Je voudrais remercier les orateurs des différents groupes qui se sont exprimés, et qui, à quelques exceptions près, ont souligné la pertinence et la nécessité collective de se retrouver sur ces sujets.
On peut considérer que chaque gouvernement ou chaque groupe a une filiation avec une majorité passée ou présente, soutenir que l'on détient la vérité, estimer que ce qu'on a fait est formidable, et que ce qu'ont fait ses prédécesseurs est lamentable... Il serait temps de sortir de ce cadre quelque peu binaire et, pardonnez-moi monsieur Houlié, un peu simpliste.
Nous avons un devoir : la situation est grave. Je me suis attaché à mettre en perspective les cinquante dernières années au cours desquelles l'effort de protection a été divisé par deux. Ce constat s'impose à tous et implique tout le monde. Je reconnais bien volontiers la responsabilité de chacun et de tous dans l'affaiblissement de ces moyens de protection, y compris la nôtre lorsque nous-mêmes étions dans la majorité, même si l'on peut mettre à son crédit des efforts importants : la méthodologie que je propose aujourd'hui reprend celle des lois d'orientation et de programmation voulues par Nicolas Sarkozy : la LOPSI de 2002, qui prévoyait plus de 2,5 milliards d'euros de programmation, et la LOPPSI 2 en 2011, avec 2,5 milliards d'euros. Mais les efforts n'ont pas été à la hauteur de l'évolution des menaces, quand bien même les différents gouvernements ont entrepris de recalibrer les moyens dans des proportions très importantes après les attentats de 2015, et Bernard Cazeneuve n'a pas fait exception.
Il est grand temps de sortir la sécurité d'un cadre qui a toujours été contradictoire et polémique, pour en faire une priorité nationale. Dans certains pays, on observe un consensus sur l'ambition de sécurité. Chez nous, pendant des années, pour des raisons idéologiques, nous avons entretenu de longs débats ; ainsi la vidéosurveillance, devenue vidéoprotection, au cours de la législature 2007-2012, avait fait apparaître des clivages très importants : ils ont été abolis, et c'est heureux. Les exemples de ce type sont légion. Aujourd'hui, nous pouvons nous accorder sur le déficit de moyens ; nous l'avons tous dit en intervenant, et chacun a fait référence à des exemples très concrets, dans sa circonscription, de commissariats vétustes, de véhicules obsolètes, de gendarmeries indignes d'héberger les militaires comme d'accueillir du public.
Face à ce déficit de moyens, nous savons que les menaces se sont considérablement accrues. C'est pourquoi notre devoir, en tout cas la méthodologie que nous vous proposons consiste à établir une véritable programmation pour les six années à venir, au lieu de gérer au cas par cas, de chercher après chaque drame des moyens et des recrutements supplémentaires. Cela vaut pour la sécurité mais, comme je l'ai dit en préambule de mon intervention, je considère qu'il serait nécessaire de globaliser la sécurité et la justice dans la mesure où il existe naturellement un continuum de la sécurité. On nous parle de surpopulation carcérale record ; c'est surtout à une sous-capacité carcérale record qu'il faut remédier. Là aussi, une programmation est nécessaire pour assurer la sécurité.
Voilà ce que globalement je vous propose. Je veux à ce propos sincèrement remercier Alice Thourot et Guillaume Vuilletet, orateurs de la majorité, qui ne contestent pas cette problématique et nous présentent une perspective intéressante : un livre blanc et une loi de programmation, annoncée pour 2020 ; mais cela signifie qu'elle sera promulguée à la fin de l'année 2020 et ne sera vraisemblablement appliquée qu'à la fin de cette législature… Autrement dit, beaucoup de temps aura été perdu. Alors que si nous approuvions collectivement cette proposition de loi d'orientation et de programmation, au-delà d'un vote législatif engageant une programmation budgétaire, nous émettrions un véritable signe concret de soutien et bien entendu de reconnaissance. Mais, au-delà de la reconnaissance qui s'exprime par les mots, ce que chacun a fait ici légitimement, que nous devons naturellement à ceux qui protègent la nation et nous-mêmes, nous l'exprimerions de façon bien plus pertinente si elle se traduisait concrètement.
Sur le reste de vos interventions enfin, je comprends qu'il puisse y avoir des débats plus classiques sur les mesures de protection que je propose, notamment les peines minimales. Ce sont des sujets récurrents, sur lesquels nous aurons peut-être un peu plus de mal à nous accorder, mais je vous propose d'en reparler à l'occasion de l'examen des articles.