Intervention de Raphaël Schellenberger

Réunion du mardi 11 juin 2019 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Le sujet est particulièrement sensible : le découpage effectué à la va-vite en 2015, qui a créé la région Grand Est, a meurtri les Alsaciens. Voir un président de la République se vanter, dans ses écrits, de l'avoir fait avec un crayon et une gomme sur le coin d'un bureau à l'Élysée n'a fait que raviver cette blessure. Les Alsaciens sont particulièrement attachés à leur territoire et fiers d'appartenir à la France après une histoire douloureuse. Leur engagement citoyen est particulièrement fort et a été favorisé par la géographie et la proximité avec l'Allemagne, qui est le partenaire naturel de l'Alsace. La première frontière de l'Alsace étant le Rhin, qui est beaucoup plus simple à franchir que les Vosges, des relations économiques se sont spontanément nouées avec l'Est.

Ce projet de loi est le fruit de l'échec de la réforme territoriale de François Hollande, menée avec le plus grand mépris pour les territoires, ainsi que de celui de la construction des grandes régions, réalisée dans un esprit jusqu'au-boutiste, qui a conduit à un rejet de la grande région par la population. Selon les sondages réalisés en Alsace, 85 % des Alsaciens souhaitent la sortie de la région Grand Est. Le texte n'est pas une réponse à la demande des Alsaciens, mais un compromis. Les Alsaciens désirent, quant à eux, retrouver rapidement une collectivité qui s'émancipe du Grand Est, région qui pose de vrais problèmes en matière de démocratie et d'acceptabilité des politiques. De fait, quand on ne s'identifie pas à une collectivité territoriale, on ne participe plus aux élections, on ne s'intéresse plus aux politiques qui y sont menées, et l'on s'en éloigne progressivement. Cela conduit à des votes de rejet et à un désintérêt de la collectivité, ce qui ne sert ni la citoyenneté, ni la démocratie.

Avec les collectivités territoriales concernées, vous avez élaboré la déclaration de Matignon que vous considérez comme un point d'équilibre. Nous considérons, pour notre part, que ce prétendu équilibre est faussé par les contraintes imposées par le Président de la République et le Premier ministre : pas de sortie du Grand Est, ni de collectivité territoriale à statut particulier, alors que cela aurait été le meilleur moyen de répondre aux besoins de l'Alsace et à une vision moderne de la construction de nos territoires et des collectivités territoriales au XXIe siècle.

L'Alsace a toujours été en avance. Elle a toujours voulu être la figure de proue de la construction régionale, en innovant dans les politiques que la région a menées, sous l'impulsion notamment du regretté Adrien Zeller, que ce soit en matière ferroviaire, de rénovation des lycées ou d'apprentissage. Nombre de politiques qui ont été élaborées en Alsace font aujourd'hui des émules partout en France. En 2013, un projet de fusion des trois collectivités alsaciennes a été rejeté par référendum. Mais 57 % des Alsaciens s'étaient prononcés en faveur d'une collectivité unique, regroupant les deux départements et la région Alsace.

Madame la ministre, plusieurs points ne nous semblent pas satisfaits. La collectivité à statut particulier est une option ouverte dont nous souhaitons discuter. Pour ce qui est des routes, nous souhaitons obtenir davantage de garanties sur l'instauration d'une redevance pour les poids lourds empruntant les axes Nord-Sud. Nous voulons également aller plus loin sur la question du bilinguisme, à l'instar des amendements défendus par le Sénat. La collectivité alsacienne doit pouvoir exercer des compétences en matière d'économie de proximité et les fédérations culturelles, sportives et professionnelles doivent disposer d'une organisation à l'échelle alsacienne qui satisfasse le besoin de proximité inhérent à nos territoires.

Je ne souhaiterais pas que le droit à la différenciation, tel que vous le concevez, serve finalement à réduire la capacité d'innovation des territoires et à centraliser la décentralisation, en restreignant le nombre des cas susceptibles d'en bénéficier, quand nous souhaitons les multiplier. C'est pourquoi nous demandons avant tout une collectivité à statut particulier.

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