Intervention de Pierre-Henri Dumont

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Immigration, asile et intégration) :

Notre politique d'éloignement des étrangers en situation irrégulière a des marges de progression importantes et persistantes. Le faible taux d'exécution des mesures prononcées l'atteste : il était de 17,9 % en 2016 et de 17,4 % en 2017, année où la progression du nombre de mesures prononcées n'a pas été suivie d'une progression équivalente de l'effectivité des éloignements.

Je suis revenu dans mon rapport pour avis sur les nombreux obstacles qui permettent d'expliquer ces résultats, en ce qui concerne tous les maillons de la chaîne de l'éloignement. J'aimerais revenir plus particulièrement sur l'une des dernières étapes conditionnant les éloignements, à savoir la délivrance des laissez-passer consulaires par les autorités des pays d'origine des migrants.

Cette étape, indispensable en dehors de l'Union européenne pour qu'il y ait un éloignement effectif, dépend étroitement de la coopération des pays d'origine. Or les taux de délivrance des laissez-passer consulaires dans les délais prévus sont aujourd'hui très disparates. Si la moyenne était de 51 % en 2017, le taux s'élevait à 91 % pour l'Albanie et à seulement 11 % dans le cas du Mali.

Le taux moyen a légèrement augmenté depuis, mais qu'en est-il des six pays identifiés en 2017 comme prioritaires, à savoir le Maroc, la Tunisie, le Sénégal, la Guinée, la Côte d'Ivoire et le Mali ? Avons-nous renforcé d'une manière efficace notre coopération bilatérale avec ces pays dans le domaine de la lutte contre l'immigration irrégulière ? Par ailleurs, quel bilan peut-on faire des huit procès-verbaux non contraignants qui ont été conclus avec des pays tiers, dont le Maroc, l'Algérie et la Tunisie, à propos de la délivrance des laissez-passer consulaires ?

Le doublement de la durée maximale de rétention administrative, qui constituait une des mesures phares de la loi adoptée à l'initiative de votre prédécesseur, monsieur le ministre, devait permettre aux autorités françaises de disposer de davantage de temps pour obtenir ces documents, mais elle n'a eu que des effets très limités à ce stade sur l'aboutissement des éloignements, d'où l'importance de notre coopération bilatérale avec les pays d'origine et de transit et d'un meilleur ciblage des placements en rétention, favorisé par la mise en place de cellules de coordination zonale sur le modèle francilien.

Davantage de volontarisme est également indispensable : on voit qu'il existe un décalage persistant entre le nombre des mesures d'éloignement prononcées et celui des laissez-passer consulaires demandés par les autorités françaises – il a baissé sur la période récente pour des pays tels que le Maroc ou le Mali.

En amont de la délivrance des laissez-passer consulaires, il faut aussi mentionner les problèmes liés à l'identification des migrants, qui peuvent mentir sur leur nationalité ou recourir à la fraude documentaire. Quels efforts la France réalise-t-elle aujourd'hui pour aider les pays d'origine à développer leur état civil, y compris sous la forme d'outils biométriques ? Est-il prévu de mettre en place de nouvelles missions d'identification avec des pays tiers, comme cela a pu être fait avec le Mali et la Côte d'Ivoire ? De tels outils sont indispensables pour mieux lutter contre l'immigration irrégulière mais aussi pour créer des conditions plus favorables à la mobilité légale.

Par ailleurs, quelles mesures entendez-vous adopter pour faire diminuer les « flux de rebond » en matière de demande d'asile, qui sont composés de demandeurs déjà déboutés d'une précédente demande ailleurs en Europe ? Ils représentaient 60 % des 122 000 demandes d'asile déposées en France en 2018. Cela conduit à l'embolie des différents processus, du traitement de la demande d'hébergement des demandeurs d'asile à la reconduite effective à la frontière des personnes déboutées.

Enfin, dans un contexte où la France connaît une demande d'asile en hausse constante, à rebours de la tendance observée ailleurs en Europe, où en est la mise en oeuvre de l'augmentation des places en CRA et des capacités du parc de centres d'accueil de demandeurs d'asile qui a été annoncée par le Gouvernement ?

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