Intervention de Franck Riester

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Franck Riester, ministre de la culture :

Je vous épargnerai un propos général sur la présentation budgétaire : la rapporteure a mis en avant la qualité de son exécution, mais aussi de ses ambitions, notamment pour ce qui concerne le renouvellement de notre flotte aérienne, avec un programme d'investissement que nous n'avons pas connu depuis de longues années. Nous étions hier dans l'Hérault pour lancer la saison des feux ; chacun ici sait l'importance de ces dispositifs.

Notre modèle opérationnel, avant même d'évoquer notre modèle structurel unique, avec les poids respectifs des sapeurs-pompiers volontaires et des sapeurs-pompiers professionnels, reste assez unique dans l'intervention la plus rapide possible sur les feux de forêt, qui implique des moyens terrestres et des moyens aériens.

La première question que vous avez posée concerne le service d'urgence et d'assistance aux personnes. Votre diagnostic est juste, il est partagé et cette situation constitue une source de difficultés, quelquefois de désillusions chez les pompiers, mais ce service n'en demeure pas moins essentiel, même si l'on peut observer un changement dans les comportements : le débat que vous avez actuellement sur la gestion des urgences et l'explosion de l'usage des urgences ces dernières années rejoint sur ce point celui que nous avons sur la question du transport. Nous avons tous en mémoire les récits de pompiers appelés en urgence et qui découvrent en arrivant l'auteur de l'appel, avec sa valise, attendant qu'on le conduise à l'hôpital... L'armement d'un véhicule, la mobilisation de trois pompiers, cela représente un coût qui pourrait être pris en charge par le ministère des solidarités et de la santé, mais qui ne relève en tout cas pas du ministère de l'intérieur. Des discussions se poursuivent avec ma collègue Agnès Buzyn sur l'organisation globale du système ; des pistes de travail que vous avez évoquées dans votre rapport me semblent aller dans le bon sens. Je les fais miennes : nous avançons, peut-être insuffisamment vite, mais nous avançons.

Je ne reviens pas sur l'enjeu du numéro d'appel unique : 75 millions d'appels d'urgence annuels réceptionnés et 450 centres d'appel à travers treize numéros officiels ; il est donc important que nous puissions faire évoluer ce dispositif.

Lorsque vous êtes ministre et que l'on vous en parle, certains dossiers peuvent paraître simples, mais quand vous entrez dans l'opérationnalité, vous vous apercevez qu'ils sont particulièrement complexes, mais surtout qu'ils provoquent des tensions. Et ce dossier fait vraiment partie de ceux dont j'ai pu découvrir à quel point il était difficile de savoir par quel bout le prendre...

Une réunion interministérielle convoquée sous l'autorité du Premier ministre a eu lieu il y a quelques semaines. Nous avons décidé de mettre en place une mission de pilotage de projet qui associerait les différents ministères et serait conduite par une équipe conjointe du ministère de la santé et du ministère de l'intérieur ; elle est en cours de constitution. L'objectif est de proposer des expérimentations pour tester différentes options et retenir les organisations les mieux adaptées à notre modèle de sécurité civile et de santé, mais aussi les plus efficaces. Nous avons une organisation régionale pour l'un, départementale pour l'autre ; voyons quel est le bon dispositif, mais nous ne pouvons pas rester sans agir sur ce sujet.

Vous m'avez interrogé au sujet des risques pesant sur l'engagement citoyen de nos sapeurs-pompiers volontaires – c'est ainsi que je pose le problème. Dans un département rural, c'est quelquefois jusqu'à 1 % de la population qui est engagé dans le volontariat, et c'est absolument indispensable : tout le monde sait que la professionnalisation ne permettrait pas d'assurer la couverture territoriale que nous connaissons aujourd'hui. Au-delà même de cet aspect, et du débat citoyen que cela pourrait susciter, ce serait fragiliser une forme d'engagement absolument majeure ; il nous faut donc trouver le point d'équilibre.

