Si j'ai bien compris votre question, Monsieur Gassilloud, vous m'interrogez sur le lien entre le recrutement de nos officiers ‒ quelle que soit leur voie de recrutement ‒ et le déploiement de SCORPION. C'est une question pertinente, car la guerre de demain crée de nouveaux besoins de compétences, notamment dans le domaine de l'espace, de la cybernétique ou du renseignement. Ce sont là des compétences d'importance majeure, que nous devons avoir à l'esprit dans nos politiques de recrutement. Le modèle de recrutement généraliste, celui de ma génération, n'est certainement pas celui de demain. Pour l'heure, dans les spécialités que j'évoquais, nous recrutons beaucoup d'officiers sous contrat, tout l'enjeu consistant à conserver ces spécialistes aussi longtemps que nous en avons besoin. En effet, je ne crois pas que ce soit à l'armée de terre de former des spécialistes dans certaines matières, comme la cybernétique et, qu'à ce titre, un recrutement sous contrat pour une durée donnée me paraît pertinent. C'est dans ce sens qu'évolue le mode de recrutement des officiers et qu'il continuera à évoluer, c'est-à-dire que cette évolution est moins déterminée par les règles de gestion des personnels que par les besoins de l'armée de terre.
Monsieur Larsonneur, les moyens de l'armée de terre sont calibrés de façon à lui permettre d'être engagée sur trois théâtres d'opération ; or elle est aujourd'hui déployée sur quatre théâtres, ce qui représente davantage que son contrat opérationnel. Dès lors, il est bien évident que l'armée de terre ne pourrait pas, du jour au lendemain, être immédiatement engagée dans une opération majeure de plus. En revanche, si elle devait se projeter sur un nouveau théâtre d'engagement majeur, moyennant le retrait de l'un de ses théâtres d'opération actuels, il ne fait aucun doute qu'elle le pourrait.
S'agissant du « modèle 2025 » défini pour la chaîne de maintien en condition opérationnelle, les besoins exprimés par l'armée de terre, en matière de maintenance des matériels terrestres comme en matière de maintenance des matériels aéronautiques, sont satisfaits, et ils le seront largement. Concernant par exemple l'entretien programmé des matériels aéronautiques, un effort d'un milliard d'euros a été fait au titre du PLF2019 en autorisation d'engagement pour permettre la notification des nouveaux contrats pluri annuels. Les conditions sont donc réunies pour permettre à nos équipages d'effectuer le nombre d'heures de vol que l'on attend d'eux ; la balle, une fois de plus, est dans le camp des industriels.
Monsieur de la Verpillière, pour tout vous dire, la remarque que vous faites sur le Griffon et le Jaguar, je me suis fait exactement la même il y a une quinzaine d'années en voyant le VBCI pour la première fois : j'avais dans l'esprit les rues étroites de Bangui et doutais qu'il puisse y manoeuvrer. Pourtant, j'ai été moi-même surpris par les remarquables capacités de manoeuvrabilité de ces véhicules. Vous avez pu le voir vous-même lors de la démonstration que vous évoquiez : ils sont capables de faire le tour d'un arbre avec bien davantage d'agilité qu'un poids lourd de même gabarit.
En somme, je crois que dans l'architecture de nos engins blindés, il faut privilégier la protection, l'autonomie, la puissance de feu, la mobilité et la vitesse. Or, aujourd'hui, pour résoudre cette équation, on ne saurait faire mieux qu'un Griffon, un VBCI ou un Jaguar, modèles qui nous donnent tous pleine satisfaction. Certes, s'il fallait faire la guerre dans les sous-bois, mieux vaudrait débarquer… Mais tel a d'ailleurs toujours été le cas. Et puis, lorsque cela est possible, il est tout de même préférable de ne pas écraser purement et simplement des hectares entiers de forêts, sauf à ce que l'on veuille en revenir aux temps du corps blindé mécanisé, où l'on n'avait guère de scrupule…