M. Eliaou m'a interrogée sur la différenciation. Elle sera encadrée, en effet. Conformément à ce que prévoit actuellement la Constitution, la différenciation pourra signifier deux choses. Tout d'abord, un niveau de collectivité territoriale pourra exercer, avec l'accord des autres niveaux, des compétences qui ne sont pas les siennes à l'origine. Prenons l'exemple des départements et des régions : les uns construisent des collèges et les autres des lycées. On peut très bien imaginer qu'un collège et un lycée soient construits par un même niveau de collectivité, lorsque les sites sont identiques, par exemple. Autre possibilité de différenciation, une politique pourrait être appliquée différemment selon les territoires, en raison de leur diversité – d'une manière encadrée, naturellement. Je crois que c'est très important, car cela permettra de donner de la souplesse en matière de gestion mais aussi en termes de décentralisation.
La décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 2001 précise, Monsieur Hetzel, que « l'usage d'une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves des établissements de l'enseignement public ». Il y a eu un émoi considérable, en particulier du côté des Basques, lorsque je l'ai rappelé au Sénat, en séance publique, mais c'est ce que dit la décision du Conseil constitutionnel. Par ailleurs, cela n'empêche pas un enseignement immersif – cela existe au Pays basque, en Bretagne et en Corse – dans le cadre d'une expérimentation. L'amendement adopté au Sénat en ce qui concerne l'enseignement immersif est trop imprécis et il comporte un risque constitutionnel. Les autres éléments ajoutés par le Sénat, notamment au sujet de la formation des enseignants ne sont pas prévus par l'accord de Matignon, et il n'y a donc pas lieu de les conserver. Par ailleurs, cela correspond à une compétence du ministère de l'Éducation nationale.
Je serai là, monsieur Mendes, pour les projets concernant d'autres territoires français, y compris ceux des transfrontaliers. On ne peut pas imaginer que d'autres départements ne soient pas concernés par la dimension transfrontalière – le traité d'Aix-la-Chapelle le prévoit d'ailleurs. La preuve est que nous avons déjà signé des accords avec le Luxembourg à propos des transports du quotidien. Nous serons présents s'il y a des projets – il ne suffit pas de coller une étiquette, si vous voyez ce que je veux dire.
Une action de la Collectivité européenne d'Alsace en matière de santé est prévue par l'accord de Matignon, monsieur Fuchs. Il n'est donc pas impossible d'envisager une disposition en la matière dans le projet de loi. Le Sénat a souhaité expliciter la compétence exercée dans le domaine sanitaire, mais ce qu'il a adopté est vraiment trop imprécis. Si une mention doit demeurer dans le texte, il faudra la réécrire. Je vous suggère de vous rapprocher de mes services afin d'aboutir à une rédaction qui tiendrait solidement la route.
Je rappelle aussi que nous avons décidé, avec le ministère de l'Éducation nationale, de créer un pôle d'excellence en matière de plurilinguisme. La décision a été prise par Jean-Michel Blanquer. Elle n'a pas vocation à figurer dans la loi, mais elle est tout à fait effective. Nous avons même obtenu que l'on revoie la grille de rémunération pour faciliter l'embauche de locuteurs parlant allemand et venant de l'autre côté de la frontière. Cela ne figure pas non plus dans le texte, car ce n'est pas de niveau législatif.
Les fonds européens sont désormais gérés par les régions, même s'il y a encore des choses à négocier au niveau du Gouvernement en ce qui concerne les fonds agricoles. Je sais, par ailleurs, que la Collectivité européenne d'Alsace discute actuellement de la possibilité de gérer à son niveau certains fonds, comme le Fonds social européen (FSE). Tout cela est en cours de négociation.
Pour ce qui est des organisations sportives et des fédérations professionnelles, qui vous tiennent particulièrement à coeur, Monsieur Straumann, je le sais, vous avez rappelé que M. Valls a favorisé une expérimentation régionale. Ce qui a été fait dans un sens sur le plan réglementaire peut être refait dans l'autre sens : on peut demander aux fédérations de s'organiser autrement, si elles le veulent – on ne peut rien leur imposer.
En ce qui concerne le siège de la collectivité, je rappelle qu'il y aura toujours deux départements administratifs – c'est ce que les Alsaciens ont demandé –, comme en Corse. L'État s'y est engagé. Strasbourg est le chef-lieu du Bas-Rhin et Colmar celui du Haut-Rhin. La loi ne change rien sur ce point. La collectivité, quand elle existera, en 2021, pourra décider librement quel est son chef-lieu.
Merci, monsieur Cattin, pour votre intervention chaleureuse et amicale. (Sourires.) Vous m'avez dit qu'il faut être né et habiter en Alsace pour comprendre… Lorsque je me suis présentée pour la première fois aux élections dans ma commune, j'ai reçu des tracts affirmant que je ne serais jamais élue maire car je ne suis pas « née native » de La Chaussée-Saint-Victor – on dit ça chez moi. Mais je connais votre sens de l'hospitalité : vous m'accueillez toujours avec beaucoup de gentillesse, et je me sens donc presque alsacienne.