Nous partageons tous le même constat : la couverture numérique à très haut débit en France est insuffisante et inégalitaire entre les territoires. Il est donc urgent d'accélérer son déploiement, notamment en zone rurale, insulaire et de montagne.
Le plan « France très haut débit », lancé en 2013, prévoyait de couvrir l'ensemble du territoire d'ici 2022. Les enjeux étaient multiples : développer les services publics via internet ; permettre à toutes les entreprises, quel que soit leur lieu d'implantation, de bénéficier de la révolution numérique ; permettre à tous les foyers d'avoir accès aux bénéfices multiples de l'internet à très haut débit. Six ans plus tard, nous ne pouvons que constater l'échec de ce plan. Si les zones urbaines sont désormais presque totalement couvertes par le réseau rapide, de nombreuses zones restent des déserts numériques, ce qui nuit évidemment à leur attractivité. Ainsi, à Denain, la ville où je suis élu, un grand nombre d'habitations ne sont même pas éligibles à l'installation de la fibre optique, à défaut de réseau installé. En janvier 2017, un rapport de la Cour des comptes mettait en évidence des résultats très largement en deçà des ambitions initiales. Le rapport alertait les pouvoirs publics sur cette situation alarmante et envisageait une échéance du plan en 2030, avec près d'une décennie de retard sur le calendrier prévu.
L'insuffisance de cofinancement privé a accentué le retard déjà important. Les trois opérateurs principaux rechignent à cofinancer des investissements importants pour étendre la couverture numérique aux zones rurales, dans lesquelles ils estiment le retour sur investissement plus aléatoire que dans les territoires urbains. Il faut rappeler que les opérateurs privés doivent tout à l'État, qui leur a attribué l'exploitation des réseaux. Cette insuffisance de cofinancement privé pourrait conduire à revoir très largement à la hausse les investissements publics nécessaires. Ce n'est pas 20 milliards d'euros que le plan coûtera à la nation, mais 35 milliards d'euros, soit 75 % de plus. La Cour des comptes estime que, pour pallier l'insuffisance des investissements privés, un concours des collectivités territoriales à hauteur de 6,5 milliards d'euros jusqu'en 2022 sera nécessaire. Les petites communes se retrouvent pourtant trop souvent dans l'impossibilité de financer l'installation d'un réseau à très haut débit.
La France ne rattrape pas son retard par rapport aux autres pays européens. En 2015, nous occupions le vingt-sixième rang des vingt-huit États de l'Union européenne pour l'accès aux réseaux à très haut débit. Depuis lors, la situation ne s'est améliorée qu'à la marge. Depuis 2017, le Gouvernement ne finance plus les réseaux d'initiative publique, aggravant encore la fracture numérique entre les territoires urbains et les territoires ruraux, et reléguant 43 % de la population française du mauvais côté de cette fracture numérique. Cette situation dramatique fragilise encore davantage des territoires où l'offre de services publics est déjà largement dégradée. L'absence de couverture haut débit freine l'installation de nouveaux habitants et constitue un repoussoir pour toute nouvelle installation d'entreprise. Dans certains territoires du Nord comme à Denain, par exemple, l'accès aux réseaux à très haut débit permettrait pourtant de développer l'activité économique.
Face à l'inertie des opérateurs privés, les pouvoirs publics doivent être plus exigeants et ne pas se contenter de promesses ou d'engagements non suivis. Les audits préliminaires doivent être renforcés, des bilans d'étape exigeants et des sanctions financières en cas de défaillance doivent être prévus. Il est de la responsabilité de l'État d'accompagner certaines collectivités territoriales qui manquent de moyens budgétaires et humains pour contrôler la construction et la bonne exploitation des réseaux numériques dans leur territoire. Enfin, puisque les grandes métropoles sont déjà couvertes à 100 % par le réseau à très haut débit et que les opérateurs privés rechignent à investir dans les zones périphériques, l'État doit imaginer et développer des systèmes compensatoires de financement à destination des zones non couvertes. Il s'agit de repenser l'ensemble des politiques publiques pour permettre des transferts financiers entre les grandes métropoles et les zones périphériques.
Cette proposition de résolution constitue un énième avertissement bienvenu contre le péril qu'il y a à exclure de fait de nombreux Français de la révolution numérique en cours. Mais le temps des évaluations et des recommandations est passé. Il nous faut désormais agir efficacement en imaginant des nouvelles sources de financement. Si ces départements et ces villes manquent le virage de la révolution numérique, nous mettrons en péril leur attractivité économique et démographique, mais également, à terme, la cohésion de tout le pays.