… mais les mesures auront, au regard des objectifs chiffrés assignés à l'époque, une portée plutôt faible.
Ce texte est également marqué par une certaine improvisation. Ainsi une lettre rectificative a été communiquée le 12 juin, soit deux jours avant la clôture du délai de dépôt des amendements pour l'examen en commission, faisant suite à l'invalidation des articles de la loi PACTE relatifs à la suppression des tarifs réglementés de vente du gaz et à la restriction de ceux de l'électricité. Les députés Les Républicains avaient pourtant, lors de l'examen du projet de loi PACTE, dénoncé le fait que les amendements déposés en toute dernière minute par le Gouvernement étaient des cavaliers législatifs. On ne nous a pas écoutés alors, en dépit de l'importance du sujet. L'improvisation observée lors de l'examen de cette loi est donc encore de mise ; ce n'est pas à mettre à l'actif du Gouvernement.
Un autre sujet qui nous préoccupe est la mise en difficulté d'EDF du fait du relèvement du plafond de l'ARENH. Là encore, nous sommes dans l'improvisation, puisque les conséquences de cette décision n'ont pas été suffisamment mesurées.
Cinquième point, ce projet de loi cache une politique finalement assez confuse alors que 62 % des Français, selon un sondage publié ce matin, estiment l'effort gouvernemental insuffisant pour protéger l'environnement et lutter contre le réchauffement climatique.
Le projet de loi propose de faire évoluer les objectifs de la politique énergétique : renforcer l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de l'objectif de réduction de la consommation énergétique primaire d'énergies fossiles en 2030 ; repousser de dix ans l'objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité.
Si cette évolution traduit la nécessité de garantir le respect des engagements pris au titre de l'accord de Paris, elle démontre l'incohérence, dénoncée par le groupe Les Républicains lors de l'examen de la loi de 2015, de la politique énergétique menée sous le quinquennat Hollande et perpétuée par le présent gouvernement. En effet, à des objectifs de décarbonation ambitieux, dont la pertinence n'est aujourd'hui plus discutable, a été adjoint un calendrier de réduction de la part du nucléaire dans le mix français susceptible de mettre à mal l'indépendance énergétique du pays et de tarir la manne que représentent les exportations d'électricité.
Je regrette d'ailleurs que l'on n'ait pas tiré les leçons de ce qui s'est passé chez nos voisins allemands, d'autant que le ministre Sigmar Gabriel lui-même avait expliqué que la transition énergétique avait été un échec en Allemagne – avant de se faire taper sur les doigts et de devoir revenir sur ces propos. Le prix de l'électricité y a doublé et il y a des problèmes de raccordement électrique entre le nord et le sud du pays. Du fait de la disparition des centrales nucléaires, il a fallu rouvrir des centrales à charbon. Tel est le bilan d'une politique qui, elle aussi, a été improvisée. Malheureusement La France n'a pas tiré les leçons de ce qui s'est passé chez son voisin et s'est lancée dans la même politique. Nous avions déjà tiré la sonnette d'alarme en 2015 : vous ne nous aviez pas écoutés alors et vous ne nous écoutez toujours pas en 2019.
Enfin et surtout, ce texte est déjà dépassé, ce qui justifie à soi seul son renvoi en commission. Le Haut Conseil pour le climat a en effet publié ce matin son avis sur les politiques publiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre – j'imagine que la lecture de ce document a dû perturber votre petit-déjeuner, monsieur le ministre, tant le constat dressé est loin d'être réjouissant. Dans ce premier rapport, cet organisme indépendant créé en novembre dernier pointe l'insuffisance des efforts de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour pouvoir espérer atteindre la neutralité carbone.
Comme la presse l'a souligné, le HCC relève que les profondes transformations socio-économiques qui sont nécessaires restent à engager. Comme noté dans son rapport, les engagements pris en 2015 par les pays ayant ratifié l'accord de Paris, même s'ils sont tous appliqués, sont largement insuffisants pour stabiliser le réchauffement climatique à venir.
Quant à la France, qui s'est fixé dans le cadre de l'accord de Paris l'objectif de neutralité carbone en 2050, force est de constater qu'elle est loin de respecter cet engagement. Comme le souligne le rapport, « la baisse des émissions de 1,1 % par an en moyenne pour la période 2025-2028 est beaucoup trop faible et très inférieure à la décroissance visée de 2,9 % par an. » Tel est le constat que l'on peut faire aujourd'hui de l'échec des politiques que vous avez contribué à mettre en place quand vous étiez dans la majorité, sous la présidence de François Hollande. C'est aussi votre bilan et c'est aussi votre échec, monsieur le ministre.