Intervention de Jean-Noël Barrot

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Noël Barrot, rapporteur spécial (Immigration, asile et intégration) :

Comme l'a rappelé Alexandre Holroyd, nous avons souhaité consacrer notre rapport à une évaluation quantitative précise du coût et des effets de la politique d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.

Le coût pour les finances publiques de cette politique des retours est peu ou pas connu, parce qu'elle mobilise de très nombreux acteurs et administrations. Pour estimer le coût pour les finances publiques, nous avons dû décomposer le processus d'éloignement en trente lignes financières, impliquant huit programmes et cinq missions budgétaires. Le résultat auquel nous sommes parvenus est que le coût des éloignements forcés s'est élevé en 2018 à 470 millions d'euros : 92 millions pour les interpellations et les décisions d'éloignement, 348 millions pour la phase de surveillance et de contentieux, 42 millions d'euros pour l'éloignement stricto sensu et 13 millions d'euros de diminution de charges.

L'estimation du coût des retours aidés est plus aisée. L'analyse des douze lignes financières concernées fait apparaître un coût pour les finances publiques de 27 millions d'euros en 2018, se décomposant en 4 millions d'euros pour les décisions d'éloignement, 7 millions pour l'hébergement, 27 millions pour l'éloignement stricto sensu et 12 millions de diminutions de charges.

On peut ensuite rapporter ces chiffres au nombre de personnes effectivement éloignées afin d'obtenir le coût d'un retour forcé et celui d'un retour aidé.

Selon que l'on considère le nombre de retours aidés qui est publié par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ou celui fourni par la direction générale des étrangers en France (DGEF), c'est-à-dire 10 676 retours d'un côté et 6 845 de l'autre, le coût d'un retour aidé est compris entre 2 500 et 4 000 euros par personne. Pour les 33 960 retours forcés enregistrés en 2018, le coût moyen s'établit à 13 794 euros par personne.

Faut-il augmenter le recours aux retours aidés ? La question peut se poser : la proportion des départs aidés en France, qui représente 40 % du total des départs, est plutôt en retrait par rapport aux autres pays européens, où la moyenne s'élève à 60 %.

Répondre à cette question suppose de mesurer si l'aide au retour volontaire a bien un effet d'entraînement et si elle ne constitue pas un effet d'aubaine pour des personnes qui auraient, sinon, quitté d'elles-mêmes le territoire. C'est ce que nous avons fait en consultant des milliers de données portant sur la période 2011-2018 et concernant toutes les nationalités. Je dois dire que nos interlocuteurs dans les administrations concernées, l'OFII, l'OFPRA et la DGEF, se sont montrés très coopératifs. Le nombre des retours aidés a suivi de près l'évolution du montant de l'aide depuis huit ans. Sa baisse de moitié, au début des années 2010, s'est accompagnée d'une baisse de moitié des retours ; on a ensuite observé une évolution symétrique à partir de 2015. Les analyses statistiques par nationalités montrent qu'une augmentation de 30 % de l'aide entraîne une hausse de 30 % des retours : l'efficacité de cette politique est donc réelle.

On peut pousser l'analyse un peu plus loin en estimant l'effet qu'aurait une augmentation de 30 % de l'aide en partant de la situation constatée en 2018 et en raisonnant par catégories de pays. Comme Alexandre Holroyd l'a rappelé, l'essentiel des personnes en situation irrégulière en France sont des ressortissants de pays soumis à visa. Une augmentation de 30 % de l'aide ciblée sur ces personnes entraînerait environ 1 479 retours supplémentaires.

Une question qui se pose est de savoir si l'augmentation de l'aide au retour est susceptible de favoriser l'arrivée de personnes dont l'objectif serait uniquement de la capter. Les analyses conduites à partir des statistiques montrent que les variations de l'aide au retour sur les huit dernières années n'ont pas eu d'effet sur les demandes d'asile ou sur les interpellations d'étrangers en situation irrégulière.

Vos rapporteurs recommandent donc de poursuivre la montée en puissance des retours aidés à destination des pays soumis à visa tout en améliorant la diffusion de l'information auprès des personnes éligibles, en évaluant la pérennité de la réinstallation dans le pays d'origine et en mettant en place des conditions permettant d'éviter tout détournement ou abus du dispositif.

Je voudrais à mon tour remercier les services concernés pour la qualité du travail que nous avons pu mener avec eux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.