Le programme Patrimoines, avec ses 900 millions d'euros pour 2018, a été exécuté correctement. Je le souligne car c'est la première fois depuis bien longtemps. Par chance, la polémique sur la fiscalité du loto du patrimoine a permis d'obtenir le dégel de la totalité de la réserve de précaution, soit 21 millions d'euros. Il faudra trouver un autre moyen pour y parvenir l'année prochaine.
Par ailleurs, au sein du programme, les 300 millions d'euros de crédits d'entretien et de restauration des monuments historiques ont pu être bien protégés alors que les années précédentes, ils servaient de variables d'ajustement pour financer l'archéologie ou d'autres actions au sein du même programme. Cette enveloppe de 300 millions d'euros constitue, à mon avis, un minimum en–dessous duquel il ne faut pas descendre.
Les restes à payer sur le programme atteignent près de 650 millions d'euros, alors que se poursuivent des schémas d'investissement importants, entre le Grand Palais, le Quadrilatère Richelieu, Versailles, Fontainebleau, Villers-Cotterêts et bientôt le Centre Pompidou. Je souhaiterais que le ministère se livre à un travail d'élaboration d'une programmation pluriannuelle sur dix ans comprenant les investissements consolidés entre l'État et les différents opérateurs. Pour l'heure, on ne sait pas du tout où l'on va et le financement risque de se trouver dans une impasse.
Heureusement, grâce à la souscription nationale, la reconstruction de Notre-Dame ne pèsera pas sur le budget de cette mission. Cet événement m'a conduit à examiner de plus près le financement de l'entretien et de la restauration des quatre-vingt-sept cathédrales dont l'État est propriétaire, les autres étant propriété de collectivités locales, dont celle de Laon, qui est absolument magnifique et que l'État doit aussi aider.
Seuls 30 à 40 millions d'euros par an y sont consacrés, soit 500 000 euros en moyenne par an et par cathédrale – je remercie les services du ministère de m'avoir communiqué ces chiffres car les cathédrales ne font pas l'objet d'un suivi spécifique dans les documents budgétaires. Certaines sont en bon état, d'autres dans un état pitoyable. Deux sont partiellement en péril. La programmation est déconcentrée au niveau des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) – ce qui est une bonne chose – mais il existe de fortes disparités, difficiles à s'expliquer. Tout en conservant l'intérêt de la déconcentration, ne pourrait-on mettre en place un programme spécifiquement consacré à l'entretien et à la restauration des cathédrales ? Ne faudrait-il pas, par ailleurs, aller chercher un peu d'argent par le biais du mécénat, à l'instar de ce qui s'est fait pour Notre-Dame ?
Par ailleurs, bien qu'élu du Val-de-Marne, je suis, comme ma collègue Dominique David, très sensible à l'hyperconcentration des crédits dans la région parisienne et sur les grands opérateurs. Je suis persuadé que le patrimoine peut jouer un rôle essentiel dans la lutte contre la fracture territoriale. Je pense en particulier à la place qu'il pourrait prendre dans la politique prioritaire dite des « coeurs de ville » avec les 222 villes ciblées par le programme « Action coeur de ville » et l'expérimentation lancée à la suite de l'excellent rapport d'Yves Dauge de 2017 sur les villes patrimoniales. Le ministère de la culture n'a pas identifié dans ses modes d'action ce type de politique. Il ne fait pas partie des financeurs du programme « Action coeur de ville » aux côtés, par exemple, du ministère de la cohésion des territoires et de la Caisse des dépôts et consignations.
Quand on parle avec les maires de ces communes, que nous disent-ils ? Ils soulignent une chose très importante : le ministère de la culture a d'excellents services déconcentrés. C'est l'un des rares secteurs où il reste une vraie ingénierie d'État sur laquelle les collectivités locales peuvent s'appuyer alors que les directions départementales de l'équipement ont quasiment disparu. Pensons aux unités départementales de l'architecture et du patrimoine (UDAP), aux architectes des Bâtiments de France, aux écoles d'architecture. Nous avons beaucoup à attendre de tout ce réseau et je rejoins Philippe Bélaval quand il insiste dans son rapport sur le nécessaire renforcement des UDAP. Peut-être pourrait-on procéder par redéploiements à partir des administrations centrales ?
On peut se demander si le ministère ne devrait pas mieux identifier le rôle essentiel qu'il peut jouer dans la renaissance de certaines villes moyennes, pour lesquelles le patrimoine a une importance non seulement touristique mais aussi économique. Je suis passé il y a quelques jours à Langres : le contraste entre le patrimoine extraordinaire de la ville natale de Diderot et les commerces presque tous fermés de sa rue centrale est à pleurer. Il faut que l'État prenne cet enjeu à bras-le-corps !
À la commission des finances, on n'est pas des affreux et des méchants – je dis cela notamment à l'intention de notre collègue Brigitte Kuster. Au moment de plafonner les niches fiscales, nous avons fait très attention à préserver le dispositif de la loi Malraux. Ces vingt à trente dernières années, le coût de cette niche est resté stable : de l'ordre de 40 millions. Aujourd'hui, il est d'une trentaine de millions et on en a absolument besoin. Je souscris complètement aux propositions de l'IGF pour simplifier et rendre plus accessible cette niche fiscale ! Le « Malraux » peut être très intéressant pour cette politique des coeurs de ville.
J'approuve aussi l'initiative prise avec le nouveau dispositif de défiscalisation « Denormandie ». Les niches « Quilès », « Méhaignerie », « Périssol » et « Robien » étaient limitées au locatif neuf, avec l'appui de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers. Le nouvel avantage fiscal, lui, s'appliquera à la rénovation de logements dans les centres villes anciens.
Monsieur le ministre, pour vous montrer que nous sommes ouverts, je vous incite à utiliser ces deux niches fiscales et à faire des propositions à Bercy, qui n'est pas aussi fermé que cela.