… de mesurer les émissions de carbone, mais n'oublions jamais que mesurer la véritable empreinte carbone de la sixième puissance économique mondiale suppose de tenir compte de ce que nous importons.
Par ailleurs, l'article 1er prend acte du report à 2035 de la réduction à 50 % de l'énergie nucléaire dans notre mix énergétique. Monsieur le ministre d'État, nous avons pris note de vos arguments selon lesquels il n'était pas possible d'atteindre cet objectif en 2025.
Même si l'énergie nucléaire est décarbonée, nous devons en convenir, elle soulève d'autres problèmes majeurs, voire vitaux. L'ignorer serait une faute, et même un crime, compte tenu des risques que nous ferions courir à nos enfants.
D'ici à 2025, vingt-deux réacteurs français auront atteint quarante années de fonctionnement et nécessiteront d'importants travaux, qui seront financés au détriment d'une politique d'investissement dans les énergies renouvelables, alors même que la filière parvient à maturité.
A contrario, les multiples déboires du réacteur EPR – Evolutionary Power Reactor – de Flamanville jettent le doute sur sa compétitivité. Vous-même avez soulevé la question, monsieur le ministre d'État.
Je crois savoir que nous en sommes à 12 milliards, et que le lancement de l'EPR aura lieu après le quinquennat en cours. Nous n'y sommes pas parvenus au cours de celui de Nicolas Sarkozy, ni de celui de son successeur, François Hollande. Y parviendrons-nous au cours du quinquennat d'Emmanuel Macron ? L'avenir le dira.
En attendant, en tout cas, les milliards défilent. Nous n'avons d'ailleurs pas, à ce jour, de réponse à une autre question pourtant simple : combien coûtera, in fine, le kilowattheure d'électricité produite par cet EPR ?
J'ajoute une critique qui pourrait être adressée à nombre de documents de programmation pluriannuelle : les objectifs sont d'autant plus ambitieux qu'ils sont éloignés dans le temps. C'est pourquoi nous proposons, pour la trajectoire de réduction de la part du nucléaire, de revenir à une séquence d'objectifs dont le premier serait une réduction à 65 % d'ici à 2025 – ce n'est pas un objectif si inatteignable que cela – , puis à 50 % à l'horizon 2030, pour atteindre 30 % en 2035. Voilà ce que pourrait être l'engagement volontariste de notre pays, à l'image de ce qu'a fait l'Allemagne.
Là où la transition écologique porte préjudice au maintien de l'activité économique, il nous faut proposer des mesures courageuses d'accompagnement vers de nouveaux emplois, pour que les mutations à l'oeuvre ne pèsent pas sur les salariés et sur les classes populaires. Je pense évidemment à l'article 3, qui prévoit l'instauration d'un plafond des émissions de gaz à effet de serre conduisant de facto à la fermeture des quatre centrales à charbon. Or, contrairement à ce que vient de dire notre collègue Laure de La Raudière à cette tribune, les émissions de ces centrales ne représentent pas 30 % des gaz à effet de serre de l'énergie en France, mais 1 à 2 %. Si je me trompe, monsieur le ministre, vous compléterez.
La fermeture de ces centrales constitue surtout un symbole, dans une démarche que je soutiens – vous le savez très bien, monsieur le ministre d'État, puisque vous m'avez fait l'honneur de venir dans ma circonscription, pour connaître Gardanne et sa centrale à charbon. Ces 1 à 2 % sont un symbole que nous devons accorder au Président de la République et au Gouvernement qui s'efforcent, à l'international, d'inciter d'autres pays, où la part du charbon électrique est extrêmement élevée, à la réduire en urgence. C'est ce que nous pouvons constater avec le plan allemand de sortie du charbon.
Mais ces fermetures ne pourront se faire sans un accompagnement propre à limiter le drame social qui en résultera. En commission, nous avons certes précisé des mesures d'accompagnement dont pourraient bénéficier les salariés, sous-traitants compris, mais il nous faut aller plus loin, monsieur le ministre d'État. L'accompagnement de ces hommes et de ces femmes doit être notre priorité. C'est pourquoi nous devons aussi connaître les financements qui y seront consacrés. Permettez-moi de faire un parallèle avec l'Allemagne : 40 milliards d'euros y sont mis à disposition pour accompagner la fermeture des centrales à charbon, la mutation des territoires et la reconversion des salariés dont l'avenir sera menacé, puisqu'ils n'auront plus d'emplois.
