Le programme 161 constitue la principale traduction budgétaire de l'effort de l'État en matière de sécurité civile. Il est placé sous la responsabilité du directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, rattaché au ministre de l'intérieur.
Son exécution pour 2018 atteint 515 millions d'euros de crédits de paiement et 768,5 millions d'autorisations d'engagement, ce qui représente la moitié des dépenses de l'État allouées à la politique de sécurité civile.
Les dépenses fiscales rattachées au programme sont limitées – le fait est suffisamment rare pour être rappelé : il s'agit essentiellement de l'exonération d'impôt sur le revenu pour l'indemnité des sapeurs-pompiers volontaires, chiffrée à 55 millions d'euros, comme en 2017.
L'État reste un acteur subsidiaire de la sécurité civile, comme je vous l'indiquais à l'automne, puisque l'essentiel des dépenses relève des collectivités territoriales. Ce sont les départements qui ont, depuis 1996, la charge d'organiser et de financer les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Cette activité mobilise près de 5 milliards d'euros en 2018, soit dix fois le volume du programme 161.
Après l'exécution du programme, je m'intéresserai aux principaux acteurs du modèle français de sécurité civile : les sapeurs-pompiers, bien entendu. Ce sont eux que les Français connaissent le mieux, et ils font aujourd'hui face à des difficultés importantes.
J'adresse d'abord un satisfecit à la maquette budgétaire du programme, claire et cohérente. Certains indicateurs de performance apportent une réelle plus-value dans la mesure de l'efficacité des moyens nationaux de sécurité civile financés par l'État : je pense notamment à la lutte contre les feux de forêt et à l'intervention des démineurs en cas de colis suspect.
Je suis un brin plus nuancée sur les indicateurs de disponibilité des avions et des hélicoptères : il me semble que certaines difficultés méthodologiques donnent une image plutôt faussée de la performance. Des évolutions seraient souhaitables sur ce sujet.
Concernant l'exécution des dépenses, l'exercice 2018 est marqué par l'engagement du marché de renouvellement de la flotte d'avions bombardiers d'eau. Une économie de constatation de 35 millions d'euros sur ce marché, dont la négociation a été confiée à la direction générale de l'armement (DGA), a pour moitié été recyclée en crédits d'investissements au profit du gestionnaire de programme, ce qui constitue une optimisation idéale.
Le dynamisme des dépenses salariales est plus préoccupant. La Cour des comptes l'a souligné dans un rapport publié en mars : les récentes mesures de revalorisation statutaires et indemnitaires ont été coûteuses. Entre 2011 et 2016, les primes et indemnités du programme ont augmenté de 9 %, alors que la croissance des dépenses totales de traitements était contenue à 2,3 %. J'appelle à la vigilance sur ce point, et incite le ministère de l'intérieur à réfléchir sur certains dispositifs de rémunération qui apparaissent contestables, notamment le cumul des primes de police et de sécurité civile ; ce travail reste donc à mener.
Pour l'évaluation de cette politique publique, je me suis intéressée aux missions et aux moyens des SDIS. Quatre sujets m'ont préoccupée : l'impact du droit européen du travail sur le modèle français de sécurité civile, le modèle de gestion du secours à personne, la mise en place du numéro unique d'urgence et, pour finir, l'application de la gratuité des frais de péage pour les véhicules en opération.
On constate d'abord une hausse continue de la sollicitation des SDIS, portée par l'activité dite de secours d'urgence à personne (SUAP). En dix ans, le nombre d'interventions a progressé de plus de 17 %, alors même que la population n'augmentait que de 4,2 %. Le SUAP est la principale raison de cette augmentation : alors qu'il représentait la moitié des interventions en 1998, il en représente aujourd'hui plus de 80 %. Plusieurs facteurs expliquent cette situation : l'évolution de la carte hospitalière, le vieillissement de la population ou encore la prise en charge de missions considérées comme périphériques par les sapeurs-pompiers. Parmi ces sujets, ceux que l'on qualifie de « carences ambulancières » cristallisent le mécontentement, et interrogent l'organisation de notre modèle de secours.
C'est là le premier point qui a appelé mon attention. Le secours en France est réparti entre les services d'aide médicale urgente (SAMU), dont les opérations sont régulées par un médecin, et les SDIS, chargés du secours d'urgence à personne et dont la réponse est fondée sur le « départ réflexe » avant intervention médicale.
Cette répartition théorique des tâches se heurte à des difficultés pratiques, en particulier quand les SDIS sont amenés à prendre en charge les carences des transporteurs sanitaires privés : les pompiers se retrouvent alors à suppléer les ambulanciers pour des missions qui ne relèvent pas toujours de l'urgence médicale. On estime que ces carences représentent 10 % du total des demandes de transport adressées au SAMU. Ces interventions sont particulièrement mal vécues par une partie des sapeurs-pompiers et contribuent à la perte de sens, dans la mesure où leur rôle se limite à suppléer les défaillances d'un acteur privé.
Deux sujets cristallisent plus précisément les tensions entre SDIS et SAMU : le montant de l'indemnisation remboursée au SDIS, fixé à 123 euros par opération, jugé insuffisant, et la qualification d'une opération comme carence ambulancière, qui fait parfois l'objet de désaccords entre acteurs.
