Intervention de Caroline Abadie

Réunion du mercredi 19 juin 2019 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Abadie :

Une incitation à la haine ou une injure à raison de la race, de la religion, de l'ethnie, du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap ne sont permises ni dans la rue, ni à la télévision, ni à la radio, ni dans la presse. Pourquoi le seraient-elles sur internet ?

Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi déposée par notre collègue Laetitia Avia, rapporteure de ce texte. Nous sommes fiers de ce texte dont l'objectif est de protéger la liberté d'expression de tous sur internet. Chaque jour, des femmes, des homosexuels, des personnes de couleur, des juifs, des musulmans ou des personnes handicapées se font insulter sur internet parce qu'ils sont des femmes, des homosexuels, des personnes de couleur, des juifs, des musulmans ou des personnes handicapées. Chaque jour, les auteurs de propos haineux sont de plus en plus nombreux. Et, chaque jour, ils sont de plus en plus odieux.

Nous sommes bien loin des années 2000 où nous pouvions mettre tout ce que nous voulions sur nos « murs » Facebook, sans craindre la malveillance des autres. Chaque jour, les victimes adoptent un ton plus policé, évitent les sujets à risque, modèrent leurs points de vue, jusqu'à se taire. La liberté des uns s'arrête où commence celle des autres, la liberté d'expression aussi, c'est ce qu'affirme cette proposition de loi, c'est ce qu'affirme aussi la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Toutefois, il n'est pas question ici de redéfinir ce qu'est une injure ou une incitation à la haine, ce que définit déjà cette grande loi. Qu'elle nécessite une réforme ne fait aucun doute, c'est ce que devra dire la mission lancée par Mme la garde des Sceaux. Quant à nous, et pour l'heure, nous n'y toucherons pas ; cela constitue notre ligne rouge. Il ne serait pas sérieux de réformer la loi sur la liberté de la presse sans une étude approfondie au préalable. Si nous le faisions, les groupes d'opposition pourraient nous reprocher notre impréparation, et ils auraient raison.

En revanche, s'il y a eu un travail sérieux et poussé, c'est bien sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme en ligne, conduit par notre collègue Laetitia Avia en collaboration avec Karim Amellal et Gil Taieb. L'aboutissement de ce travail de près d'un an est le rapport remis au Premier ministre au mois de septembre dernier. C'est le socle de cette proposition de loi. Deux ans après l'Allemagne, mais sans faire de copier-coller de la loi Netzwerkdurchsetzungsgesetz, dite « NetzDG », nous pouvons nous appuyer sur ce rapport et sur l'expérience outre-Rhin pour proposer ce dispositif simple, lisible et que nous voulons efficace.

Le coeur du dispositif – vous le disiez, madame la rapporteure –, c'est l'obligation de retrait sous vingt-quatre heures de tout contenu manifestement illicite et signalé. Cela veut dire que le contenu gris, celui dont on ne sait pas au premier coup d'oeil s'il est illicite, n'est pas visé. Nous visons les contenus manifestement illicites, les propos incitant à la haine ou à l'injure discriminatoire. C'est le coeur du dispositif, car c'est cette obligation de retrait qui pèse sur les grands réseaux sociaux qui va les responsabiliser enfin. Et si l'obligation de vingt-quatre heures est le coeur, le signalement est le poumon. Cette procédure de notification se devait donc d'être accessible et simple : c'est le fameux bouton uniformisé qui se présenterait partout de la même façon pour que, d'un réseau social à un moteur de recherche, on retrouve le même design. C'est ensuite le CSA qui régulera. Il aidera les plateformes internet à lutter contre les contenus haineux. Il vérifiera que tout est mis en oeuvre pour atteindre les objectifs. Le cas échéant, il sanctionnera. L'échelle des sanctions ira de la mise en demeure jusqu'à l'amende de 4 % du chiffre d'affaires annuel mondial des plateformes.

Par ses amendements, le groupe La République en Marche tentera justement de parfaire le dispositif de notification afin de le rendre plus efficace. Nous proposerons notamment que le bouton soit non seulement facile d'accès mais surtout directement accessible depuis le contenu illicite. Parallèlement, nous voulons que le notifiant soit bien informé de ce qu'il encourt en cas de signalement abusif.

Avec cette proposition de loi, le groupe La République en Marche a clairement la volonté qu'internet ne soit plus une zone de non-droit. Le civisme doit y retrouver sa place, il y va de la liberté d'expression et du pluralisme des expressions. Les réseaux sociaux étant devenus le premier vecteur de communication et d'information du XXIe siècle, sans exagération, il pourrait bien aussi y aller de notre démocratie.

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