À Gardanne, aussi, la conversion à la biomasse aurait abouti à un désastre écologique potentiel, avec un gaspillage des ressources forestières. Je rappelle qu'a été lancé, pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, un projet de biomasse colossal : 800 000 tonnes de bois pour 30 % de rendement énergétique. Tout le bois disponible de la frontière espagnole à la frontière italienne aurait convergé vers un seul site, pour un rendement énergétique extrêmement mauvais, avec un coût de 130 euros par mégawatt, qui a été fixé par l'appel d'offres CRE 4. Pour un coût colossal – 1,4 milliard d'euros – , on aurait pris tout le bois de la frontière espagnole à la frontière italienne, tout cela pour 30 % de rendement énergétique ! À un moment donné, nous devons revenir de telles erreurs et redonner du sens à nos projets.
Nous aurons l'occasion, lors de l'examen des articles, d'aborder les améliorations que nous avons apportées en commission, sur le photovoltaïque, notamment, mais aussi sur des sujets qui ne manqueront pas de faire débat, comme l'évaluation environnementale.
Mais ce texte se caractérise moins par son contenu que par ce qu'il laisse dans l'ombre. Les thématiques occultées constituent, en effet, des pans essentiels de notre politique énergétique. Je pourrais citer les problématiques liées aux réseaux de chaleur ou de froid – pourtant vecteurs d'énergies renouvelables locales – , qui ne sont pas ou peu abordées. Même si elles sont difficilement abordables, nous devons en parler. Quant aux amendements relatifs à l'hydroélectricité, ils ont tout simplement été déclarés irrecevables, comme s'ils étaient étrangers à la politique énergétique. Cela a déjà été dit, mais je le répète et j'y insiste : c'est le modèle français des concessions qui est menacé.
Un autre mode de production d'électricité durable est à peine mentionné : le développement de l'éolien, notamment offshore. On a applaudi le succès de l'appel d'offres pour un parc au large de Dunkerque, une réussite du Gouvernement – je le dis très simplement et très directement – , mais le déploiement de ce mode de production d'électricité doit être accéléré, car c'est une filière d'une compétitivité remarquable, et qui est à maturité. La France, avec ses façades maritimes, a un rôle majeur à jouer dans ce domaine.
Permettez-moi, à ce sujet, une incise dans mon propos. Nous savons que certaines installations, notamment les éoliennes, peuvent faire l'objet de la défiance de certains riverains et de certains acteurs politiques, comme notre collègue qui m'a précédé à la tribune. Cette défiance entraîne de nombreux recours qui pénalisent le déploiement de certains équipements.
Nous avons la conviction, monsieur le ministre d'État, que la révolution énergétique se fera en s'appuyant sur les territoires, sur leurs acteurs et sur leurs élus. Il faut que les projets, notamment d'éolien terrestre, puissent être repris en main par les élus des territoires.
Nous regrettons que ni la stratégie bas carbone, ni la programmation pluriannuelle de l'énergie, ni encore moins ce projet de loi n'apporte de remède à l'absence de coordination des différents niveaux – État, régions et EPCI – dans la gouvernance de la transition énergétique. C'est un point majeur.
Un grand absent, enfin, de la version initiale du texte est le logement : rien sur les enjeux en matière d'amélioration de l'habitat. Or il nous faut rappeler le fléau de la précarité énergétique, qui touche plus de 12 millions de Français, majoritairement des ménages modestes. Ces familles grelottent en hiver dans des appartements équipés de radiateurs grille-pains, véritables gouffres financiers ; ces mêmes familles suffoquent en ce moment sous la canicule.
N'oublions pas que le secteur du bâtiment représente 45 % de l'énergie finale consommée et 27 % des émissions de gaz à effet de serre. Voilà ce sur quoi nous devons agir ! La rénovation énergétique des bâtiments s'impose donc comme une urgence absolue. Si l'énergie est un bien marchand, c'est aussi un bien de première nécessité.
De premières avancées ont été faites lors de l'examen du texte en commission et vont dans le bon sens. Je pense au renforcement des obligations d'information sur le niveau de performance énergétique des logements, ou au fait de conditionner la révision du loyer à l'atteinte d'un certain niveau de performance, ou encore à la mise sous séquestre d'une part du produit de la vente d'un bien immobilier de classe F ou G.
Je ne peux achever, car nous n'avons que dix minutes, monsieur le président, mais je veux quand même dire que le groupe Libertés et territoires entre positivement dans le débat que nous avons devant nous. Nous serons au rendez-vous si vous êtes au rendez-vous.