Je veux tout d'abord saluer Mme la rapporteure et la remercier de son travail. Elle n'a cessé de consulter et d'associer à sa démarche les acteurs du secteur et les citoyens français, notamment à travers l'organisation d'une consultation.
Chacun d'entre nous ici a pu, directement ou indirectement, expérimenter le déferlement quotidien de contenus haineux sur les réseaux sociaux. Sous des dehors parfois désincarnés, les propos diffusés à qui voudra bien les lire sont finalement très concrets – il est important que nous l'ayons à l'esprit avant d'examiner le texte. En définitive, nous sommes aujourd'hui à un tournant. Certes, nous nous attaquons à des objets complexes sur lesquels le législateur a finalement peu de prise mais, comme vous le rappelez, madame la rapporteure, dans votre projet de rapport, il n'y a pas de fatalité en la matière. Je crois qu'il ne faut plus, désormais, masquer les petits renoncements derrière de grandes critiques des nouvelles technologies et des nouveaux modes de communication. Ce texte propose précisément de sortir des ambages habituelles et vient compléter l'arsenal juridique disponible pour les utilisateurs quotidiens de ces plateformes. L'angle adopté est intéressant car il s'agit ici d'envisager les plateformes comme étant des catalyseurs de contenus afin de mieux les réguler en les responsabilisant et en responsabilisant les utilisateurs ; c'est là un point d'équilibre qui garantit la protection de la liberté d'expression et empêche ceux qui voudraient la détourner de ses fondements de s'en prévaloir. Bien sûr, certains éléments appellent des précisions, notamment le champ d'application de la proposition de loi, mais je crois que des amendements apportant les précisions souhaitables ont été déposés.
Je veux tout de même vous interroger, madame la rapporteure, sur plusieurs points. N'est-il pas envisageable de dépasser le critère du seul trafic dans la définition des plateformes visées ? Des plateformes de moindre importance accueillent et permettent elles aussi la diffusion de contenus haineux. Ne pouvait-on pas imaginer de viser l'ensemble de ces plateformes ? Par ailleurs, l'article 1er peut soulever plusieurs questions quant à la définition précise des contenus illicites. Quid de la latitude laissée aux opérateurs dans leur appréciation pour déterminer le caractère manifestement illicite ou non des contenus ? Ne devrait-on pas, à terme, réintroduire le juge judiciaire dans ce processus afin de protéger les utilisateurs ? Enfin, du point de vue de la liberté d'expression, comment gérer les éventuelles censures abusives de la part des opérateurs ? La pression des sanctions et du name and shame va pousser les plateformes à systématiser la censure. C'est aussi toute la question des moyens humains absolument nécessaires à la bonne gestion de la modération des plateformes.
Désireux d'apporter sa pierre à l'édifice, le groupe Mouvement démocrate et apparentés a également déposé des amendements. Ils traduisent notre volonté de renforcer certains éléments du texte, notamment en ce qui concerne la responsabilisation des plateformes. C'est tout le sens des deux amendements qui viennent préciser les informations que les opérateurs devront rendre publiques et transmettre au CSA pour que ce dernier les intègre à son rapport annuel.
Nous avons également choisi d'ouvrir ce texte à d'autres problématiques relatives à l'éducation et à la protection des mineurs. Nous vous proposons, par deux amendements dont notre collègue Laurence Vichnievsky est l'auteure, de permettre aux mineurs recevant des contenus abusifs d'avoir recours, sans autorisation préalable, à un signaleur de confiance et de mettre à leur disposition une protection spécifique. En complément de ces réflexions sur la protection des mineurs, souvent plus exposés aux cyberviolences et plus vulnérables, notre collègue Erwan Balanant suggère de renforcer la prévention autour de la haine sur internet en la faisant entrer dans le champ de la mission d'information sur les violences confiée à tous les établissements du premier et du second degrés.
Ainsi, notre groupe souhaite pleinement s'investir dans le mouvement dessiné par votre proposition de loi, déjà engagé au niveau européen par l'Allemagne. Il est plus que temps de traiter effectivement ce sujet.
Je terminerai en évoquant deux initiatives. Des élèves d'une classe de deuxième année de cours moyen (CM2) ont conçu une proposition de loi très intéressante relative à l'éducation des plus jeunes au numérique dans le cadre de l'édition 2019 du Parlement des enfants, et un entrepreneur suresnois Thomas Fauré a développé un réseau social, Whaller, garantissant le respect de la vie privée des utilisateurs. Nos concitoyens prennent donc le problème à bras-le-corps et répondent avec des initiatives pertinentes. Il est grand temps maintenant que le législateur leur emboîte le pas.