Intervention de Fabienne Colboc

Réunion du mercredi 19 juin 2019 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabienne Colboc, rapporteure pour avis de la commission des Affaires culturelles et de l'éducation :

Madame la rapporteure, mes chers collègues, une étude conduite en 2019 par la société de modération Netino sur la haine en ligne estimait, à partir d'un échantillon de commentaires publiés sur vingt-quatre pages Facebook de grands médias français, que 14 % de ces commentaires comportaient des propos haineux ou agressifs. Cela témoigne d'une évolution inquiétante que le législateur doit prendre à sa juste mesure.

C'est tout l'objet de la proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise par notre collègue Laetitia Avia, dont la commission des Affaires culturelles et de l'éducation a souhaité se saisir pour avis. Elle tend à pallier l'impunité quasi-totale dans laquelle évoluent aujourd'hui les auteurs de tels propos sur les plateformes, dont le zèle à combattre les contenus haineux est pour l'heure limité à ce que la loi française rend obligatoire. Dont acte : la proposition de loi rendra obligatoire leur retrait en vingt-quatre heures ! Il est grand temps d'établir une législation efficace pour assurer le respect, par des plateformes virtuelles, de lois conçues pour le monde réel. Se retranchant systématiquement derrière leur statut d'hébergeur, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les plateformes de partage de contenus mis en ligne par leurs utilisateurs doivent aujourd'hui combattre de façon plus volontaire l'hydre numérique qu'ils ont contribué à créer, car c'est bien leur modèle économique, fondé sur l'exploitation algorithmique de nos données, qui nourrit l'enfermement intellectuel et, partant, l'intolérance croissante aux opinions contraires. Et c'est l'impunité totale des auteurs anonymes de propos haineux sur internet qui favorise leur expression exponentielle mais également leur banalisation dans la vie réelle.

C'est la raison pour laquelle cette proposition de loi comporte plusieurs mesures tendant à renforcer substantiellement les obligations à la charge des opérateurs de plateforme. Ils auront notamment à répondre au CSA, dont les missions sont complétées pour lui permettre d'exercer un contrôle fin de l'action des plateformes en matière de lutte contre la haine en ligne. C'est à ce titre que la commission des Affaires culturelles et de l'éducation a souhaité se saisir pour avis. En effet, les missions du CSA ont été récemment modifiées, notamment par la loi du 22 décembre 2018 relative à la manipulation de l'information, et sont appelées à évoluer à la faveur du futur projet de loi sur la régulation audiovisuelle. Il s'agit donc de veiller à la cohérence de l'ensemble normatif existant et futur, afin de donner à la loi sa pleine efficacité.

Ainsi, je vous proposerai, au nom de ma commission, plusieurs amendements précisant les contours des nouvelles missions confiées au CSA et tendant notamment à ce que la sanction qu'il prononce réponde non plus à l'obligation de résultat imposée aux plateformes mais bien à l'obligation de moyens qui leur est faite. Au-delà, la périodicité des différentes dispositions est précisée : le bilan de la loi effectué par le CSA serait annuel, tandis que la remontée d'informations de la part des plateformes serait, elle, mensuelle. Je vous proposerai aussi de permettre au CSA de rendre publiques tout ou partie de ces informations, soit pour dénoncer une plateforme récalcitrante, soit pour valoriser l'efficacité de ses actions. Je souhaite également que les associations reconnues qui oeuvrent aujourd'hui dans le domaine de la lutte contre la haine et les discriminations aient une place de choix auprès du CSA.

Au-delà, c'est bien sûr la compétence de la commission en matière d'éducation et de jeunesse qui justifie sa saisine. J'estime nécessaire de renforcer les outils existants, notamment au sein de l'éducation nationale, pour permettre une prévention adéquate de ces comportements chez les mineurs et assurer leur protection vis-à-vis des contenus haineux auxquels ils sont involontairement, mais de plus en plus fréquemment, exposés. Je vous proposerai ainsi de renforcer les obligations des plateformes qui permettent à des mineurs de moins de quinze ans, âge de la majorité numérique, l'inscription à leurs services. Elles devront obligatoirement sensibiliser les enfants de moins de quinze ans et leurs parents à la diffusion de la haine en ligne et les informer des risques juridiques encourus dans ce domaine. Je crois que c'est là un axe majeur de prévention, car, bien souvent, les parents n'ont qu'une conscience très limitée des risques que leurs enfants encourent dans l'environnement numérique et de la responsabilité juridique qui est aussi la leur en cas d'infraction.

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