J'ai employé en 2014, lors de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, pour lequel j'étais l'orateur du groupe Les Républicains, l'expression de « trahison énergétique ». Force est de constater que le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à notre examen ne revient pas sur cet état de fait. Ce texte repousse de 2025 à 2035 la réduction de la part du nucléaire à 50 % de la production électrique. Nous avions affirmé en 2015 que l'objectif fixé par la loi était inatteignable et incompatible avec la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Nous avions prophétisé qu'il faudrait une nouvelle loi, et nous avions manifestement raison. L'article 1er du présent texte est là pour le prouver. Néanmoins, vous ne renoncez pas à l'objectif.
Ce projet de loi va aussi déterminer, en creux, l'avenir d'EDF. Nous sommes à la croisée des chemins : allons-nous décider de détruire un grand groupe national en maintenant un système, l'ARENH, qui permet à des fournisseurs alternatifs de survivre sur le dos d'EDF au nom de la sacro-sainte concurrence, ou bien allons-nous tirer les conclusions de 10 années de fonctionnement de ce système en considérant, enfin, que la mise en concurrence à tout prix dans le secteur de l'énergie n'est pas compatible avec la maîtrise des coûts ? Il va falloir choisir si le nucléaire est une poule aux oeufs d'or ou un baudet sur lequel on crie haro.
L'examen de ce texte sera l'occasion de mettre en avant les marqueurs du projet des Républicains pour l'avenir énergétique de notre pays, qui sont la préservation de l'excellence nucléaire française et le souci de renforcer la position des énergies alternatives – hydrogène, biocarburants, biogaz – dans notre mix énergétique, face au projet de tout électrique qui est soutenu par le Gouvernement, notamment dans le domaine des mobilités.
Nous ne pouvons que regretter le calendrier d'examen de ce projet de loi. En effet, je préside actuellement une commission d'enquête, dont je vois que beaucoup de membres sont ici présents, sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique. Cette commission d'enquête a mené de nombreuses auditions, très instructives, et elle continuera à le faire. Je suis convaincu que nos conclusions, qui seront adoptées fin juillet, auraient pu éclairer utilement la Représentation nationale et le Gouvernement sur la voie à suivre en ce qui concerne la politique énergétique. Je vais devoir vous quitter bientôt pour présider cette commission d'enquête, et je ne pourrai peut-être pas entendre la réponse du ministre. Mais rassurez-vous : je reviendrai. (Sourires.)
Le groupe Les Républicains considère que s'il est nécessaire de se fixer des objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce n'est pas compatible avec la volonté de démanteler à tout prix toute une filière qui est aujourd'hui la source d'une production électrique décarbonée.
Vous avez évoqué, Monsieur le ministre, les travaux du centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA). Nous sommes revenus aux émissions qui étaient celles de 2015, ce qui veut dire que nous n'avons réalisé strictement aucun progrès depuis la loi de transition énergétique. Vous vous êtes félicité d'une baisse de 4 % des émissions. Or je suis allé regarder l'étude en question : en réalité, c'est grâce à un hiver doux qu'il y a eu une baisse de 6,8 % dans le secteur résidentiel et tertiaire, et la baisse des livraisons de diesel a également alimenté la réduction des émissions de CO2. Malheureusement, ce n'est donc pas votre politique qui a conduit à la baisse de 4 % des émissions de CO2.
Afin d'apporter une clarification, nous proposerons de remplacer l'objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique par un objectif de décarbonation de la production. Il s'agit d'être clair avec les Français : notre véritable objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre et non de démanteler l'industrie nucléaire, qui est décarbonée. Dans le domaine de l'éolien, parce que nous croyons que les pouvoirs publics et les promoteurs avancent à marche forcée, contre la volonté des citoyens, nous avons déposé un certain nombre d'amendements dont une partie a malheureusement été écartée au titre de l'article 45 de la Constitution. Je crois que c'est une erreur, car ils avaient un impact direct sur le potentiel économique. Lorsqu'on dit, par exemple, que les éoliennes doivent être situées à une certaine distance des habitations, cela réduit de facto leur potentiel de déploiement. Nous insistons par ailleurs sur l'hydroélectrique, qui est en réalité le noeud stratégique pour redémarrer notre système électrique en cas de black-out.
Parce que la politique de transition énergétique mobilise des dizaines de milliards d'euros et qu'elle engage l'avenir de notre pays selon des scénarii qui peuvent profondément changer nos modes de vie, nous considérons que le Parlement devrait être davantage associé aux prises de décision en la matière. Aussi, nous proposons que la programmation pluriannuelle de l'énergie n'ait plus un caractère réglementaire mais qu'elle soit discutée au Parlement et adoptée par lui.
Le rapporteur ayant cité La Rochefoucauld, je vais le faire à mon tour : « Nous ne trouvons guère de gens de bon sens que ceux qui sont de notre avis ». J'espère que vous vous rangerez, parfois, au nôtre. Les Républicains réaffirmeront tout au long de l'examen de ce texte une vision claire pour la politique énergétique et environnementale de la France. La transition énergétique, oui ! la trahison énergétique, non !