Le modèle du CNC a fait la preuve de son efficacité. C'est un modèle original, envié à l'étranger, et qui fait de la France un pays leader en matière de cinéma et, de plus en plus, de création audiovisuelle. Les Français aiment le cinéma ; les Français aiment le cinéma français. Pour preuve, le marché français est le premier marché de l'Union européenne en termes d'entrées : notons qu'en 2018, nous avons dépassé les 200 millions d'entrées, dont près de 40 % pour des films français. Nous avons aussi une production audiovisuelle dont les ventes à l'international ont doublé en dix ans, dépassant 200 millions d'euros ces dernières années.
Ce modèle doit donc être protégé, en particulier dans un contexte mondial extrêmement mouvant et de plus en plus concurrentiel. Toutefois, protéger ne veut pas forcément dire figer. S'agissant de la gouvernance, notre système présente une originalité : une même entité est à la fois direction fonctionnelle du ministère et établissement public, doté depuis dix ans d'un conseil d'administration. Le CNC – nous l'avons déjà rappelé – est doté de larges pouvoirs : un pouvoir fiscal, un pouvoir réglementaire sur le cinéma, un pouvoir de régulation des salles. C'est également un guichet de subventions pour le cinéma et l'audiovisuel, mais aussi le jeu vidéo. Il administre aussi les crédits d'impôt. Sa place est donc telle que la moindre de ses décisions a des répercussions importantes sur les acteurs de la filière.
On peut saluer le travail du CNC, qui a mené de nombreuses réformes pour diminuer les dépenses ou accompagner les mutations du secteur. Cependant, nous avons aussi entendu des critiques, comme l'a rappelé Marie-Ange Magne : il existe une véritable demande d'un processus de décision plus transparent et davantage respectueux des cycles de production des professionnels du secteur. Pour cela, le CNC pourrait mettre en place une procédure plus formelle de consultation. Cette formalisation pourrait contrecarrer les reproches qui lui sont adressés, alors même que le CNC procède à des concertations informelles. Enfin, les parties prenantes demandent un meilleur équilibre entre les acteurs de l'audiovisuel et ceux du cinéma – dans la commission Chavanne, par exemple, qui se réunit une à deux fois par an, les représentants du secteur de l'audiovisuel sont moins nombreux que ceux du cinéma.
La gouvernance du CNC en fait une entité agile, équipée pour aller au combat, pour défendre notre diversité culturelle, notre création, notre industrie, notre influence, sans les lourdeurs que présente parfois l'État. Mais certains considèrent aussi qu'il s'agit d'une entité tellement autonome qu'elle ne rend pas assez compte de ses actions. Cette autonomie a été conquise, mais aussi confiée par le ministère. Celui-ci lui a, du reste, donné des missions supplémentaires au fur et à mesure – on pense notamment à la gestion de la Cinémathèque. Nous avons vraiment perçu qu'au-delà d'un rapport de suivi, il fallait aller davantage vers un rapport de co-construction, tant à l'échelon central qu'à l'échelon déconcentré.
Quand on parle de cinéma et d'audiovisuel, on parle forcément d'industrie culturelle. Dès lors qu'il s'agit bien d'une industrie, on peut s'interroger sur la place du ministère de l'économie et des finances. Celui-ci pourrait être représenté dans le conseil d'administration. En ce sens, je place beaucoup d'espoirs dans les travaux qui s'annoncent au sujet de la constitution d'une filière, et qui vont faire l'objet des états généraux, à l'automne prochain. Ces travaux permettront de renforcer la notion d'industrie culturelle, sans pour autant bousculer l'organisation institutionnelle.
Pour en revenir au Parlement, je soutiens ce que Marie-Ange Magne a dit sur la possibilité d'institutionnaliser les rapports entre le CNC et le Parlement par une audition, au moins une fois par an. Elle pourrait se dérouler devant la commission des affaires culturelles. Cela nous permettrait de dégager une information plus globale, afin d'avoir une vision d'ensemble du soutien public au secteur.
Sous l'impulsion des crédits d'impôt, on observe une véritable relocalisation des tournages. Je tiens à rappeler une nouvelle fois ces chiffres : 2 milliards de dépenses, dont 600 millions relocalisés, des productions prometteuses telle celle de Wes Anderson, qui a tourné ces derniers mois ; une augmentation du nombre de journées de tournage de 8 %. Le nombre de films connaît lui aussi une forte progression. Or la question est essentielle. En 2018, 237 films ont été produits, dont la moitié a fait moins de 50 000 entrées. L'appréciation de la qualité d'un film n'est pas affaire de seuil, et l'on peut se réjouir de la multiplication du nombre de films au regard de la diversité culturelle, mais certaines questions doivent être posées : l'accès du public est-il vraiment facilité dans cet écosystème ? Permet-on vraiment au public d'apprécier tout ce que peut être la créativité française ? La question de la rentabilité doit être posée elle aussi – elle est d'ailleurs clairement abordée par le rapport Boutonnat.
En tant que législateurs, nous devons vraiment nous interroger sur la bonne articulation entre les dispositifs d'aide et l'apport des crédits d'impôt. Ma question est la suivante : comment affiner le dispositif d'aide au cinéma et à l'audiovisuel, de manière qu'il finance des contenus plus forts, mieux dotés, plus écrits et encore mieux distribués, pour qu'ils soient vus davantage, non seulement par nos concitoyens, mais aussi à l'international ? Cela participe de notre influence et de la place de la France dans le monde.