Je vais vous présenter, avec Jean-Noël Barrot, les conclusions de notre rapport spécial portant, d'une part, sur l'exécution des crédits de la mission Immigration, asile et intégration en 2018 et, d'autre part, sur l'évaluation des mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.
Sur le premier point, nos commentaires seront succincts, et je vais m'appuyer sur les graphiques qui vont être projetés.
En 2018, dans un contexte migratoire sous tension, cette mission a fait l'objet d'une surexécution de 3 % en crédits de paiement. Concrètement, les dépenses ont été supérieures de 48 millions d'euros aux crédits votés en loi de finances initiale. Les crédits de paiement initiaux s'élevaient à 1,506 milliard d'euros, et ceux effectivement consommés se sont établis à 1,554 milliard. Comme les années précédentes, le dépassement observé se concentre sur le programme 303, relatif à l'immigration et à l'asile. Le dépassement constaté s'explique par le financement plus important que prévu de l'allocation pour demandeurs d'asile, en raison d'une évolution de la demande d'asile supérieure à ce qui était anticipé : alors que la loi de finances initiale tablait sur une croissance de 10 %, c'est une progression de 21,8 % qui a été observée dans ce domaine, sur la base des données de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
La situation budgétaire de la mission est toutefois nettement, et j'insiste sur ce point, plus favorable qu'en 2017, année où le dépassement observé était supérieur à 360 millions d'euros. À la suite de la Cour des comptes, Jean-Noël Barrot et moi-même saluons l'effort conséquent de sincérisation de la programmation réalisé en loi de finances initiale. Cependant, nous voulons souligner que cet effort doit être conforté par une meilleure anticipation de l'évolution de la demande d'asile. Lors de la prochaine discussion budgétaire, quelle méthode pensez-vous retenir, monsieur le ministre, pour améliorer la fiabilité de l'hypothèse d'évolution de la demande d'asile ?
Nos autres interrogations portent sur les mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, sujet sensible et très commenté. Jean-Noël Barrot et moi-même avons souhaité travailler sur ce thème afin de répondre à des questions relativement simples. Y a-t-il des améliorations à apporter aux procédures consubstantielles aux éloignements ? Comment ces derniers sont-ils organisés ? Quel est leur coût consolidé ? Le résultat de notre évaluation peut se résumer en quelques points.
Tout d'abord, la politique d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ne se limite plus aux éloignements forcés. Cette politique comprend de plus en plus un volet non coercitif prenant la forme de retours aidés, c'est-à-dire de départs volontaires d'étrangers en situation irrégulière moyennant un concours financier qui est compris, le plus souvent, entre 300 à 650 euros, pour les retours aidés simples, le montant versé pouvant être supérieur en cas de majorations exceptionnelles ou d'aides à la réinsertion dans le pays d'origine.
En métropole, 15 677 éloignements forcés ont été exécutés en 2018 et au moins 6 845 retours aidés ont été menés à leur terme. C'est une évolution majeure compte tenu de la différence notable de coût entre les éloignements aidés et forcés.
Une grande majorité des étrangers interpellés en situation irrégulière sont des ressortissants de pays tiers soumis à visa ; les ressortissants de pays tiers dispensés de visa et ceux de pays de l'Union européenne ne représentent que 13,5 % des étrangers en situation irrégulière qui sont interpellés en France.
L'accent mis sur les retours aidés ne signifie pas, loin de là, que les éloignements forcés sont délaissés. Les profils des personnes éloignées bénéficiant d'un retour aidé ou faisant l'objet d'un éloignement forcé ne sont pas substituables : certaines personnes n'ont pas vocation à bénéficier d'une aide au retour, notamment les profils radicalisés ou violents, les personnes sortant de prison et ayant fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une mesure d'interdiction judiciaire du territoire français.
La France a procédé en 2018 au plus grand nombre d'éloignements forcés enregistrés depuis dix ans. Le bilan est cependant nuancé. Le taux d'exécution de certaines mesures d'éloignement reste insuffisant. Des progrès ont été accomplis en ce qui concerne l'obtention de laissez-passer consulaires et le placement dans les centres de rétention administrative (CRA). Néanmoins, des difficultés subsistent au sujet des laissez-passer consulaires, de l'éloignement des personnes « dublinées » et des moyens mis à la disposition des services, notamment le nombre de places en CRA et la capacité d'éloignement, qui est restreinte du fait de la disponibilité limitée des escortes.
Quels engagements pouvez-vous prendre, monsieur le ministre, en vue de confirmer l'amélioration que nous avons observée en ce qui concerne les laissez-passer consulaires, l'éloignement des « dublinés » et les tensions opérationnelles rencontrées par les services ? Dans quelle mesure l'accentuation de la coopération européenne peut-elle contribuer, par le biais d'une coopération renforcée avec l'agence Frontex, d'accords de réadmission ou de cofinancements du Fonds Asile, immigration et intégration, à améliorer la situation ?
Avant de laisser la parole à Jean-Noël Barrot, je voudrais vous remercier pour l'esprit dans lequel vos services ont coopéré à la rédaction de notre rapport et pour la transparence dont ils font preuve à notre égard.