Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mercredi 19 juin 2019 à 16h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l'article 6. Dans sa rédaction actuelle, il supprime en effet de grands principes du droit de l'internet, sans garantir l'efficacité du nouveau dispositif.

L'alinéa 2 prévoit la suppression du principe de subsidiarité, un principe fondamental du droit de l'internet assurant, notamment dans un souci d'efficacité, l'équilibre des responsabilités des acteurs de l'internet. Ce principe dispose que, dans le cas où un juge constate la nécessité de faire disparaître un contenu illicite, il se tourne de manière préalable vers celui qui aura été le plus actif, à savoir l'auteur ou l'éditeur, puis vers celui qui est apte à retirer le contenu ou à en rendre l'accès impossible, à savoir l'hébergeur du site et, enfin, vers le fournisseur d'accès, qui ne fait que transporter passivement des contenus sans pouvoir les supprimer à la source. Ce n'est qu'en cas d'inaction de la part de l'hébergeur, qui est le mieux à même d'agir de façon efficace en cas d'inaction de l'auteur ou de l'éditeur, que le juge judiciaire peut ordonner au fournisseur d'accès de bloquer l'accès au site internet.

Ce principe trouve son fondement dans la nécessité d'agir de la manière la plus proportionnée et efficace possible en matière de retrait de contenus. Il donne la possibilité à l'hébergeur de retirer le contenu illicite, sans impacter les autres contenus hébergés. Les faits incriminés par la présente proposition de loi interviennent, dans la plupart des cas, sur des plateformes hébergeant de très grandes quantités de contenus, auxquels le blocage par le fournisseur d'accès conduirait à empêcher tout accès, ce qui est évidemment disproportionné.

Le présent amendement propose donc le maintien du principe de subsidiarité, en prévoyant la mise en demeure préalable de l'éditeur du contenu haineux illicite par l'autorité administrative et, en cas d'inaction de celui-ci, une saisine de l'autorité judiciaire par l'autorité administrative. Le juge pourra alors demander le retrait du contenu haineux illicite à l'hébergeur ou, à défaut, se tourner vers le fournisseur d'accès en dernier recours.

L'article 6 donne également le pouvoir à l'autorité administrative de décider du blocage d'un site miroir par un fournisseur d'accès, à partir du moment où une décision de justice a déjà été rendue pour des contenus similaires. Or, selon l'avis rendu par le Conseil d'État le 16 mai 2019 sur cette proposition de loi, les exigences constitutionnelles ne permettent pas de procéder à l'interdiction des contenus miroirs, quels que soient le degré et la gravité de leur illicéité, sans l'intervention d'un juge.

Cet amendement propose donc que l'autorité administrative puisse également saisir l'autorité judiciaire par requête – une voie beaucoup plus rapide que le référé, car non contradictoire – pour que le juge ordonne le retrait du contenu illicite miroir ou, à défaut, le blocage de sites miroirs.

Ce modèle de blocage judiciaire sur demande de l'autorité administrative en cas d'inaction des éditeurs et hébergeurs était d'ailleurs mentionné dans le rapport « Renforcer la lutte contre le racisme et l'antisémitisme sur internet », qui a été remis au Premier ministre le 20 septembre 2018, en amont de la présente proposition de loi.

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