L'administration a néanmoins tracé des pistes de travail intéressantes pour répondre au problème, que j'évoque dans mon rapport et qu'il convient de concrétiser. En particulier, il est important aujourd'hui de réengager les transporteurs sanitaires privés dans la réponse à l'urgence.
Le deuxième point d'attention développé dans mon rapport concerne la mise en place d'un numéro unique d'urgence. Le Président de la République l'a appelé de ses voeux, et j'y souscris pleinement. Je souhaite que l'Assemblée nationale puisse y donner une nouvelle impulsion politique ; c'est pourquoi j'ai déposé une proposition de résolution sur le sujet.
L'objectif est de simplifier le traitement de l'urgence en France autour d'un numéro unique, le 112. Chaque institution impliquée dans le secours – police, gendarmerie, sapeurs-pompiers et SAMU – dispose aujourd'hui de ses propres centres de traitement des appels, avec ses opérateurs métiers spécialisés et des systèmes d'information rarement interopérables.
La mise en place de ce numéro unique est une exigence politique et une nécessité pratique. Il permettrait, en amont, de mieux filtrer et répartir les appels et, en aval, de mieux dimensionner la réponse apportée aux demandes urgentes ; avec, en bout de chaîne, le meilleur service rendu au citoyen.
Le numéro unique permettrait de répondre en partie à plusieurs problèmes structurels auxquels notre modèle de secours fait face : l'augmentation continue des appels et la hausse des agressions contre nos sapeurs-pompiers.
Pour que la réforme soit réussie, il nous faut être ambitieux. L'ensemble du secours – police, gendarmerie, sapeurs-pompiers et SAMU – doit être réuni dans un lieu unique, probablement au niveau départemental ; c'est ce que j'ai entendu au cours des auditions que j'ai menées durant mes travaux. L'intégration des systèmes de réception des appels et de traitement de l'urgence doit être la plus poussée possible. L'impulsion politique doit être forte et continue pour faire avancer cette réforme, afin de dépasser les blocages politiques, administratifs, techniques et culturels qu'elle ne manquera pas de soulever.
Ma première question, monsieur le ministre, est simple : où en est-on de la réalisation du numéro unique d'urgence, conformément au voeu du Président de la République ?
Le troisième point d'attention concerne l'application du droit européen du travail aux sapeurs-pompiers volontaires. Je voudrais, sur le sujet, me montrer bien plus rassurante. L'administration a pris le sujet à bras-le-corps, et des solutions pertinentes sont envisagées. J'adopterai donc un ton bien moins inquiet qu'à l'automne.
Tout d'abord, la directive européenne sur le temps de travail prévoit des dérogations à ses exigences, en particulier pour les services de sapeurs-pompiers. Ses dispositions permettent de moduler le calcul du temps de travail en fonction de « périodes de référence » : par exemple, les 48 heures hebdomadaires peuvent être calculées comme moyenne sur une période pouvant aller jusqu'à quatre mois. La directive ouvre des flexibilités et des possibilités de dérogations importantes, si tant est que les États membres s'en saisissent.
Concernant le repos quotidien de 11 heures, les marges de manoeuvre sont moins importantes. Il s'agit en réalité de la principale difficulté identifiée pour concilier le volontariat sapeur-pompier et une vie professionnelle dans le respect des principes européens.
L'administration a donc mené un travail juridique en lien avec le secrétariat général des affaires européennes afin de proposer un texte à la Commission européenne qui pourrait résoudre les principales difficultés actuelles.
En parallèle, un projet de texte européen concernant l'engagement citoyen au sens le plus large a été confirmé par vous-même et le secrétaire d'État, M. Nunez. Ce texte nécessitera une longue négociation avec nos partenaires européens, mais devrait répondre très largement à nos préoccupations.
L'élaboration d'un texte faisant jouer les flexibilités et les dérogations de la directive européenne est donc appelée de nos voeux pour une solution à court terme. Je crois savoir, monsieur le ministre, que vos services sont en train de le préparer. Pouvez-vous nous préciser les avancées et les réponses qu'il apportera afin de préserver le modèle de l'engagement sapeur-pompier volontaire ?
Enfin, je me suis particulièrement intéressée à l'application des dispositions législatives qui assurent la gratuité des péages pour les sapeurs-pompiers en opération.
Nous voyons arriver les premières réponses sur ce sujet. Il me semble toutefois qu'il est nécessaire qu'un contrôle extérieur de l'application de l'accord passé avec les sociétés concessionnaires soit exercé ; par exemple au sein de la conférence nationale des services d'incendie et de secours, où siègent des parlementaires et des représentants des sapeurs-pompiers, de l'État et des conseils d'administration des SDIS.
Ma dernière question est donc la suivante : comment allez-vous, monsieur le ministre, assurer le suivi de l'engagement pris par les sociétés d'autoroutes ?
Enfin, monsieur le ministre, je ne pouvais pas conclure sans saluer l'engagement sans faille de la famille de la sécurité civile et de celle des forces de l'ordre, police et gendarmerie.