y a un accord d'entreprise, de percevoir une rémunération pour six jours pendant lesquels ils se mettent à la disposition de leur association. Ce manque d'ambition sur la communication de ces outils votés il y a trois ans s'accompagne en outre d'un manque d'ambition budgétaire.
Je souhaite avec vous, madame la rapporteure, que les choses aillent plus vite, en particulier pour le fléchage des montants des comptes inactifs des associations vers le fonds de développement de la vie associative, afin que cette disposition, dont nous avons inscrit la perspective dans une proposition de loi récente sur l'engagement associatif, ne se perde pas dans les limbes de l'administration. Le Gouvernement nous doit un rapport, et j'espère que celui-ci interviendra très prochainement.
De même, au moment où s'esquisse le projet sur les retraites et où la piste d'une bonification de trimestres est évoquée pour les aidants familiaux, je souhaite que les bénévoles responsables qui donnent parfois vingt, trente ou quarante ans pour l'intérêt général ne soient pas les oubliés de cette possibilité de majoration, même symbolique.
J'en viens au SNU, qui est plus que jamais d'actualité, son expérimentation commençant aujourd'hui. Cette expérimentation concerne 2000 jeunes volontaires – garçons et filles – de plus de 16 ans dans treize départements pilotes. La première phase de quinze jours dans des centres dédiés est censée constituer « un rite de passage à la citoyenneté », selon les mots du secrétaire d'État Gabriel Attal.
Cet engagement présidentiel part d'une intention louable, mais, dans la pratique, il sera très difficile à généraliser en 2022, et même en 2026. Son coût financier est exorbitant : 1,6 milliard d'euros, qui seraient mieux utilisés pour l'accueil et la réussite des étudiants, qui seront 30 000 de plus par an ces cinq prochaines années.
Gabriel Attal a annoncé la semaine dernière un coût de 4 millions d'euros pour l'expérimentation en 2019, qui seront pris sur le programme 163 « Jeunesse et vie associative ». Au détriment de quelles autres actions, monsieur le secrétaire d'État ? Surtout, si on se projette en 2020, avec 40 000 volontaires attendus, le coût financier atteindrait 80 millions d'euros. Comment ne pas rejoindre ici les inquiétudes de la Cour des comptes sur le risque que ce financement pourrait faire peser sur la montée en puissance du service civique ?
Au lieu de créer avec le SNU une nouvelle obligation « fourre-tout », nous considérons qu'il faut s'appuyer sur l'existant et conforter le parcours de
citoyenneté instauré par la loi Égalité et citoyenneté votée en 2017, avec une étape-clé : le volontariat de service civique.
Ce parcours citoyen prévoit la remise aux collégiens, avec le diplôme national du brevet, d'un livret civique permettant de récapituler les engagements, notamment associatifs, des jeunes ; mais le ministre Blanquer n'a pas souhaité mettre ce dispositif en oeuvre pour l'instant, même s'il s'est dit ouvert – plus que ses services – pour envisager son application en 2021. Pourquoi attendre 16 ans alors que ce parcours citoyen doit démarrer dès le plus jeune âge ? Le SNU favoriserait un brassage social, mais n'est-ce pas le rôle de l'éducation nationale que d'assurer la mixité sociale scolaire ?
Le SNU permettrait de lutter contre le décrochage. Les missions de lutte contre le décrochage scolaire, en lien avec les partenaires de l'éducation nationale, mènent déjà un travail de prévention efficace : le nombre de décrocheurs scolaires est passé de 130 000 à 90 000 en cinq ans grâce à une détection précoce du décrochage, avant 16 ans. Le Gouvernement pense également au SNU pour réaliser des bilans de santé, mais ils sont déjà obligatoires à l'âge de 12 ans dans le cadre de la médecine scolaire, en sixième, et restent à compléter, je vous l'accorde, par un second bilan en classe de troisième, avant 16 ans.
On évoque les gestes de premiers secours et des réflexes en cas de crise, mais leur apprentissage est déjà inscrit noir sur blanc dans le code de l'éducation nationale. Dès l'école, puis au collège, il existe une sensibilisation aux gestes qui sauvent et une formation, notamment par le dispositif PSC1, Prévention et Secours Civique de niveau 1, puis au lycée avec une formation complémentaire. On peut toujours faire mieux, bien évidemment. En ce qui concerne les activités sportives, les élèves du premier et second degré en pratiquent régulièrement à l'école dans le cadre de l'éducation physique et sportive et du sport scolaire.
On le constate, le SNU est redondant avec de nombreux dispositifs existants, que ce soit au sein de l'éducation nationale ou dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté, mais plus encore avec le service civique mis en place depuis huit ans, qui doit encore monter en puissance au-delà des 150 000 jeunes actuels, sans avoir à inventer une nouvelle usine à gaz coûteuse.
Enfin, comment le SNU sera t-il géré par les fonctionnaires des services déconcentrés de l'État, en particulier ceux de la jeunesse et des sports ? Une circulaire du Premier ministre prévoit en effet que ceux-ci seront intégrés au ministère de l'éducation nationale pour exercer certaines missions auprès des recteurs, mais aussi des préfets. Pouvez-vous nous assurer que le SNU sera bien suivi par des fonctionnaires des services déconcentrés de l'État ?
Eu égard à ces réserves sur le SNU, et malgré le fait que la rapporteure pose de très bonnes questions sur le compte d'engagement citoyen et sur le fonds d'expérimentation pour la jeunesse, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra.