Vous avez pointé le déséquilibre entre les efforts budgétaires et financiers qui bénéficient à Paris et à la région parisienne, d'une part, et aux autres régions de France, d'autre part. C'est une réalité, c'est le fruit de l'histoire et de la centralité parisienne. Mais cela s'explique aussi par le fait que certains des opérateurs présents à Paris ont un rayonnement national.
L'ONP en est le plus bel exemple. Faut-il que l'État se désengage, alors même que les opéras de dimension européenne ou mondiale nécessitent des budgets considérables ? Ne serait-il pas au contraire souhaitable de rechercher des ressources supplémentaires pour l'Opéra de Paris ? C'est ma conviction, et c'est du reste ce qui se passe depuis quelques années. En effet, sur un budget de 230 millions d'euros, l'État ne contribue qu'à hauteur de 100 millions, dont 97 millions de subventions – je reviendrai sur la question des investissements. L'ONP perçoit 73 millions d'euros grâce à la billetterie et 18 millions d'euros grâce au mécénat, ce qui représente 56 % d'autofinancement. Il a fait un effort considérable, bien supérieur à celui qu'ont pu faire d'autres opéras dans le monde.
La question se pose effectivement de la participation de la Ville de Paris au financement de l'Opéra, et j'aborderai ce sujet avec les équipes de la maire de Paris. L'État investit actuellement dans un très beau projet, l'opération tiroir entre la Cité du théâtre et l'ONP, et nous aurions besoin que la Ville de Paris accentue son effort en faveur de l'Opéra de Paris. Il y aurait un sens à ce que la Ville de Paris, avec qui j'ai d'ailleurs de bonnes relations, contribue à financer, avec l'État, des grands opérateurs de ce type.
Cela dit, nous avons aussi fait le choix que certains grands opérateurs nationaux soient gérés et pilotés par l'État. Si, demain, des subventions venaient aussi de la Ville de Paris, cela nécessiterait une modification de la gouvernance, puisqu'il est normal que l'on ait un pouvoir de décision, dès lors qu'on paye. Nous devrons mettre tout cela sur la table, tout en veillant à préserver le leadership de l'Opéra de Paris en Europe.
L'opération tiroir, que j'ai déjà évoquée, est un projet qui a été lancé il y a plusieurs mois, avant que je ne devienne ministre de la culture. La décision a été prise de construire une Cité du théâtre à Berthier, associant le théâtre de l'Odéon, la Comédie-Française et le Conservatoire national d'art dramatique. Ce projet nécessite que les ateliers de l'Opéra de Paris quittent Berthier pour s'installer à Bastille. L'idée est de profiter de ce transfert pour réaliser une deuxième scène à Bastille, qui sera la troisième de l'ONP. Elle permettra de proposer davantage de productions, et donc de ressources, et elle sera aussi un espace de répétition. Cette opération était lancée lorsque je suis arrivé et il était nécessaire de la financer : c'est la raison pour laquelle nous lui avons consacré des crédits d'investissement relativement importants. Je crois que nous pouvons vraiment être fiers de cette opération, pour Berthier et pour l'Opéra Bastille.
Les contrats d'objectifs et de performance font toujours l'objet d'une discussion avec les opérateurs, et c'est normal. S'agissant de la Comédie-Française, le contrat va être approuvé en conseil d'administration. Ce sont des outils de performance et de pilotage stratégique qui nécessitent des discussions, à la fois avec les représentants de ces différents opérateurs et en interne. Il est vrai que cela a pris un peu plus de temps que prévu, mais nos relations avec la Comédie-Française sont très bonnes.
Plus largement, je crois que nous devons aussi repenser les relations entre le ministère de la culture – donc l'État – et les opérateurs dont il a la tutelle. Il faut moderniser cette tutelle, abandonner le micromanagement et la gestion au quotidien pour passer à une forme de pilotage stratégique et d'évaluation à plus long terme – ce qui n'empêche effectivement pas d'être exigeant, monsieur le rapporteur général.