Deux écoles s'opposent. La première considère que l'arrêt Marzak, pris en application de la directive relative au temps de travail, est une mauvaise décision à laquelle il faut résister. Or nous savons que ce n'est pas possible : le Président du Sénat avait écrit avant Noël au président de la Commission européenne pour tenter de le faire en expliquant la spécificité de notre modèle de volontariat, et je fais miens les propos qu'il avait alors tenus ; malheureusement, il s'est vu opposer une fin de non-recevoir.

Nous avons donc décidé d'agir sur deux fronts ; ce qui inquiète quelque peu, j'ai la franchise de vous le dire. J'ai présenté ces deux fronts à Fuveau auprès des pompiers et tout particulièrement auprès du président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers volontaires : j'ai indiqué que nous devions en premier lieu porter une réflexion politique pour l'élaboration d'une directive européenne relative à l'engagement citoyen qui, du coup, aurait une ambition beaucoup plus large que celle des seuls sapeurs-pompiers volontaires. Le ministère de l'intérieur répondrait de cette dimension « sapeurs-pompiers volontaires », mais nous pouvons aller bien au-delà. Nous travaillons donc à ce sujet, et nous espérons pouvoir sensibiliser tous les eurodéputés français à ce combat.

Toutefois, je ne souhaite pas, et j'ai pu échanger à ce sujet avec tel ou tel représentant de sapeurs-pompiers volontaires, prendre le risque de ne rien faire et attendre qu'une sanction tombe, dans un premier temps sous la forme de rappels réguliers de chambres régionales des comptes, mais ensuite sous celle d'une mise en demeure. Ce n'est pas encore le cas de la France, et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé que des travaux de transposition en droit interne de cette directive soient engagés afin d'exploiter toutes les exceptions, et vous en avez cité quelques-unes, que le texte prévoit.

Les Belges par exemple, sont partis bille en tête sur ce sujet et ont réglé le problème depuis quelque temps déjà. Nous avons bien avancé dans les échanges interministériels sur ce sujet ; nous avons saisi le secrétaire général des affaires européennes de ce dossier afin qu'il procède à des échanges informels avec la Commission.

Si dans le même temps nous avançons sur notre projet de directive relative à l'engagement citoyen, qui nous libérerait de ce travail de transposition ; je signe tout de suite. Ce que je ne souhaite pas, c'est que l'épée de Damoclès que nous avons au-dessus de la tête tombe. Nous ne pouvons nous permettre de courir ce risque. Précisons toutefois que tous les sapeurs-pompiers volontaires de France ne sont pas concernés : si 70 % d'entre eux exercent une activité professionnelle en plus d'une activité de volontariat, cela ne signifie pas pour autant que 70 % des pompiers seraient visés par l'application de la directive. Malheureusement, j'ai du mal à obtenir les chiffres précis, car, lorsque je sollicite l'ensemble des SDIS, tous ne répondent pas à mes questions... C'est un clin d'oeil amical que j'adresse à certains représentants des sapeurs-pompiers que nous connaissons bien tous les deux.

Vous m'avez également interrogé sur les suites données aux engagements pris par les sociétés d'autoroutes pour assurer la gratuité aux services d'incendie et de secours. On dit qu'après les déclarations amoureuses viennent les preuves d'amour... De la même façon, j'ai coutume de dire que la confiance n'exclut pas le contrôle. À l'heure qu'il est, compte tenu des messages qui ont été adressés par les cinq sociétés concessionnaires d'autoroutes, je suis en confiance, mais il n'en faut pas moins contrôler. Les intéressés doivent nous faire des propositions au plus tard le 15 juillet prochain ; et j'ai proposé à Élisabeth Borne – dès que vous l'aurez libérée des bancs de l'Assemblée nationale... ou peut-être un peu plus tard dans le cadre de l'examen parlementaire de son projet de loi – de maintenir ensemble la pression sur les sociétés d'autoroutes afin d'avancer dans ce dossier.

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