Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 12 juin 2019 à 9h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Nous sommes tous d'accord : la menace terroriste couplée aux manifestations hebdomadaires des derniers mois a mis à rude épreuve les forces de l'ordre, dont il convient, avant tout, de saluer l'engagement dans ce contexte particulièrement lourd. Pour autant, nous ne sommes pas sûrs qu'il faille une énième loi sécuritaire. Nous estimons que, depuis le début du quinquennat, il y a eu suffisamment de lois dans ce domaine : loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ; loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ; loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. C'est pourquoi, de manière générale, nous ne soutenons pas votre proposition de loi.

Plusieurs de ses dispositifs ne sont pas en adéquation avec notre vision de la sécurité, de la prévention et des solutions pénales, mais également avec la séparation des fonctions entre les différents services de police. Si nous convenons que les heures supplémentaires des fonctionnaires de police doivent être payées, pourquoi limiter le dispositif aux seules forces de l'ordre, sans l'étendre à tous les fonctionnaires, qui sont nombreux à s'investir au-delà du temps de travail légal ? Des concessions ont été faites au mois de décembre dernier aux salariés du privé, alors que rien n'a été décidé pour les fonctionnaires. Il serait peut-être temps de penser à réparer cette injustice.

Instaurée dans le droit français par la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite de substances vénéneuses, l'interdiction du territoire visait à l'origine, comme chacun sait, les étrangers condamnés pour les infractions les plus graves à la législation sur les stupéfiants, avant de voir son champ d'application progressivement étendu à quelque deux cents infractions définies par le code pénal : atteintes aux personnes, atteintes aux biens commises avec violence, atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation. Cette peine discriminatoire peut être qualifiée de double peine pour la personne condamnée. Si nos voisins européens ont le même cadre législatif que le nôtre concernant l'expulsion des étrangers, il ne nous semble pas utile de durcir nos dispositifs de sanction qui ne préviendraient en rien les atteintes évoquées.

La suppression de l'excuse de minorité pour les mineurs de seize à dix-huit ans nous semble incohérente. Elle doit s'appliquer, pour nous, à tous les mineurs, que le délit ou le crime soit commis à l'encontre des forces de l'ordre ou non.

Concernant les mesures relatives à la police municipale, l'institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Île-de-France observe, par exemple, dans une note datée de janvier 2019, que sur les 21 500 policiers municipaux recensés à la fin de l'année 2016, 84 % étaient armés et que 44 % d'entre eux étaient équipés d'armes à feu contre 39 % à la fin 2015. Cet équipement auparavant réservé à la police nationale dote déjà la police municipale de moyens conséquents que doivent par ailleurs supporter les budgets des municipalités. Si police municipale et police nationale sont deux entités distinctes, ce n'est pas, selon nous, pour en effacer toutes les frontières, chacune ayant un rôle précis différent de l'autre. En proposant de conférer de nouvelles attributions aux policiers municipaux, il nous semble que la proposition de loi vise en fait à opérer progressivement une fusion des deux corps. Or les formations ne sont pas les mêmes, et les concours d'entrée sont également différents.

Enfin, aucune proposition stable permettant de compenser l'augmentation budgétaire évoquée, même si elle est louable, ne nous est proposée.

Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et territoires émettra un avis défavorable sur cette proposition de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.