Vous m'avez interrogé aussi sur la réserve de précaution. Nous avons besoin de cette réserve pour financer des opérations essentielles, notamment dans le domaine de la création artistique. Cela dit, j'ai bien entendu vos remarques et nous en tiendrons compte dans le budget pour 2020 et les suivants. Pour 2019, en tout cas, il est important que nous obtenions le dégel de cette réserve pour financer un certain nombre d'opérations.
Le FONPEPS, vous le savez, est le fruit de la négociation qui a eu lieu en 2016 au sujet du régime d'assurance chômage des intermittents. Il traduit la volonté de l'État de lutter contre la précarité de certains emplois dans les secteurs du spectacle et de l'audiovisuel et je pense qu'il s'agit d'un bon dispositif. Il a été évalué, au départ, à un niveau qui s'est finalement révélé supérieur aux besoins. Cela s'explique notamment par la complexité du dispositif : les entreprises ont eu des difficultés à utiliser les fonds qui étaient à leur disposition. Nous avons retravaillé le dispositif et augmenté, dès cette année, le montant mobilisé pour le FONPEPS. Nous verrons si cela correspond aux estimations que nous avions faites pour l'année 2019. Ce qui est certain, c'est que nous voulons continuer à soutenir les entreprises qui luttent contre la permittence et qui s'engagent à pérenniser les emplois, sous forme de contrats à durée indéterminée.
J'en viens à la question des bourses. Nous avons aujourd'hui 31 % d'étudiants boursiers dans le périmètre du ministère de la culture, ce qui est considérable. Cela témoigne du volontarisme de l'État. Ces bourses sont un véritable levier de diversification des profils des étudiants. Nous avons dû faire un réajustement de la dotation en 2018, ce qui n'a pas causé de préjudice aux étudiants de l'enseignement supérieur de la culture. Nous continuerons de veiller à ce que les budgets correspondent bien aux besoins, dans un souci de sincérité budgétaire, mais aussi pour continuer à mener une politique ambitieuse en la matière.
Monsieur le rapporteur général, je reconnais qu'il peut être hasardeux de créer des crédits d'impôt en séance sans évaluation préalable, mais il est tout aussi hasardeux de les supprimer de cette manière.
Je tiens vraiment à remercier les commissaires aux finances et M. le rapporteur général, car j'apprécie la manière dont nous travaillons ensemble sur ces crédits d'impôt et, plus largement, sur les dépenses fiscales et le mécénat, dont nous reparlerons prochainement. Ma philosophie est claire et elle vaut pour les dépenses fiscales, comme pour toutes les politiques publiques que nous conduisons. Les politiques publiques doivent être évaluées en toute transparence et il faut accepter qu'elles puissent être modifiées, dans un sens ou dans l'autre, afin qu'elles soient efficaces et qu'elles s'inscrivent dans le cadre de budgets maîtrisés et pilotés. C'est la raison pour laquelle, sur la question du spectacle vivant musical – et de la musique, plus largement – l'une des missions du Centre national de la musique sera de se muscler sur le plan du pilotage, du suivi, de l'évaluation et de la redéfinition des dépenses fiscales, notamment des crédits d'impôt.
Vous pouvez compter sur moi. J'ai bien l'intention d'être constructif, afin de bâtir avec vous de belles politiques publiques. Nous pouvons être fiers des crédits d'impôt sur l'audiovisuel et le spectacle vivant : ils sont utiles et permettent vraiment d'accompagner des talents émergents et de maintenir des productions en France, notamment dans l'audiovisuel et le cinéma. Les résultats sont clairement positifs, mais nous pouvons toujours les améliorer. Je sais que certains parlementaires y travaillent – je pense notamment à Mme Émilie Cariou, ici présente. Il est important que nous puissions, en toute transparence, travailler ensemble et avancer, pour rendre cette politique encore plus efficace demain, même à budget constant.